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Se demander si l'on peut remonter dans le temps pour assassiner Hitler, Mao Tsé Tung ou encore Staline ( responsable de la mort de onze millions d'Ukrainiens... ) enfants relèvera toujours de la science-fiction. La question ne se pose pas, leurs génocides ont eu lieu et jamais on ne pourra revenir en arrière.
En revanche, sauver des vies par anticipation en tuant des gosses n'est pas aussi inenvisageable que ce qu'on pourrait penser. Et c'est l'un des thèmes forts de ce roman, hélas très réaliste puisqu'il s'appuie sur l'histoire récente de la Syrie.
"On a un bouton rouge sur la ceintures et on appuie dessus. C'est facile. Ensuite je vais au ciel à côté d'Allah. Je serai heureux. J'aurai plein de cadeaux."
Ces paroles, ce sont celles de Youssef, onze ans. Fils d'une française djihadiste tombée au combat, il a subi depuis des années l'endoctrinement de Daech. Il a tout oublié de son précédent pays, il sait compter jusqu'à vingt avec des munitions converties en bombes puis en chars.
Peut-être a-t-il assisté à la décapitation d'un otage occidental. Voire participé.
Il est ce qu'on appelle un lionceau du califat, un Ashbal, de ces enfants qui ont subi un lavage de cerveau dès l'âge de quatre ans pour leur inculquer la haine de leur prochain sous des prétextes religieux fallacieux.
"On ne se méfie pas des mômes. Au contraire on développe de l'empathie pour eux."
Le rôle de Florence Dutertre, assistante sociale vouée corps et âme à son métier, est de mesurer les risques de réinsertion en France d'enfants tels que Youssef. Est-il encore possible de le déconditionner ou restera-t-il toujours une bombe à retardement ?
Un sniper choisira avant elle et abattra Youssef pendant qu'elle l'interrogeait.
Ce ne sera pas sa première victime.
Alors non, Youssef n'est pas Hitler, mais il aurait pu être un futur Mohamed Lahouaiej-Bouhlel ( attentat sur la promenade de Nice le 14/07/2016 ), un Saïd ou un Chérif Kouachi ( Charlie Hebdo le 07/01/2015 ), un Samy Amimour, un Ismaël Omar Mostefaï, un Foued Mohamed-Aggad ( Bataclan le 13/11/2015 ). Il aurait pu vouloir rejoindre sa mère et Allah en emportant avec lui un maximum de victimes comme l'avait fait Chérif Chekatt le 11/12/2018 au marché de noël de Strasbourg.
On ne le saura jamais.
Il mourra en 2019 avant que les services sociaux et juridiques n'aient pu statuer sur son cas.

Je dois bien avouer que je suis nul en géopolitique, souvent dépassé par les conflits et leurs enjeux territoriaux, économiques, politiques, religieux. Et pourquoi tel pays entre dans le conflit mais pas tel autre ?
Même si Christian Blanchard simplifie la guerre civile née en Syrie en 2011 pour éviter de noyer le lecteur sous une tonne d'informations qui aurait desservie son histoire, il faut quand même s'accrocher. Même si de nombreux points restent obscurs, je me suis surpris à beaucoup me documenter pendant le roman, tant pour clarifier certains aspects que par une curiosité que je n'avais jamais eue à l'époque.
Lire des romans noirs sur fond historique bien concret enrichit énormément.
Pardonnez-moi d'avance si mon court résumé est parfois approximatif ou erroné.
"La Syrie est au centre d'un système géopolitique complexe."

Au commencement eut lieu le printemps arabe. le peuple de nombreux pays d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient s'est soulevé contre leurs dirigeants dictateurs. En l'espace de trois mois, de décembre 2010 à mars 2011, la Tunisie, l'Egypte, le Maroc, la Jordanie et la Syrie sont confrontés à ces mouvements de liberté qui auront des répercussions différentes.
En Syrie, ce sera la guerre civile. L'ASL ( l'armée syrienne libre ) affrontera l'armée syrienne officielle du président Bachir-El-Assad. Il l'est toujours aujourd'hui après vingt-deux ans au pouvoir. En 2007 un référendum l'a réélu à 97,62 %, en 2014 avec 88.7 %, en 2021 avec 95,1 % des suffrages. Un homme aimé par son peuple, qui fait quasiment l'unanimité. Seulement 200 000 morts, une utilisation de gaz toxique contre les Syriens – civils compris - , je ne comprends pas pourquoi vous pensez que les votes ont pu être trafiqués.
"Quand un dirigeant est capable de tuer des milliers de ses concitoyens, de massacrer son propre peuple, peut-on lui demander d'être raisonnable ?"
Il faut dire aussi que comme tout dictateur qui se respecte, Bachir-El-Assad contrôlait l'information, interdisant notamment l'import de journaux étrangers.
Tu ne seras plus mon frère évoque cette guerre civile par le biais d'une famille franco-syrienne : Ils sont six : Les parents, qui dirigent une exploitation agricole, leurs deux jeunes filles, et leurs fils qui choisissent des camps opposés. Kamar, le plus jeune, choisit l'armée officielle du président Bachir-El-Hassad, l'aîné rejoindra l'ASL. C'est par la narration de ce dernier, Kasswara, que nous découvrirons les horreurs de la guerre et sa façon de métamorphoser les combattants. Un parti pris de l'auteur pour le camp de la liberté et de l'information.
Tandis qu'à l'image de la guerre civile, la haine entre les frères fissure leur famille.
"Il n'y a plus de frères maintenant mais deux camps."
"Ce sera un duel. Un face à face dans les ruines sur un champ de bataille quelconque."

