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EAN : 9782377290925
128 pages
Libertalia (05/05/2019)
3.75/5   55 notes
Résumé :
Grande fresque épique de fantasy inspirée des romans de George R. R. Martin, Game of Thrones, diffusée depuis 2011, est certainement la série la plus vue au monde. Pour beaucoup, cette fascination pour un univers médiéval dont les protagonistes craignent la venue d’un long hiver apocalyptique fait écho aux angoisses contemporaines concernant le dérèglement climatique causé par l’activité humaine.George R.R. Martin n’a pas été le premier auteur à utiliser la fantasy ... >Voir plus
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« Winter is coming », expression empruntée à l'oeuvre iconique de G. R. R Martin « Game of thrones », est le titre d'un essai au sous-titre plus évocateur : « Une brève histoire politique de la fantasy ». L'historien William Blanc y revient sur la dimension politique de ce sous-genre de l'imaginaire généralement cantonné à de la littérature d'évasion, mais aussi sur les liens étroits que la fantasy entretient avec le Moyen Age et surtout une certaine critique de la modernité. Très accessible et instructif, l'ouvrage se compose de trois grands chapitres, chacun consacré à une oeuvre en particulier qui permet d'illustrer le propos de l'auteur : « The House of the Wolfings » de William Morris ; « Le seigneur des anneaux » de J. R. R. Tolkien et « Game of thrones » de G. R. R. Martin. Suivent ensuite plusieurs petits articles consacrés à des personnages ou des thématiques récurrentes dans ces oeuvres pour lesquels l'auteur propose une grille de lecture. On en apprend ainsi un peu plus sur l'évolution de la figure du dragon en fantasy qui devient de moins en moins négative à mesure que se développe la sensibilité écologique des lecteurs pour qui ces derniers incarnent désormais le merveilleux. L'auteur y aborde aussi l'omniprésence dans les oeuvres de fantasy (et encore plus dans « Game of thrones ») de la métaphore saisonnière qui induit là encore une critique de la modernité et se révèle être un motif médiéval récurant. L'ouvrage revient aussi sur l'essor des pratiques ludiques en lien avec la fantasy à partir des années 1960, un processus de « démocratisation de l'imaginaire », ou encore sur l'existence du courant de « christianisme musculaire » dans lequel s'inscrit pleinement le héros Conan de Robert Howard. Enfin, l'exemplaire dont je dispose étant une réédition récente de l'ouvrage paru initialement en 2019, la nouvelle version s'accompagne d'une sorte de postface dédiée aux usages politiques de la fantasy ces quatre dernières années. L'essai comporte aussi une section « iconographie », avec des illustrations de couvertures ou d'affiches commentées, ainsi qu'une bibliographie thématique.

William Blanc consacre son premier chapitre à un auteur sans doute moins connu du grand public que Tolkien ou Martin mais dont de nombreuses oeuvres s'inscrivent dans ce courant littéraire qui n'en est qu'à ses balbutiements à la fin du XIXe. L'auteur revient ici sur l'empreinte laissée par l'imaginaire médiéval qui, loin de ne séduire que les conservateurs, est aussi réutilisé par les artistes romantiques qui critiquent la révolution industrielle. C'est le cas du mouvement préraphaélite fondé au milieu du XIXe et qui parvient à attirer de grandes figures de l'imaginaire. C'est le cas de Lewis Caroll mais aussi de William Morris, auteur qui rejette les formes d'arts élitistes, propose de rendre accessible à tous des légendes médiévales qu'il réécrit et publie, tout cela dans une volonté de « démocratisation de l'accès à la beauté ». En 1889, il écrit « The House of the Wolfings » qui « constitue dans doute l'une des premières oeuvres annonçant la fantasy moderne » et s'inscrit dans son engagement très marqué à gauche. le roman relate le conflit opposant l'empire romain à des tribus germaniques, ce qui n'a rien d'un hasard puisque, comme l'auteur le rappelle, de nombreux auteurs socialistes ou anarchistes du XIXe voient dans les sociétés « barbares » « des modèles de communisme primitif ». Des représentations idylliques et non pas historiques, mais qui inspirent Morris et font de ses héros « de quasi-socialistes avant l'heure ». Là encore pour des raisons idéologiques, l'auteur accorde une grande importance à l'architecture. le « hall » ou le « toit » communautaire, notamment, occupe une place centrale et sert de « métaphore à l'utopie ». Les bâtiments qu'il imagine sont beaux, éloignés des standards utilitaristes du capitalisme, et proches de la nature. Il s'inscrit en cela dans un courant de la gauche révolutionnaire de l'époque qui dénonce la ville industrielle. Pour l'historien, écrire de la fantasy comme le fait à l'époque Morris « c'est donc déjà préparer les masses à l'avenir. »

