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Jean-Michel Gardair (Éditeur scientifique)Ferdinand Léopold de Gramont (Autre)
EAN : 9782070322374
287 pages
Gallimard (13/04/1983)
3.99/5   66 notes
Résumé :
Ses poésies, Pétrarque les appelait "fragments", voire "bagatelles". Trois cent soixante-six joyaux amoureusement taillés, polis toute une vie durant. La langue italienne lui doit assurément ses lettres de noblesse. Canzone, ballades, madrigaux, sextines, sonnets, il a développé toutes les formes, et les plus complexes, indispensable chaînon entre les troubadours et Verlaine ou Mallarmé. Son amour impossible, sa Laure inaccess... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Attention, challenge de taille à l'horizon ! Pétrarque est le père de l'humanisme, et aussi l'un des trois pères de toute la littérature européenne, même s'il n'a hélas plus aujourd'hui la popularité de Dante et Boccace. Ses doux poèmes ne font plus lever les foules comme cela fut le cas pendant des siècles. Depuis sa retraite bien aimée de Fontaine-de-Vaucluse ou dans les voyages où sa renommée le mena, il les écrivit pour l'objet de son unique amour : Laure de Noves, noble dame avignonnaise emportée par la Grande Peste en 1458…

Il est vrai que ce n'est en rien une lecture facile. La traduction rend, dans la mesure du possible, la complexité de la langue et la subtilité des métaphores. Les innombrables variations sur « l'arbre bien aimé » - le laurier, signification du prénom Laure – n'en sont que les plus simples. Les notes aident un peu, notamment pour les figures de style moins évidentes. de temps en temps, on peut aussi jeter un oeil sur le texte italien pour gouter sa beauté et sa musique.

Et que reste-t-il, après tout cela ? Une voix s'élevant par delà la mort, célébrant l'amour d'un homme pour une femme. Ils vécurent il y a des siècles, en des temps incroyablement différents des nôtres. Et pourtant ces poèmes, alignés avec entêtement les uns après les autres, refont jaillir dans toute sa vigueur le sentiment qui unissait deux êtres qui ne sont plus que poussière, et accomplissent le miracle de les rendre immortels.

