Manuel Blanc est comédien ( chez Téchiné,
Laurent Bouhnik, ...). Il publie son premier roman "
Carnaval" et, franchement, c'est sans conviction que j'ai ouvert son livre. Des consoeurs ou confrères s'y sont essayés avant lui (
Anaïs Jeanneret,
Sylvie Testud, ...) avec plus ou moins de bonheur. On doute parfois de la totale nécessité de ces publications... Mais là, je l'avoue j'ai été bluffé. Il y a dans ce roman une atmosphère très particulière qui m'a accroché et enveloppé jusqu'au bout.
Difficile de résumer l'histoire, qui est un moment suspendu durant le
carnaval de Cologne. Il y a le narrateur, acteur qui essaie de retrouver son dernier amour parti quelques semaines plus tôt. Il y a ce moment unique où tout le monde déambule déguisé dans les rues de cette ville plus connue pour son eau que pour ses festivités. Il y a un film qui se tourne, une boîte à sommeil borgne, une "phéronome party" et des déguisements de gorille puis de Batman endossés par cet homme perdu. et surtout, il y a des regards, le regard, les yeux, la vue, ce que l'on voit, ce que l'autre voit, éléments essentiels de ce livre, très visuel. le cinéma, la photographie, l'image de soi, l'image intérieure, les émotions que livrent les images volées forment un kaléidoscope sensoriel assez vertigineux. C'est un peu "arty" dans la démarche mais, visiblement,
Manuel Blanc a des choses à dire et les fait ressentir très fort. J'ai été très vite dans la peau du narrateur. J'ai été Batman perdu dans la contemplation des vitraux de la cathédrale de Cologne. J'ai déambulé dans les rues en fête en faisant claquer ma cape au vent, le coeur lourd des étrangers égarés dans une ville, à la recherche d'un amour désormais impossible.
Sous le masque du super-héros, on avance anonyme pourtant. On est vu sans être reconnu.On voit sans révéler ses émotions. Et quand des peaux viennent s'associer aux regards, peaux de femme, peaux d'homme, on s'abandonne à ces contacts pour essayer d 'oublier la tristesse, le temps assassin.
Ce roman, écrit simplement, sans fioriture apparente, est un voyage sensoriel assez intense.
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