Dans sa deuxième partie, William Blanc s'intéresse à l'oeuvre de Tolkien, toujours du point de vue d'une dénonciation de la modernité. Il rappelle que Tolkien va dans un premier temps mobiliser l'imaginaire pour dénoncer la guerre puisqu'il écrit « La chute de Gondolin » après être revenu du front de la Somme. Il y dépeint la chute d'une ville conquise par un esprit du mal, et le contraste est marquant entre un « ost féerique médiéval défendant une cité, et des escadrons équipés d'armes industrielles détruisant tout sur leur passage. » William Blanc souligne qu'il n'est pas le seul artiste à avoir tenté d'exorciser ses souvenirs de la Grande Guerre par le biais de l'art ou de l'abstrait. Il s'agit ici de « faire semblant d'échapper à la réalité pour mieux en parler ». Vingt ans plus tard, il rencontre le succès avec le Hobbit (1937) puis le Seigneur des Anneaux, une oeuvre qu'il ne considère pas comme une « allégorie de la lutte contre le nazisme », mais dans laquelle on retrouve néanmoins la même inquiétude concernant la course aux armements et la déshumanisation qui attend les combattants. Ces deux oeuvres dépeignent elles aussi une sortie d'utopie, celle de la Comté, dont les habitants vivent en harmonie avec la nature et sans aucune volonté de dominer ni leur environnement de leur prochain. Ainsi, Tolkien porte lui aussi par le biais de l'imaginaire une critique de la modernité et des villes industrielles. le discours écologiste continue ensuite d'influer sur les auteurs d'imaginaire dans les années 1960, les mouvements contestataires de l'époque se réappropriant alors massivement l'oeuvre de Tolkien. Cet aspect va être renforcé par l'arrivée de la fantasy au cinéma, avec de grands succès comme « Avatar », « La guerre des étoiles », « Harry Potter » et bien sûr « Le seigneur des anneaux », autant de films mettant en scène des personnages oppressés par la ville ou la technologie et trouvant refuge dans de grands espaces, des planètes sauvages ou des forêts qui permettent un réenchantement du réel.

Dans son dernier chapitre, l'historien revient sur l'oeuvre de G. R. R. Martin, auteur qui revendique ouvertement considérer la fantasy comme un outil permettant de « s'opposer au monde industriel et marchandisé », bref, pour lui, « la fantasy est par essence politique. » On retrouve dans son oeuvre la même critique de la société industrielle et la même fascination pour le MA et son esthétique. Son propos politique réside toutefois plutôt dans l'idée qu'il n'y a pas de camp du bien ou du mal « mais des actions que les gouvernants doivent assumer » L'auteur rapproche l'oeuvre de Martin d'un mélange entre la fantasy et Machiavel : il est bel et bien question de politique, mais sans idéalisme. La dimension écologique du texte est maintenant clairement établie, les divisions des royaumes du Sud ne permettant pas de lutter efficacement contre la menace venue du nord contre laquelle l'humanité doit pourtant être totalement unie si elle veut espérer la vaincre. Des responsables politiques ou des militants se mettent alors à utiliser le parallèle avec l'oeuvre de fantasy pour parler du réchauffement climatique comme c'est le cas de Pablo Iglesias (l'un des responsables de Podemos), de Greenpeace (« Winter is not coming »), ou même des acteurs de la série. Cette allégorie qui fait consensus aujourd'hui n'a pourtant pas toujours été revendiquée comme telle par l'auteur, ce qui laisse à penser qu'il ne s'agissait pas d'une volonté consciente de sa part. L'auteur admet aujourd'hui que cette interprétation est cependant valide, la signification de l'oeuvre ayant donc été transformée par une appropriation collective de celle-ci par ses lecteurs. Pour l'auteur, on retrouve ici le même processus utilisé par Tolkien pour évoquer la Première Guerre mondiale : « Cent ans plus tard, les téléspectateurs du début du XXIe siècle doivent eux aussi passer par l'échappatoire de la fantasy pour formuler leurs craintes face à l'importance dramatique des bouleversements qui s'apprêtent à frapper notre planète. »