Jadis, les livres étaient des objets rares et précieux. Quand on avait la chance d'en posséder, on les conservait près de soi, on les relisait sans fin. Le ‘Chansonnier' était souvent le compagnon d'une vie entière. Et c'est ce qu'il est : l'oeuvre d'une vie, qu'on n'a jamais finit de lire.
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Elle s'appelle Laure...
366 fois, pour qu'il y en ait une pour chaque jour, une incantation à sa dame, lointaine, vive puis morte, 366 fois un hymne à l'amour décevant mais qui se régénère chaque matin tel le phénix, 366 fois chanter la plus belle, clamer les plus hautes qualités morales de sa dame dignes du ciel (tel l'immortel laurier), 366 fois se rappeler ces yeux qui lui ont incendié le coeur, assez pour que plus de 20 ans après il la chante encore, 366 fois appeler l'amour, appeler la mort pour ne plus brûler de ce feu, pour ne plus geler de cette absence, ce pieux et noble dédain qui lui montre le chemin de la vertu...
Nous avons chez cet immense écrivain de la Renaissance une poésie séculaire mais si moderne. non pas un récit ou des poèmes jetés au hasard mais un cycle, une insatiable variations sur le thème de l'amour, du désir où répétition et différence nous entraîne dans un tourbillon de poésie.
Pétrarque, dans le Canzoniere, clôt le moyen-âge en renouvelant le thème de l'amour courtois, cette idéalisation de la dame, ce désir jamais assouvi en raison de la vertu de celle-ci. Il y ajoute très pertinemment sa chair, son vécu, sa souffrance de l'éloignement. Étonnamment je venais de terminer un ouvrage de Bataille sur le désir et la mort. Chez Pétrarque, déjà, ce noeud mystérieux et irrésoluble de l'âme humaine hante l'art et la poésie. Six siècles plus tard, le voilà encore, ce méli-mélo de désir et de mort, sous une autre forme, l'allégorie en moins.
Le Canzoniere, c'est au XIVe siècle la naissance de l'introspection, de l'honnêteté, de la sincérité des sentiments humains face au divin : bref c'est l'invention de la Renaissance.
À vous aussi désormais, chaque jour, de tourner la page de cet amour, chaque matin intact qui vous brûle de ses plus belles métaphores ...
Elle s'appelait Laure...
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Ouvrez le Canzoniere et entrez dans la splendeur.
Vous vous maintiendrez sur les hauteurs de l'amour brûlant, mais chaste, et de la mélancolie.
Trois cent soixante-six poèmes, autant que les jours de l'année. La traversée est longue, mais elle est sublime.
A chaque nouveau poème, l'on se demande comment le même sujet peut générer autant de variations, et d'aussi captivantes.
François est amoureux. le 6 avril 1327, en l'église Sainte-Claire d'Avignon, il rencontre Laure de Noves, mariée à Hugues de Sade, un ancêtre de Donatien, le divin marquis, et en tombe éperdument (comme on dit) amoureux. Elle se refusera toujours a lui et François entreprend de mettre en vers (sonnets, chansons essentiellement) sa passion amoureuse malheureuse et la mélancolie qui règne alors sur sa vie. Il y travailla jusqu'à sa mort.
Mais les poètes sont menteurs, pour notre plus grand bonheur. Il faut éviter de donner une allure strictement biographique à un recueil poétique. C'est avant tout une construction littéraire. François Pétrarque en effet est un ecclésiastique, diplomate, grand voyageur, qui eut deux enfants de mères inconnues. Ce n'est pas le portrait qui se dégage du Canzoniere mais la poésie n'est-elle pas l'expression de l'intériorité?
Les poèmes sont donc consacrés à un amour malheureux, aux sentiments de l'amant éconduit, qui se morfond dans la mélancolie. Dis ainsi, cela pourrait ne pas donner envie, mais le poète sait explorer toutes les nuances de cette situation amoureuse, tous les miroitements de la mélancolie.
Les références mythologiques servent à multiplier les points de vue sur la femme aimée: Laure renvoie à Daphné (le laurier) aimée d'Apollon, mais elle est aussi l'or ou l'aurore, entre autres.
