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3,79

sur 541 notes
Ce livre est une parabole sur un sentiment qui étreint la plupart des hommes, la peur de la mort. Bioy Casares donnait ici sa vision de l'immortalité, elle passait pour lui par l'éternel recommencement d'un moment heureux. On peut le comprendre, qui n'aimerait pas revivre pour toujours les plus beaux moments de sa vie ? L'histoire se déroule sur une île, elle est racontée par un naufragé repris de justice qui semble condamné à mort ou à l'enfermement à vie, ce qui pour lui revient au même. On ne saura jamais comment il se retrouve dans cet endroit, sans doute le naufrage d'un bateau, mais ses frayeurs sont grandes quand il se rend compte que l'ile est habitée. Pendant plusieurs semaines, il se cache, n'osant se montrer dans la peur d'être découvert et dénoncé aux autorités. Mais la faim et la curiosité le pousseront à sortir de son recoin . Sur la plage, chaque jour, il verra une femme d'une beauté peu commune et petit à petit il va tomber amoureux d'elle. Mais quand il osera enfin l'aborder, malgré les dangers qui le guettent, il découvrira un secret qui va remettre en cause beaucoup des certitudes de son existence... à lire pour sa brillante originalité et le message universel qu'il contient.
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J'ai lu une première fois le livre, j'ai abandonné au premier tiers, j'ai lu une seconde fois le livre, j'ai abandonné au second tiers, j'ai lu une troisième fois le livre...mais jamais je n'ai été embarquée dans la semaine éternelle de l'histoire. J'ai persévéré, j'ai gravi la colline péniblement, je voulais quand même découvrir cette fameuse invention. C'est fait. Mais je n'ai pas été éblouie par les rouages de cette étrange machine littéraire. La fascination de ce pauvre fugitif pour l'image de Faustine m'a semblé totalement grotesque et pathétique. Ces personnages en carton pâte qui se bercent d'illusions, qui désirent l'illusion du désir, l'illusion de l'immortalité me dépriment.
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Grand ami et complice de Borges, avec qui il publiera des recueils de contes et de nouvelles sous le pseudonyme de H. Bustos Domecq, Adolfo Bioy Casares signe un roman emblématique, considéré à la fois comme un des chefs-d'oeuvre majeurs de la littérature fantastique sud-américaine du XXème siècle et, au même titre que «Fictions » et « L'Aleph » de Borges, parus eux-aussi dans les années 40, comme étant l'un des précurseurs du mouvement que les literary studies américaines , les premières, consacreraient une dizaine d'années après sous l'appellation de «réalisme magique».
Oeuvre que la critique et le public ont pris l'habitude de situer dans une sorte de confluence entre le thriller policier et la nouvelle fantastique, c'est surtout, à mon sens, en tant que conte métaphysique aux accents borgésiens, justement, que L'INVENTION DE MOREL excelle. Dans sa préface à la première édition, Borges la qualifiera d'ailleurs «d'oeuvre d'imagination raisonnée». S'il identifie dans certains des éléments choisis par Bioy Casares, thème et décor (invention technique, milieu insulaire) ou dans le titre (Morel/Moreau), des échos renvoyant à un courant littéraire fantastique et policier anglo-saxon qui par ailleurs n'avait jusqu'alors exercé quasiment aucune influence importante sur la littéraire de langue espagnole, Borges conclura toutefois en affirmant que son ami « acclimate sur nos terres et dans notre langue un genre nouveau». «Imagination raisonnée » = raison et imagination = réalisme et magie : réalisme magique!
Dans ses Mémoires, publiées en 1994, Adolfo Bioy Casares déclare que «s'il devait choisir un endroit pour attendre la fin du monde, ce serait une salle de cinéma». L'INVENTION DE MOREL est un récit qui paraît ouvertement dominé par la vision, par les surfaces de projection que la vue ouvre à l'imagination, un roman hanté par la scopophilie et par les phantasmes de possession de l'autre par le regard, animé par les jeux imaginaires du montrer-cacher et du voir-être vu. La narration se déploie d'ailleurs à la manière de miroirs à triple battants, reflétant sans issue et distordant une réalité essentiellement multiplex, sur le fond insaisissable et condamnée à n'être jamais qu'entraperçue, aussi bien par le lecteur que par son personnage-narrateur lui-même : Où sommes-nous exactement? Cette