Si les courts chapitres consacrés aux dragons, aux saisons ou au jeu de rôle sont intéressants, c'est la postface intitulée « Faire face aux orcs ! » qui se révèle la plus marquante dans la mesure où elle se penche sur des réappropriations très récentes d'oeuvres de fantasy dans un cadre politique. L'auteur revient à ce propos sur le final de la série Game of thrones, remarquant que les militants écologistes continuent d'utiliser l'oeuvre pour sensibiliser à la question du réchauffement climatique et à l'urgence qu'il représente. Il revient aussi sur la réappropriation par les Ukrainiens du vocabulaire de Tolkien, les Russes étant qualifiés d' « ocs », y compris par Zelensky lui-même. La grille de lecture consistant à considérer la fantasy comme une mise en scène d'héroïques résistants face à une puissance totalitaire n'est pas nouvelle et perdure encore aujourd'hui (l'auteur rappelle que, bien que Tolkien s'en défende, la trilogie du Seigneur des anneaux a longtemps été perçue par l'URSS comme une critique du stalinisme). William Blanc explique toutefois que d'autres aspects de l'oeuvre sont aussi utilisés par les Russes, rapportant notamment une anecdote étonnante qui m'avait échappée concernant la distribution par Vladimir Poutine à huit présidents d'anciennes Républiques soviétiques de huit anneaux, le neuvième lui étant réservé. Ambiance… L'auteur voit dans ces réappropriations récentes une confirmation que l'essor de la fantasy est lié à une évolution de notre façon de voir le monde. On est désormais loin de l'âge d'or de la SF dont les ouvrages proposaient une vision optimiste du futur et positive de la technologie. « Alors que la fantasy monte désormais au front, jamais nos ailleurs médiévalistes, ces là-bas forgés autour de jadis fantasmés, n'ont été tant d'actualité ici et maintenant. »

Avec « Winter is coming », l'historien William Blanc tente d'analyser la fantasy selon un prisme politique. D'abord par le biais de l'étude de trois oeuvres majeures qui partagent une même fascination pour l'imaginaire médiéval et une même volonté de dénoncer la modernité et les effets délétères de l'industrialisation. Ensuite en étudiant comment ces oeuvres de fantasy sont aujourd'hui réutilisées pour aborder des actualités aussi brûlantes que la guerre ou le réchauffement climatique. Un ouvrage accessible et instructif, donc, qui montre bien que « les dragons et les Hobbits ont donc toujours été des animaux politiques. »
Lien : https://lebibliocosme.fr/202..
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Après l'hiver, le printemps ?

William Blanc, historien geek, choisit bien naturellement, dans ce petit ouvrage, de prendre la fantasy comme objet d'étude, dans une perspective historique.

Son hypothèse est la suivante : la fantasy, à l'inverse de la SF, est le reflet de l'angoisse suscitée par la marche en avant du "progrès" (notamment l'urbanisation et l'industrialisation des sociétés occidentales), à partir de 1850.

De même que les J-H Rosny aîné et autre Jules Vernes peuvent être considérés comme les pionniers de la SF, pour l'auteur, la fantasy naît du mouvement préraphaélite, et notamment de l'oeuvre de l'écrivain William Morris. Celui-ci fut très lié au socialisme révolutionnaire. Il voyait dans ses récits, mettant en scène un moyen-âge fantasmé, une critique de la société capitaliste naissante. Il fut d'ailleurs une des sources d'inspiration de Tolkien.

Je découvre avec étonnement que les précurseurs de la fantasy étaient en partie liés au communisme révolutionnaire et à l'anarchie, ce qui constitue une belle ironie, quand on sait que le genre fut accusé par certains d'être réactionnaire.
Passée cette savoureuse introduction, William Blanc s'appuie principalement sur l'oeuvre de Tolkien et de G.R.R. Martin pour développer son argumentaire.