À la douleur de la passion non assouvie succède petit à petit la mélancolie, puis l'amour de cette mélancolie même. Et quand Laure décède de la peste en 1348, François ne peut s'empêcher de continuer à l'aimer, quelque douleur que cela lui cause encore. Cet amour, après vingt ans, est de plus en plus épuré. Les visions de Laure sont comme des visites qu'elle lui rend du ciel qu'elle illumine désormais.
Tout cela est mélancolique et beau, mais pas romantique. L'on songe plutôt à l'amour courtois et à l'adoration de la Dame.
La postérité du Canzoniere est immense: depuis les Français Ronsard et Du Bellay, jusqu'à Pasolini en passant par les sonnets de Shakespeare, parmi beaucoup d'autres.
J'ai lu le Canzoniere dans la traduction récente de René de Ceccatty (2018). J'ai beaucoup apprécié son effort de rendre cette poésie ancienne en français contemporain, sans trop d'archaïsme. Juste un souci, les traductions ne comportent aucune note, ce qui rend incertaine la compréhension de certains passages. Alors j'ai quelquefois plongé dans l'édition commentée de Marco Santagata. Si on lit un peu d'italien, on y trouve une foule d'informations qui enrichissent la compréhension.
Si l'aventure vous tente, n'hésitez pas, la traversée vaut le voyage.
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Pétrarque c'est le troubadour absolu, chantant l'amour impossible, inaccessible, sublimé par la seule imagination, émotion ou tout simplement par un coeur qui bat...
Qui bat comme ses vers aux sonorités amoureuses, romantiques, mystiques.
Qui bat comme sa prose poétique cheminant par tous les sentiers versificateurs, toutes les formes et les règles d'une poésie codifiée annonçant la renaissance et la pléiade. On voit dans les mots de Pétrarque, dans ses vers à la piété sensuelle venir les vers galants de Ronsard.
Pétrarque c'est aussi la version religieuse et platonique de Roméo et Juliette sans le sang et la fureur shaskpearienne.
Ce poète sensible est comme un prince du ciel à genoux pour sa muse glorifiée sur l'autel des amours maudits, inintelligible fusion imaginée par un homme à l'abscons désir, mais à l'amour idéalisé.
Pétrarque est la passerelle parfaite entre l'amour courtois du moyen-âge finissant et l'aube d'une renaissance aux amours charnels raffinés que les poètes seront exhalés.
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Revenir aux sources de la poésie amoureuse, même s'il manque l'italien pour boire l'eau de l'inamoramento, instant fatal de l'apparition qui fit tant de bien et de mal au pauvre poète. le sentiment amoureux, malgré le temps qui passe, les références culturelles qui s'effacent, les rapports humains qui changent, la femme qui se démystifie, est décrit par ce "je" si présent comme il se ressent encore aujourd'hui, depuis toujours sans doute, par un autre "je", le mien, qui se méfie du lyrisme et de l'exagération, mais qui, parce qu'être amoureux ne change pas, a vécu et vit encore, en sourdine, tout ce qui consuma cet homme si ancien : la joie de la voir et la terreur de lui parler, le chaud au coeur et le froid au corps, l'espérance déçue et le renoncement impossible, le temps qui passe pour le pire, l'idolâtrie des yeux flambeaux, l'inquiétude, les pleurs, les joies pour rien, la folie des mots que l'on n'ose pas dire. Il ne manque que la mort, celle de l'aimée, qui appelle celle de l'homme sans repère, qui ne peut que croire encore en elle, sa belle remontée en sa vraie demeure céleste, celle de l'homme sûr qu'elle n'est plus et ne pouvant y croire qui, une fois le deuil fait, car on fait le deuil de tout, se jette dans les bras d'un Dieu qui, en ce temps-là, pouvait encore consoler les estropiés de la vie.
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Citations et extraits (46) Voir plus Ajouter une citation
J'ai rempli de soupirs tout l'air environnant
Du haut des âpres monts en regardant la plaine
Où naquit celle qui ayant dans ses mains
Mon coeur quand il fleurit puis qu'il donna des fruits,