île, qu'est-elle au juste ? Existe-t-elle au moins ? Et cet homme fuyant soi-disant une condamnation à vie, suite «à une erreur de justice irréparable», ne serait-il tout simplement en train d'échafauder un délire paranoïaque ? Sinon, qui aurait pu faire construire, et dans quel but, ces curieux bâtiments qu'il décrit (Piscine, Chapelle, Musée), à l'architecture minimaliste et onirique tels des décors de tableaux d'un de Chirico, seuls vestiges humains dans cette île autrement déserte? Et surtout, qui se cache derrière cet étrange groupe de personnages surgis de nulle part menés par un certain Morel, qu'il voit un beau matin occuper les bâtiments et sillonner l'île, l'obligeant alors à se cacher dans les terres basses et à les guetter inlassablement au cours de leurs étranges allées et venues...
Au fur et à mesure que l'intrigue se développe, Bioy Casares se révélera non seulement un conteur très doué, affûté, sachant parfaitement accrocher et tenir son lecteur en haleine à l'aide d'une trame construite à la Poe, mais aussi un formidable prestidigitateur, à l'image de son grand copain argentin susnommé. En superposant les points de vue spatio-temporels, en plaçant son lecteur, comme son personnage, en position de spectateurs placés provisoirement à l'entrée de la caverne de Platon, il finira par entraîner tous les deux dans l'illusion qu'essence et existence, esprit et matière, finitude et immortalité pourraient un jour ne plus s'opposer radicalement, pourraient se rapprocher, se réconcilier, se fondre dans un seul et même espace-temps, perpétuellement réunis, si au moins nous avions les moyens de...
« Il n'est pas impossible que toute absence ne soit, en définitive que spatiale. D'une façon ou d'une autre, l'image, le contact, la voix de ceux qui ne vivent plus doivent demeurer quelque part. Rien ne se perd »
En refermant L'INVENTION DE MOREL, le lecteur pourrait légitimement se demander si un jour l'humanité réussira à aller encore plus loin que ce nouveau-démiurge de Morel, inventé par Bioy Casares. Car depuis la publication du roman, en 1940, les moyens se sont énormément accrus, de nos jours les réalisations techniques sont stupéfiantes, cumulatives et rapidement applicables (la croissance de l'IA, dit-on, doublerait apparemment tous les dix-huit mois !) : hologrammes, réalité virtuelle, transhumanisme...Le fantastique tend à devenir chaque jour moins fantastique..!
Plus mesuré pour autant ?
« Et un jour on inventera un appareil plus complet. Ce que nous pensons et sentons durant la vie (...) sera comme un alphabet grâce auquel l'image continuera à tout comprendre (comme nous pouvons, avec les lettres de l'alphabet, comprendre et composer tous les mots). Alors la vie deviendra un dépôt de la mort. Mais même à ce moment-là l'image ne vivra pas ; elle n'aura pas connaissance d'objets essentiellement nouveaux. Elle connaîtra seulement tout ce qu'elle a senti ou pensé, ou les combinaisons ultérieures de ce qu'elle a senti ou pensé »
L'INVENTION DE MOREL reste néanmoins, rassurez-vous, avant tout un bon moment de lecture, une histoire bien tournée et captivante, dans laquelle on se laisse embarquer avec curiosité et plaisir. Et beaucoup plus, si affinités..!
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Cet auto-récit d'un narrateur-héros (ou anti-héros) qui écrit ses aventures de justiciable craintif, psychologiquement fragile et comme naturellement prédisposé à l'amour courtois, exige d'abord passablement de patience et d'endurance de son lecteur, bien que le livre soit très court.
Les remarques de « l'éditeur » dans les notes, qui expriment des doutes par rapport au narrateur, ou des suppressions de passages, faute de place, de même que certaines réflexions surréalistes du narrateur allègent un tant soi peu la lourdeur morose des premières pages et m'ont aidé à me rendre au moment où l'ensemble s'éclaire pour le narrateur et commence à être intéressant pour le lecteur.
L'ensemble constitue indubitablement une réussite littéraire, mais aurait, à mon avis, gagné à ne pas être servi de manière aussi visqueuse et glauque.
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On ne peut qu'être d'accord avec l'écrivain argentin Jorge Luis BORGES : "L'invention de Morel", ce court roman (ou cette longue nouvelle) que produisit en 1940 son ami et compatriote Adolfo BIOY CASARES [1914-1999] est un monument fictionnel quasi-parfait.