Si l'hypothèse est intéressante, la brièveté de l'ouvrage et le fait de se cantonner essentiellement à l'oeuvre de deux auteurs limitent quelque peu le propos. Comment passe-t-on de la fantasy révolutionnaire de Morris au conservatisme catholique de Tolkien ? Est-ce bien de la même fantasy dont on parle ? Ce n'est guère explicité par l'auteur. Et pourquoi limiter l'analyse de l'oeuvre de Robert E Howard à un court bonus, en fin d'ouvrage ? Bonus intéressant, au demeurant, tant il met en avant une conception encore différente de la fantasy.

Finalement, la conclusion logique de cet essai ne serait-elle pas que le rôle politique de la fantasy est de servir de réceptacle à tous ceux qui ne trouvent pas leur compte dans le progrès scientiste capitaliste, qui bâtit notre monde actuel, sans qu'il n'y ait nécessairement une filiation autre qu'esthétique entre eux ?

En tout cas, on ne peut que reconnaitre que cet ouvrage de William Blanc donne bien envie de creuser le sujet.

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William Blanc est un historien, et plus particulièrement un médiéviste, dont j'apprécie les travaux, qui portent souvent sur des thèmes qui m'intéressent beaucoup. J'avais notamment beaucoup aimé ses deux livres le roi Arthur, un mythe contemporain et Super-héros, une histoire politique qui sur deux sujets différents abordaient pourtant une thématique commune : les rapports entre culture populaire, histoire et politique.

Le programme est semble-t-il le même avec son nouvel ouvrage paru au mois de mai dernier, et dont le titre a le mérite d'être clair sur le thème abordé et son ambition : Winter is coming : une brève histoire politique de la fantasy. le thème est clair : il s'agit d'étudier la fantasy comme genre à travers le prisme de la politique. L'ambition l'est également : cette histoire sera brève, il ne s'agit pas d'une encyclopédie complète sur le sujet. le résumé proposé par l'éditeur en dit un peu plus :

« Les dragons et les Hobbits ont toujours été des animaux politiques. Voyager avec eux, c'est prendre des détours pour mieux parler de l'indicible, c'est s'aventurer sur des chemins de traverse vers d'autres futurs. »

Grande fresque épique de fantasy inspirée des romans de G. R. R. Martin, Game of Thrones est désormais la série la plus célèbre au monde. Cette fascination pour un univers médiéval, dont les protagonistes craignent la venue d'un long hiver apocalyptique, fait écho aux angoisses contemporaines concernant le dérèglement climatique causé par l'activité humaine.

G. R. R. Martin n'a pas été le premier auteur à utiliser la fantasy pour parler des dérives du monde moderne et d'écologie. À bien y regarder, le genre du merveilleux contemporain développé à la fin du XIXe siècle en Grande-Bretagne a constamment servi d'outil pour critiquer la société industrielle.

De William Morris à J. R. R. Tolkien en passant par Ursula le Guin, Robert E. Howard ou Hayao Miyazaki, ce petit ouvrage invite à questionner la généalogie politique de la fantasy.

Contrairement aux ouvrages de William Blanc que j'avais lus précédemment, qui pour l'un dépassait allègrement les 350 pages quand l'autre approchait carrément les 600 pages, celui-ci est plus court : 128 pages au format poche. Cela se lit donc très vite.

Le coeur du texte se compose de trois parties :

La première partie présente les précurseurs de la fantasy, notamment William Morris que l'auteur m'a donné envie de découvrir. Ses oeuvres imaginent des mondes fantastiques et merveilleux et mettent en scène des civilisations anciennes qui vivent en communautés quasi-utopiques, confrontées à des envahisseurs belliqueux et impérialistes. Il est aisé d'y voir une métaphore d'une réaction, d'une résistance, face à lune certaine modernité apportée par la révolution industrielle, pressentie comme dangereuse pour l'humanité et son environnement

La deuxième partie aborde évidemment le “père” de la fantasy moderne : Tolkien, et son oeuvre magistrale marquée par les deux conflits mondiaux et la transformation de la société au XX° siècle. Rien de forcément nouveau dans cette partie, mais des rappels toujours utiles, même quand on connait déjà bien l'oeuvre de Tolkien

La troisième partie s'intéresse à la saga du Trône de Fer de George R.R. Martin et son adaptation pour la télévision Game of Thrones, interprétée après coup comme une analogie de la lutte – inefficace – contre la réchauffement climatique.

