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Critique de HordeDuContrevent


L'amour le plus ardent
Est l'amour impossible
Mieux vaut donc n'aimer personne.

Pourquoi ? Pourquoi Bjarni a-t-il attendu si longtemps pour répondre à Helga, pour répondre à sa lettre ? Si ce temps d'attente a été nécessaire pour écrire ce qu'il a écrit, pour décrire ainsi la beauté, clamer son désir et crier son amour, alors nous le comprenons, nous le respectons, le coeur serré.
« La lettre à Helga » est la lettre d'une vie, qui raconte, qui déroule le fil d'une vie, en plein coeur d'Islande, ses difficultés, ses espoirs déçus, ses rares lumières, ses désirs et ses occasions ratées. de celle qui explique afin de mieux se comprendre et savoir se pardonner avant la mort, imminente. de celle pour laquelle on écrit de sa plus belle plume, de sa poésie la plus intime. Sans rien cacher. de celle qui confesse. « La lettre à Helga » est la déclaration d'un vieillard. Une déclaration belle à tomber. Un testament amoureux au bord de la tombe. « Vieille buche vermoulue et pourrie gisant sur le rivage du temps d'où le ressac bientôt m'emportera », il écrit.

Ce livre est l'histoire d'un amour impossible dans la campagne islandaise entre Bjarni et Helga. Bjarni, âgé de 90 ans, raconte, le temps d'une sortie de sa maison de retraite pour passer l'été dans sa chambre avec vue plongeante sur la ferme où habitait Helga…Il laisse son esprit vagabonder, les souvenirs remonter, il les capte et les restitue avec tendresse, franchise et poésie. Il veut expliquer pourquoi il a préféré renoncer à l'amour de sa vie pour rester sur sa terre natale islandaise.

Il raconte sa vie en tant qu'éleveur de brebis dans cette terre rude et hostile qu'il aime, loin des turbulences et du travail ouvrier et asservi de la capitale Reykjavik au début du 20ème Siècle. Il livre de belles réflexions sur la sagesse des anciens, sur les dangers du progrès, sur la religion, et nous fait ressentir l'amour profond pour ses bêtes qui lui a permis de rester debout. Il nous offre quelques anecdotes des moeurs anciennes islandaises assez étonnantes.

« Kristin, ma grand-mère avait l'air aussi vieille que les premiers colons de ce pays ; elle est baignée de douce ancienneté dans ma mémoire. A son époque, à la campagne, le savon n'existait pas ; on lavait le linge et les vêtements à l'urine fermentée, comme de toute éternité. Elle faisait souvent la remarque que ce n'étaient plus des cheveux mais une tignasse morte qui couvrait la tête des femmes d'aujourd'hui. Dans sa jeunesse, disait-elle, quand les femmes se shampouinaient à la pisse, leur chevelure longue et épaisse resplendissait ».

Il raconte ses difficultés avec sa femme, Ennur, devenue stérile suite à une opération, qui s'est réfugiée toute sa vie dans le travail sans accorder la moindre place à la tendresse, à l'amour, aux plaisirs simples. Morte il y a quelques mois, les cinq années qu'a duré sa maladie ont été éprouvantes tant elle a passé ce temps à tourmenter Bjarni.

Et bien sûr, il raconte Helga. La belle Helga. Les formes d'Helga. L'amour avec Helga. le choix qu'il a fait ou plutôt qu'il a été contraint de faire. Cet amour impossible, sa solitude, l'amour secret qui ronge et obsède, son envie de mourir. L'espoir toujours qui revient comme une fleur de pissenlit à chaque printemps, fleur jaune comme la flamme qui renait perpétuellement en lui. C'est tour à tour sensuel, poignant, touchant. A la fois sauvage, cru, et beau, à l'instar des paysages islandais, taillés dans la lave et pétris de poésie.

« Quand nous avons fait l'amour, tes seins ballotaient contre le râtelier. Comme des cygnes sur la vague ».

« Te voir nue dans les rayons de soleil était revigorant comme la vision d'une fleur sur un escarpement rocheux. Je ne connais rien qui puisse égaler la beauté de ce spectacle ».

C'est un très joli roman, très touchant, et qui permet aux lecteurs de découvrir les us et coutumes du peuple islandais au début du 20ème Siècle. Un monologue vigoureux et délicat qui raconte pourquoi cet homme s'est spolié lui-même de l'amour de sa vie. Un petit livre à découvrir que l'on termine touché en plein coeur.
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