L'imaginaire pur.
La peur.
La survie.
L'indécision.
L'ombre portée de l'étrange & effroyable île du Docteur Moreau ["The Island of Doctor Moreau", 1896] d'Herbert-George WELLS (1866-1946).
La condition humaine : le narrateur, ce persécuté, ne rejoindra-t-il point - de son plain gré - au final, l'existence des Dieux de l'Olympe ?
Si riches tourments de l'imaginaire...

Satanée machine cernée de porcelaine bleue cachée dans les sous-sols du "Musée"...
Circé transformait les compagnons d'Ulysse en porcs.
Morel le scientifique vole "simplement" l'âme de ses amis vacanciers à leur insu... mais les prévient charitablement, à la fin de leur semaine de rêve et d' "enregistrement" collectif.

Morel est altruiste, à sa façon : il sait qu'il partagera leur destin.
Juste accepter de perdre peu à peu ses cheveux, ses ongles, sa peau, sa vue, son ouïe...

Se voir dessécher lentement, à l'instar des "tas d'ossements grisâtres" des infortunés semi-vivants de "Ubik" [1969] et "A maze of Death" (Au bout du labyrinthe) [1970] du Californien visionnaire Philip K. DICK [1928-1982].

Un "détail" pour le narrateur, amoureux fou des intonations de voix et de la gestuelle déliée de la belle Faustine, surprise sur les rochers du haut de l'île.
L'amour rend aveugle : le fugitif, peu à peu aveugle comme Homère, rejoindra le destin des Dieux et Déesses.

Seul au milieu du Pacifique : l'éternité pour soi ?

On préférerait clairement le destin de Chuck Noland de la "FedEx", incarné par Tom Hanks dans "Seul au monde" [Cast Away", 2000] de Robert ZEMECKIS : en compagnie protectrice d'un ballon, tenant bravement tête à tous nos cauchemars insulaires... Les années passeront.

Se souvenir que l'année 1940 fut, aussi, celle qui mit au monde "Il deserto dei Tartari" (Le désert des Tartares) du grand Dino BUZZATI (1906-1972).

"Une île...", chantait Jacques BREL (L'immortel).
"Une île au large de l'espoir"...
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Roman fantastique, symbolique, métaphysique?
C'est en tout cas une histoire qui déroute et intrigue. le narrateur, fuyant la justice, s'isole sur une île où ont été bâtis, puis abandonnés, un musée et une villa immense avec piscine et d'étranges machines.
Pourtant, l'île ne reste pas longtemps déserte puisque le narrateur peut observer l'étrange manège d'un groupe de personnes habillés à la mode des années 20 - 20 ans plus tôt que l'année où se déroule le récit - se promenant, dansant et se baignant qu'importe le temps qui sévit sur l'île.
Etrange manège: oui, car bientôt les actes, les dialogues et les situations se répètent, mot pour mot...

Tout au long du récit, on observe le narrateur émettre des hypothèses très vite balayées par d'autres tout aussi fausses: pourquoi Faustine, cette femme dont il est tombé amoureux, l'ignore-t-elle avec une telle ostentation lorsqu'il prend le risque de se montrer à elle? Quelle est sa relation avec Morel, l'organisateur de cette escapade sur l'île? Quel est l'objet des conspirations qui règnent dans le groupe?