L'ouvrage s'achève par une série de “bonus”, des textes courts de l'auteur sur des thématiques complémentaires (les dragons, les saisons, etc.) ainsi qu'une bibliographie commentée dont j'ai eu très vite envie de piocher quelques références pour une lecture future.

Le livre est court et passionnant du début à la fin. A vrai dire, il est tellement court que je suis resté sur ma faim. J'aurais aimé que William Blanc développe certaines thématiques, qu'il donne d'autres exemples, qu'il creuse certains aspects. J'espère qu'il aura l'occasion de le faire dans un futur ouvrage, que je lirai alors avec plaisir.

Dans tous les cas, ce court livre m'a beaucoup plu, et je le conseille à tous ceux qui aiment la fantasy et veulent lui rendre ses lettres de noblesse, loin de l'image d'un genre uniquement d'évasion et de divertissement, alors que ses thématiques sont à la fois profondes et très actuelles.
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Riche en pistes à explorer, une passionnante incursion dans la politique de la fantasy, trop brève pour ne pas s'exposer à certaines caricatures.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/04/16/note-de-lecture-winter-is-coming-william-blanc/

Pour contourner l'impression tenace et pourtant largement infondée que, à la grande différence de la science-fiction, la fantasy serait dans le meilleur des cas peu ou pas politisée – et dans le pire… on se souviendra de la charge parodique menée contre elle en 1972 par Norman Spinrad avec son « Rêve de fer » -, William Blanc opère un superbe retour à la source, à savoir essentiellement celle, « Au bout du monde » (1896), de William Morris, dont l'oeuvre, un temps tombée en désuétude est désormais vaillamment défendue en France par les éditions Aux Forges de Vulcain, et dont le versant le plus directement science-fictif et utopique est analysé avec brio par Fredric Jameson dans son « Archéologies du futur » de 2005. Oeuvre construite en réaction à une modernité technologique vécue avant tout comme déshumanisante et éloignant le monde des vertus utopiques d'un pré-socialisme pourtant cohérent, elle influence largement et profondément aussi bien J.R.R. Tolkien que C.S. Lewis, qui placeront le moment venu le genre sur orbite, au Royaume-Uni et dans le monde entier (on lira d'ailleurs avec intérêt à ce propos la belle fiction de l'Italien Wu Ming 4, spécialiste universitaire reconnu de l'oeuvre de l'auteur du « Seigneur des anneaux », précipitant ensemble au lendemain de la première guerre mondiale Tolkien, Lewis, Graves et T.E. Lawrence : « L'étoile du matin »).