En s'en allant au ciel m'a mis en tel état
Par son départ soudain, qu'au lointain
Mes yeux las la recherchant en vain
Ne laissent auprès d'eux nul endroit qui soit sec.

Il n'est pas de buisson, de rocher dans ces monts
De branche ou de ramée verte parmi ces plaines
Pas de fleur dans ces vals, pas le moindre brin d'herbe,

Goutte d'eau ne s'en vient coulant de ces fontaines
Et de fauves n'ont point ces forêts si sauvages,
Qui ne sachent combien ma douleur est aigüe.
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Me revient à l'esprit, ou plutôt y demeure
celle que le Léthé ne pourra en bannir,
telle que je la vis en son âge fleuri
toute embrasée par les rayons de son étoile.

Si belle et si honnête à la prime rencontre
je la vois, absorbée en elle et solitaire
que je crie : "c'est bien elle, elle est encore en vie"
sollicitant le don de sa douce parole.

Parfois elle répond, et parfois ne dit mot.
Comme qui se fourvoie et après voit plus droit
Je dis à mon esprit : "Tu es en grande erreur.

Tu sais qu'en mille trois cent quarante huit
le six du mois d'avril, et à l'heure de prime
de son corps est sortie cette âme bienheureuse".
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La Mort ne peut rendre le doux visage amer; mais le doux visage peut donner de la douceur à la Mort. Qu'est-il besoin pour bien mourir d'assistances étrangères ? Celle-ci m'assiste, qui m'enseigne tout ce qui est bien;
Et celui qui ne fut pas avare de son sang, qui brisa de son pied les portes du Tartare, vient m'encourager par l'exemple de son trépas. Viens donc, ô Mort, ton atteinte m'est chère:
Et ne tarde pas; car il est bien temps enfin; et s'il pouvait en être autrement, ce fut le temps à ce moment où Madame passa de cette vie à l'autre.
Depuis lors je n'ai pas vécu un seul jour, j'ai fait la route avec elle, et avec elle je suis arrivé au but ; c'est avec ses pieds que j'ai fourni ma journée.
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Ce jour à jamais cruel et sacré m'a envoyé au coeur son image vivante, de telle sorte qu'il n'y aura jamais de génie ou de style qui puisse en parler; mais la mémoire me reporte sans cesse vers lui.

Le maintien que la plus noble sensibilité embellit, et la douce amertume des plaintes que j'entendais, faisaient douter si ce fut une dame mortelle ou bien une divinité qui éclaircissait le ciel tout à l'entour.

Sa tête était de l'or fin et son visage une neige éblouissante; ses cils étaient d'ébène et ses yeux deux étoiles où l'Amour ne tendait pas son arc inutilement.

Des perles et des roses vermeilles brillaient là où la douleur concentrée formait de belles et ardentes paroles; ses soupirs étaient une flamme, et ses larmes du cristal.
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L'or et les perles et les fleurs vermeilles ou blanches, que l'hiver devrait avoir flétries et desséchées, sont pour moi d'acerbes et venimeuses épines que je sens dans ma poitrine et dans mes flancs.

Ainsi mes jours sont noyés dans les larmes et retranchés; car il arrive parfois qu'une grande douleur nous vieillit: mais j'en accuse surtout ces homicides miroirs que vous avez lassés à force de vous contempler vous-même.

Ce sont eux qui imposèrent silence à mon seigneur qui vous implorait pour moi, et qui maintenant se tait, voyant en vous finir votre désir.

Instruments fabriqués sur les ondes de l'abime et teints dans l'éternel oubli, c'est d'eux que le principe de ma mot a pris naissance.
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Videos de Pétrarque (21) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de  Pétrarque
Pétrarque, cet « étranger partout » comme il aime à se définir, place son existence sous le signe de l'errance. Pour lui, l'homme vertueux est celui qui voyage. Alors que les réécritures du Moyen Âge font d'Ulysse un homme rusé, le texte antique en fait un voyageur philosophe, auquel il aime à s'identifier. Pétrarque voyage à travers les livres et les mots, mêlant subtilement ses lectures érudites à ses propres souvenirs, qu'ils soient réels ou imaginaires.
Écrivain et poète Italien du 14e siècle, Pétrarque est né sous le signe du voyage. Une série de podcasts en 6 épisodes, véritable odyssée sonore à travers les livres, en compagnie de cet illustre précurseur de l'humanisme.
Un podcast original de la Bibliothèque nationale de France
Production exécutive : NARRATIVE Conception et direction de projet : Sophie Guindon Conseiller scientifique : Philippe Guérin Ecriture : Nelly Labère Réalisation, design sonore et montage : Julia Griner et Ariane Neumann Prise de son : Ruben Perez – La Fugitive Musique originale : Julia Griner Voix : Elodie Huber et Jean-Philippe Vidal Production : Cecile Cros assistée de Charlie Dervaux
Textes de Petrarque extraits des Lettres familières (livre IX, lettre XIII) et de L'Itinéraire de Gênes a Jérusalem
Pour en savoir plus, rdv sur le site Les Essentiels de la BnF : https://essentiels.bnf.fr/fr/
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