Petit-à-petit et à tâtons, la vérité se dévoilera, mais je ne vous en dit pas plus, à vous de tenter cette courte lecture.
Il est clair qu'elle est tout-à-fait originale et intrigante! seul bémol, je n'ai pas pris un grand plaisir à la lecture elle-même car je ne me suis pas attachée à ce narrateur souvent puéril et trop réfléchi.
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Un roman très déstabilisant qui évoque un monde parallèle inventé par un certain Morel, et qui est lié à l'utilisation de l'image filmée. On ne sait rien du narrateur, sauf qu'il s'est réfugié sur une île pour fuir la police. On ne sait rien non plus de l'époque précise à laquelle se déroule l'action... le lecteur découvre simplement en même temps que le narrateur que l'île n'est pas si déserte qu'il y paraît et que des personnages toujours les mêmes s'y promènent régulièrement. Sont-ils réels, sont-ils fictifs?...
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Quelle livre étrange que celui-ci. Même s'il date de la première moitié du 20e siècle, il se lit toujours aisément. C'est une sorte de caverne de Platon revisitée par cet auteur argentin où un fugitif va confondre images et réalité. À lire assurément ne fût-ce qu'au titre de précurseur de ce type de narration.
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Il convient de rendre justice à l'invention de Morel, ce roman culte traverse notre siècle, le XXème bien entendu, et nombre de découvertes scénaristiques soit disant géniales, lui doivent beaucoup. (Comme par exemple la série télévisée le prisonnier)
De quoi est-il question ? du comportement irrationnel des individus lorsqu'il est guidé par l'ignorance.
Le héros, peu importe pourquoi il se trouve sur cette île déserte, est fasciné par les habitants qui s'y trouvent, il est fasciné par leur apparence diaphane et irréelle, par la constance de leurs gestes, la permanence de leurs paroles, la rigidité de leurs attitudes, il est subjugué par le fait qu'ils l'ignorent superbement, même lorsqu'il veut les approcher à les toucher.
Cette allégorie de la caverne de Platon (ce que nous voyons et vivons est-il la réalité ou une image de la réalité ?) nous renvoie à nos propres illusions.
Pour le héros il est plus facile de penser que Faustine est un être réel qui le fuit, plutôt qu'une construction artificielle (virtuelle dirions nous au XXIème siècle).
Son savoir, sa connaissance, ne peut en tout état de cause l'amener à imaginer que Faustine n'est qu'un artefact, car l'avouer, le comprendre et l'admettre, serait renier cet amour qu'il lui porte et lui permet de donner une raison à sa vie.
Au final il préfère s'enfoncer dans son illusion, après avoir découvert le stratagème de Morel, et régler la machine pour qu'elle projette l'image de Faustine ad libitum, lui procurant ainsi la sensation de l'éternité.
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Plus faustien que jamais, le démon de Nietzsche continue à renverser « l'éternel sablier de l'existence », dont le sable ressemble aux plages de l'île inconnue où se déroule ce récit. En ce lieu demeure Faustine, héroïne (malgré elle) d'un improbable triangle amoureux. Nous la percevons par la petite lorgnette d'un point de vue lointain et biaisé : celui du narrateur anonyme, explorateur angoissé de cette île, qui n'ose pas s'approcher des habitants et se contente de les observer à distance. Il tombe cependant amoureux de sa vision de Faustine et nous donne en parallèle une mauvaise image de Morel, fâcheux rival, qui se révèlera posséder la jeune femme à sa façon, grâce à sa mystérieuse invention.

De même que son ancêtre littéraire le docteur Moreau, Morel joue à pousser l'humanité hors de ses frontières naturelles. Mais faisons-nous l'avocat du diable : nos corps, nos vies ne sont-ils pas que des images aisément manipulables ? Images que l'on reçoit et que l'on se fait, de nous-mêmes et des autres ? Images qui dansent sur les murs d'un monde-caverne, où l'extérieur ne serait rien d'autre qu'un mythe ?

Les idées exposées ci-dessus ne sont sans doute pas très claires. Il est difficile de ne pas se laisser contaminer par les ratiocinations abracadabrantesques du narrateur, un être profondément psychotique. Il se fait de lui-même l'image d'un essayiste à la pensée suivie et logique… malgré les discontinuités flagrantes de son récit, strié d'obsessions et d'idées aberrantes. Par exemple, ses craintes que la police lui tende des pièges dans cette île isolée de tout et même du temps, un paradis qui représente pour lui une évasion hors de sa prison mentale.

Comme suggéré plus haut, cette évasion passe par le regard, et le désir. Mais le narrateur-voyeur n'est pas un voyant comme Moreau, et ne vit donc pas dans le plan d'existence de ce dernier, qui lui paraît utopique, au point qu'il cherche à y pénétrer en risquant son âme. Ce sera au lecteur de juger si la vision qui se dégage de cette tentative en valait la peine.
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