Las, force est de constater avec l'auteur que ce double élan majeur, dévoyant subtilement celui de William Morris, donne bien un caractère résolument anti-moderne à cette fantasy dominante, justifiant ainsi a posteriori la lecture réactionnaire du genre (ce qui ne veut pas nécessairement dire fascisante, loin s'en faut, et n'en déplaise à la rédoutable provocation de Norman Spinrad mentionnée plus haut) – lecture certainement renforcée par les mentions effectuées le moment venu de H.P. Lovecraft ou de Robert Howard. En suivant William Blanc, qui ne mentionne qu'anecdotiquement l'influence d'Ursula K. Le Guin, pourtant bien réelle et fort différente, en matière de sociologie de la réception, et qui passe totalement sous silence les oeuvres également significatives, et qui auraient complexifié et densifié le propos, des Américains Jack Vance et Fritz Leiber, avec leur maniement singulier d'une véritable ironie politique (en attendant, bien plus tard, celle de Terry Pratchett), il faut finalement attendre le « Trône de fer » de George R.R. Martin, et sa déclinaison / adaptation en série télévisée, pour que soit introduite à grande échelle dans la fantasy une lecture moins idyllique et moins pastorale du Moyen-Âge rêvé issu de Morris, Tolkien et Lewis, qu'une vision correctrice amplement plus cynique et systémique s'y introduise (ce qu'un détour par le travail de China Miéville, se jouant souvent largement des frontières établies entre science-fiction et fantasy, aurait pu davantage que confirmer), et qu'une inscription – fût-ce ex post – dans les politiques écologiques contemporaines devienne manifeste.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Une brève histoire politique de la fantasy donc. On était prévenu, mais j'en veux plus !!! J'ai découvert William Blanc comme médiévaliste à travers ses travaux pour les vidéos pour Nota Bene (ce dernier lui a consacré une interview d'ailleurs qui était fort intéressante). Je me suis donc procurer le plus petit de ses livres pour voir ce que ça donne.
Ici on s'attarde sur trois figures de la fantasy. Tout d'abord, les sources de ce genre à travers le préraphaelite William Morris. Puis vient la figure de Tolkien, "l'auteur du 20e siècle" (comme dirai le titre d'un autre livre) et sa réaction face à l'industrialisation et à la guerre. Enfin George R.R. Martin et les idées écologiques inconscientes (qui deviennent consciente) dans sa saga phare.
Ces 3 parties sont particulièrement inspirantes, bien expliqué et analysé juste comme il faut. Un super travail !
En bonus, nous avons le droit à 4 petites parties : l'image du dragon, l'hiver dans la fantasy, Donjons & Dragons et Conan le barbare de Howard. Là aussi, même si c'est extrêmement court, on a un début de pistes pour toute personne qui serai intéressé par la fantasy.
Puis vient la partie où l'on nous indique des titres à aller consulter. Partie tant redouté pour moi (et par mon banquier)... J'ai envie de tout acheter !!
Ce livre est donc une très bonne introduction à certaines idées qui entoure le genre de la fantasy. Je conseille vivement cette lecture et personnellement je vais me procurer tous les livres de William Blanc.
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critiques presse (2)
Elbakin.net
23 août 2019
La lecture de cet ouvrage se veut un éclairage sur la fantasy et les messages qu’elle peut véhiculer. Les différents aspects abordés, qui ne s’arrêtent pas aux romans, permettent de donner une vision plus large du sujet, et d’englober la fantasy sous tous ses aspects.
Lire la critique sur le site : Elbakin.net
NonFiction
02 juillet 2019
Dans un style précis, William Blanc propose ici une analyse fine et intelligente, sous-tendue par une immense érudition...
Lire la critique sur le site : NonFiction
Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
La fantasy est fille de la modernité. Elle tire certes son inspiration de récits légendaires médiévaux, comme ceux de la Table Ronde, mais ne peut s'expliquer sans les craintes que fait naître la révolution industrielle au XIXè siècle. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le genre apparaît en Angleterre, pays qui, le premier, a fait l'expérience souvent brutale pour son environnement et son tissu social de la mécanisation et de la pollution, notamment dans les villes comme Manchester, véritable «cheminée du monde» durant l'ère victorienne.
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L’influence de William Morris sur J.R.R. Tolkien est patente. Certes, le futur créateur du Hobbit et du Seigneur des anneaux, conservateur et catholique convaincu, n’adhère pas au socialisme romantique de son aîné. Il n’en demeure pas moins qu’il a sans doute nommé un de ses héros les plus connus, le magicien Gandalf, d’après le personnage de Gandolf qui apparaît dans La Source au bout du monde, et reprend un élément de The House of the Wolfings (le bois de « Mirkwood ») dans son univers imaginaire de la Terre du Milieu.
Comme Morris, Tolkien est fasciné par le Moyen Âge. S’y plonger, redonner corps aux légendes de ces temps anciens qu’il affectionne, constitue pour lui un moyen de retrouver un peu de vérité divine perdue avec l’affirmation de la modernité.
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Star Trek et sa science-fiction idéaliste représente donc une foi, parfois naïve, dans les promesses du progrès et du futurisme. Le genre forme, à l'instar des super-héros, une véritable mythologie de la modernité, alors que, comme nous allons le voir, la fantasy, elle, représente sa critique.
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En son temps, J.R.R. Tolkien avait dû imaginer un monde merveilleux pour évoquer l'horreur des tranchées et de la guerre industrielle. Cent ans plus tard, les téléspectateurs du début du XXIème siècle doivent eux aussi passer par l'échappatoire de la fantasy pour formuler leurs craintes face à l'importance dramatique des bouleversements qui s'apprêtent à frapper notre planète et dont les politiques peinent, comme les dirigeants de Westeros, à prendre la juste mesure.
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Dans la culture populaire, rien n'exprime mieux cette foi dans la modernité que le genre des super-héros. Superman, apparu en 1938 notamment sous la plume de Jerry Siegel et Joe Shuster dans Action Comics n°1, est surnommé "l'homme de demain".
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Vidéo de William Blanc
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