Que cherches-tu, Éloïse?

Il est beau garçon et sexy. En fait, c’est surtout son accent allemand qui me séduit. Assez grand et affichant une silhouette athlétique, il a les cheveux d’un noir profond, tout comme ses yeux et ses cils fournis et il porte de fines lunettes sur un long nez d’Allemand. Pour dire vrai, je ne sais pas si les Allemands ont un tel nez, mais c’est ainsi que je les imagine. Il a aussi de jolies lèvres rouges et charnues, sans compter que son sourire est parfait. De belles dents blanches, toutes alignées. Il doit sans doute avoir porté des broches.

C’est vrai que, par moments, je me sens perdue, dans le vide. Je ne comprends pas trop où s’en va ma vie. J’ai vingt-sept ans, je suis célibataire, je n’ai pas d’enfants et je cumule les échecs amoureux. Je fais pourtant un métier que j’aime. Être éducatrice spécialisée et m’occuper des jeunes en difficulté me permet de me sentir utile. Je dois avouer que j’ai une grande facilité à créer des liens avec cette clientèle. Mais est-ce que je peux affirmer, si je suis honnête avec moi-même, que ce métier est pour moi une vocation ? Une mission de vie, comme on raconte dans les livres de croissance personnelle ? Non, je ne le crois pas. Mais je ne sais pas ce que je pourrais bien faire d’autre, c’est ça, le problème…

J’étais tellement déçue de lui et j’avais beaucoup de peine puisque c’était le premier gars avec qui j’imaginais me marier, ce que je n’ai jamais osé confier à personne, parce que je suis trop orgueilleuse, mais dans mon cœur il était clair que c’était lui, l’homme de ma vie. Il était grand, souriant, tendre et toujours de bonne humeur. Moi qui suis relativement grande pour une fille avec mes cinq pieds et huit pouces, je me sentais toute minuscule dans ses bras. Il me faisait rire et m’offrait souvent des cadeaux ici et là, en surprise. Je me sentais spéciale à ses yeux et femme aussi… Il était doux, très enveloppant et rassurant.

Lorsque j’ai de la peine, beaucoup de peine, mon cœur se ferme et c’est avec la colère et la vengeance que je me défends. C’est vrai que c’est immature. J’aurais dû lui admettre que ce mensonge m’avait brisé le cœur en miettes, me faisait douter de lui et m’humiliait aussi. Comme si d’être juste avec moi, ce n’était pas assez pour lui… Virtuelle ou pas, j’ai vécu sa double vie comme une trahison. Avec le recul, je réalise que j’aurais dû avoir une vraie conversation de cœur à cœur avec lui au lieu de faire une crise d’hystérie.

Je suis consciente que les ingénieurs ont pensé à tout lorsqu’ils ont construit cet appareil et que, avec la force du vent, c’est logique que l’avion s’envole, mais je ne peux rien y faire, je n’ai pas étudié l’aéronautique, mais l’humain. Ça ne me rentre pas dans la tête que quelque chose d’aussi lourd puisse se rendre jusqu’au ciel…