Je vais vous raconter une histoire.
Il y a quelque temps, j'ai emmené ma puce au parc. Un parc magnifique, très boisé, plein de jeux pour enfants, toboggans et tout le toutim.
Dans un coin du parc, un manège égrenait sa musique. Des mômes couraient de tous côtés. Vélos, ballons, trottinettes se croisaient allègrement.
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À chaque entrée, se trouvait une boîte à livres. Dans ce genre de cas, mes pieds ne m'obéissent plus et foncent sur "mes précieux".
J'adorais ces boîtes, il y avait toujours des livres d'horreur, thrillers, etc. Même si je lis en ebook, je ne boude jamais mon plaisir.
Parmi toutes sortes d'ouvrages, ma main se tend vers un tout petit bouquin noyé dans les plus grands. Je m'en empare et vais m'asseoir sur un banc pendant que la petite s'amuse... et je l'ouvre.
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J'arrive en plein procès. Un enfant de 12 ans doit témoigner contre sa mère et son beau-père, mais il ne dit rien. Il réclame la clémence. Il le fait pour son petit frère.
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Voyez-vous, David n'est jamais allé dans un parc pour s'amuser comme tous les autres enfants (ou presque). Il ne sait pas ce qu'est un manège.
Sa mère ne voulait pas de lui. Elle le savait depuis la grossesse.
Alors quand il est né, elle l'a envoyé de nourrice en nourrice, Il y était heureux et choyé.
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Mais quand il a eu 4 ans, sa mère avait un nouveau compagnon. le couple a eu un bébé, alors David a été repris à ses nounous, pour occuper une place de choix... dans la salle de bains, ou de temps en temps attaché aux barreaux du lit des parents.
Le pauvre gosse a été maltraité, torturé, rejeté de toutes les manières possibles, sans la moindre raison,alors que son petit frère avait une vie "normale".
Inutile que je vous décrive tout en détails.
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À 12 ans, il a réussi à s'échapper, des professionnels se sont occupés de lui et ont réussi à le faire sortir de son mutisme.
C'est son histoire qu'il a fini par raconter, écrite et publiée par David Bisson et Évangéline de Schonen.
Un récit bouleversant, que j'ai parcouru très vite parce qu'il est court.
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Curieuse expérience, une telle lecture alors que vous êtes assis bien tranquillement au milieu de rires d'enfants.
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Vous regardez le vôtre et vous avez subitement envie de le serrer très fort.
Je pense que tout parent ou grand-parent (ou autre) comprendra ce genre d'impulsion...
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Une fois rentrée chez moi, j'ai posé le livre et oublié d'écrire un retour. Voilà qui est fait.
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Une lecture que j'ai découverte relativement jeune, donc assez impressionnable. Mais qui ne le serait pas face à de telles horreurs? Un livre difficile encore une fois car il touche à la douleur de l'enfant, physique et psychologique. A ne pas mettre en toutes les mains.
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L'appartement de Brétigny était beaucoup plus grand. On entrait directement dans un couloir assez large. La cuisine, en face de la porte, était grande et claire. En continuant le couloir, le salon était à droite, avec une double fenêtre. Puis la salle de bain, sur la gauche, et tout de suite après, la chambre des parents. En face, la chambre de mon frère ; et, coincé entre les deux chambres, au bout de l'appartement et du couloir, mon placard.
Elle m'a fait y entrer, immédiatement, en arrivant. Sans un mot. Sans un moment de répit pour souffler.
Le placard mesurait deux mètres sur un mètre soixante-dix. Je l'ai lu dans le dossier, plus tard. avec des étagères sur un côté.
Ils ont rangé leurs affaires. Ils se sont installés.
Elle m'a amené un seau - il n'était pas question pour moi d'aller dans les WC qui étaient attenants à la salle de bain, dans le couloir ; c'était trop loin - et un matelas en mousse, qu'elle a posé sur les étagères. Puis elle a fermé la porte du placard à double tour. J'étais à nouveau enfermé.
Et là a commencé une autre catégorie de souffrances. Ce n'était plus les coups, mais l'oubli, l'abandon total. Quand j'y repense maintenant, il vaut peut-être mieux prendre des coups que de rester seul, en silence, dans le noir. Je n'avais plus aucune vue sur rien. Pas une lueur ne parvenait à travers la porte. Le noir complet.
Au début, elle m'amenait une gamelle, assez régulièrement. Je veux dire le soir et le matin. Puis, petit à petit, ce fut n'importe quand, et en sautant des jours.
Elle m'oubliait au fond de mon cachot. Je n'existais plus. J'étais rayé. Fini.
Il était attaché au tuyau entre le lavabo, les W.C et la baignoire. Il avait une chaîne autour de la taille et une autre chaîne attachait au tuyau. Il y était assis avec la tête tournée vers le mur.
Elle lui donnait la nourriture dans une gamelle et parfois elle ne la lui donnait pas. De temps en temps quand David avait soif il buvait l’eau qui restait dans les robinets et parfois il buvait l’eau dans les W.C.
Après mon évasion, j'ai atterri dans un foyer de la DASS, où je suis resté peu de temps. Je n'avais aucune idée sur rien. Au départ, tous les hommes devaient être comme le beau-père et toutes les femmes comme ma mère, sans doute. J'étais dans une totale inconscience des choses. On pourrait dire naÏveté. Ou plutôt comme un animal. Un véritable arriéré mental!
Les mots, en eux-mêmes, ne représentaient pas grand chose. Sauf ceux du strict minimum vital. Je pensais qu'il suffisait d'apprendre à lire et à écrire et qu'àprès on pouvait tout faire!
C'est à dire n'importe quel métier! ...
J'avais des rêves, comme ça, de devenir pilote de ligne ou conducteur de train! ... J'ai vite déchanté!
Au tout début de ma vie en liberté, j'ai débarqué à l'école du foyer. J'ai appris à lire et à compter. Là, ça allait. Même si le rythme était assez dur à suivre.
J'étais avec des enfants plus jeunes que moi. Aux repas, je me souviens, je mangeais comme un rapace, je finissais tous les plats. Je crois que j'étais assez violent.
Quelques mois plus tar, on m'a mis dans un foyer du ministère de la Justice, à Evry. J'avais douze ans. Evry, c'était comme une petite famille. Nous n'étions pas nombreux. J'étais un peu sauvage. Je faisais beaucoup de bruit. Je parlais beaucoup. Ce n'est pas que les autres me faisaient peur, mais je n'avais pas l'habitude.
Les éducateurs m'ont appris à vivre. J'ai continué à aller à l'école. J'apprenais la vie: parler, jouer, manger, se bagarrer. Enfin tout, quoi! Tout était important.
Et la nuit revenait.
Et la terreur s'installait.
C'était la nuit surtout qu'elle me massacrait, qu'elle me passait à tabac.
Les douleurs physiques s'oublient vite. Elle a toujours essayé de me faire mal, très mal, un vrai bourreau. Ma douleur est morale.