Citations sur Une saison dans la vie d'Emmanuel (22)
(«Pardon, mon Père, je ne recommencerai plus, je vous le promet, mon Père.» «Allez en paix, mon fils, et ne péchez plus.») Il allait en paix, et il recommençait le lendemain ou, si possible, le jour même de sa confession. Mais quel espoir de sentir que Dieu l'attendait dans toutes les églises, qu'il recevait ce pardon comme une nourriture contenant la précieuse énergie pour accomplir le mal, aussitôt qu'il en avait bénéficié.
Héloïse n'apercevait de cette féerie dépravée que le pied chaste d'une jeune fille foulant une mare de crapauds, comme sur d'autres images, elle avait vu une Vierge fouler la tête d'un serpent maléfique [...] Car, en peu de temps, ne cessant de comparer sa vie à l'Auberge avec le bien-être de la vie au couvent, glissant d'une satisfaction à l'autre, comme on s'évanouit de plaisir ou de douleur dans les rêves...
Ses vêtements étaient à peine déchirés. Mais passant la main à son cou, il sentit une marque qui brûlait encore …
Je ne sus jamais où était l'est, et encore moins le nord, il me semblait que l'ouest se promenait autour de la maison, la tête basse, comme une personne qui s'ennuie.
- Mais rien ne presse, dit M. le Curé, on trouve toujours son chemin...
Non, je ne ferai pas un geste pour servir cet homme, pensait-elle. Il croit que j'imiterai ma fille [...]. Non. Non, je ne bougerai pas de mon fauteuil. Il attend qu'une femme vienne le servir. Mais je ne me lèverai pas.
Les pieds de Grand-Mère Antoinette dominaient la chambre. Ils étaient là, tranquilles et sournois comme deux bêtes couchées, frémissant à peine dans leurs bottines noires, toujours prêts à se lever...
— Mon Dieu, dit mon père en apercevant ce monstre aux cheveux hérissés, cet idiot m'a fait perdre ma vache...
Ma mère essuya ses larmes. Ce sera pour une autre fois, dit ma grand-mère, des morts, il y en aura toujours. Ah !comme je grandissais pieusement sous les jupes de ma grand-mère en ce temps là...
p. 66.
Les pieds de Grand-Mère Antoinette dominaient la chambre. Ils étaient là, tranquilles et sournois
comme deux bêtes couchées, frémissant à peine dans
leurs bottines noires, toujours prêts à se lever :
c'étaient des pieds meurtris par de longues années de
travail aux champs (lui qui ouvrait les yeux pour la
première fois dans la poussière du matin ne les voyait
pas encore, il ne connaissait pas encore la blessure
secrète à la jambe, sous le bas de laine, la cheville
gonflée sous la prison de lacets et de cuir...) des
pieds nobles et pieux (n'allaient-ils pas à léglise
chaque matin en hiver? ) des pieds vivants qui gra-
vaient pour toujours dans la mémoire de ceux qui les
voyaient une seule fois - l'image sombre de
l'autorité et de la patience.
Né sans bruit par un matin d'hiver, Emmanuel
écoutait la voix de sa grand-mère. Immense, souve-
raine, elle semblait diriger le monde
p. 7.
Tu parles, on ne peut même plus aller en enfer tout seul, maintenant, disait Jean Le Maigre. Tiens, j'ai honte de la voir jeûner comme ça! C'est de l'égoïsme, ce n'est pas pour toi et moi qu'elle veut crever, c'est seulement pour nous ennuyer. Ah! les gens vertueux me dégoûtent.
... car, toujours inclinée vers la compassion elle voyait en l'homme qui piétinait sa jeunesse , sans égard pour la misère de son corps , et la solitude de son désir, l'enfant, le gros enfant des premiers appétits, suspendu à son sein, exploitant sous toutes sortes de gestes et d'emportements-- dont les uns ne semblaient pas plus ignobles que les autres à partir d'une certaine étape de délire, la soif , la grande soif du premier jour , malheureusement inassouvie, et qui faisait que l'homme venu pour goûter la caresse d'une amante désirait en même temps celle d'une mère capable de le corrompre.