Mais ce ne sont que les prémisses d'un conflit aux ramifications bien plus tordues encore. Une seconde coalition menée contre Bachir-El-Assad prend naissance, dirigée par Abou Bakr al-Baghadi. Ce dernier créera l'Etat Islamique entre l'Irak et la Syrie. Ancien membre d'al Qaïda, il s'autoproclame émir, califat, et chef de tous les clans djihadistes ( ils seront nombreux à le rejoindre ). Il fut l'un des terroristes les plus recherchés et mettra fin à ses jours en 2019, pris en tenaille par l'armée américaine. Il préférera déclencher sa ceinture d'explosifs, emmenant par ailleurs dans la mort deux de ses enfants.
Bienvenue dans l'obscurantisme et la haine.
"Si les femmes disposaient d'une liberté réduite sous le régime de Bachar, elles étaient maintenant asservies comme jamais."
C'est le règne de la terreur.
Si les pays européens ont été victimes d'attentats, y compris des pays totalement neutres comme en Scandinavie, ce ne sont cependant pas les nations les plus touchées par ce déferlement de haine. Raison supplémentaire s'il en fallait une pour ne pas faire d'amalgame.
"Les musulmans sont leurs cibles privilégiés. Moins de morts chez les juifs ou les chrétiens."
C'est donc lui qui est à l'origine de l'embrigadement de jeunes enfants. de la pâte à modeler. de la chair à canon en première ligne des armées djihadistes.
Des enfants soldats qui n'ont pas peur de mourir et qui ont été instrumentalisés sans vergogne pour tuer.
Sur le champ de bataille et en dehors ils sont à considérer comme des armes. C'est eux ou vous. Un instant d'hésitation peut vous être fatal même si les abattre parait être un acte contre nature.
Et c'est lui aussi qui a fait la promotion du Djihad ( "Viens en Syrie, tu vas t'éclater avec nos bombes artisanales !" ), sa propagande ayant fait de nombreux fanatiques. Il diffusait sur internet des mises à mort - parfois effectuées par des enfants - d'otages occidentaux pour maintenir un climat d'insécurité voire de terreur.
"Le cancer Daech avait infecté l'ensemble des organes de la société."

A la grande déception de l'armée syrienne libre, la France ou les Etats-Unis n'ont pas souhaité combattre à leur côté et entrer dans cette poudrière. En revanche, les Russes de Poutine avaient des intérêts économiques en Syrie et ont pris le parti du dictateur Bachir-El-Assad. Ils entrent en guerre en 2015 et bombardent les opposants, finissant par neutraliser les rebelles sans trop s'immiscer dans le conflit avec Daech. Vladimir Poutine contrôlait les airs et aimait déjà beaucoup larguer des ogives. Ca lui servirait d'entraînement pour plus tard.
Je ne parlerais pas des Chiites et des Sunnites, d'Hezbollah, des Salafistes ou du Kurdistan, qui n'ont qu'un maigre rôle à jouer au sein du roman et aussi parce que la géopolitique du Moyen-Orient a gardé encore de nombreux secrets pour moi.
Mais pour quelqu'un qui était totalement néophyte sur la question, ma culture générale s'est quelque peu étoffée.

Alors certes, c'est un roman sur la guerre et je peux concevoir qu'on soit déjà servi aux informations tous les jours, même s'il s'agit d'un autre conflit. Mais ce n'est pas un livre qui ne fait que parler de géopolitique pour les nuls ( comme moi ) et dont l'essence n'est pas non plus de relater des manoeuvres militaires chapitres après chapitres. Si on y a droit quelques fois, c'est toujours du point de vue du résistant Kasswara. Nous vivons donc cette guerre doublement fratricide ( entre personnes d'une même nation, entre deux frères ) du point de vue d'un tireur d'élite exceptionnel, partageant ses exploits et subissant ses revers. Ce sont des passages très récurrents, qui parfois se ressemblent, et qui n'ont pas toujours trouvé le même intérêt à mes yeux.
Ce qui est exceptionnel en revanche c'est de voir ce jeune homme d'abord terrorisé à la seule idée d'ôter une vie humaine et dont la mentalité changera progressivement. Ce sera ensuite un travail, une vocation, puis un plaisir. La peur et l'instinct de préservation l'accompagneront dans les pires situations.
"Tu n'es pas là pour tuer des gens mais pour protéger et sauver tes compagnons d'armes."
Nour, son fusil, sera pour lui une compagne inséparable, humanisée telle une femme à ses côtés.
"De temps en temps, je la décroche, la caresse, lui parle et lui apporte les soins qu'elle mérite."

Pour écrire un roman noir et tragique, la réalité est un terreau parfois plus fertile encore que la fiction.
Parce que des drames à vous serrer le coeur et les tripes, vous en aurez. Et ils ne seront pas uniquement issus de l'imagination fertile d'un auteur qui veut jouer sur la corde sensible, mais d'évènements bien réels ou qui auraient pu l'être.
J'ai un petit regret : Si le roman s'ouvre sur une complicité entre les deux frères ( Kamar et Kasswara ), je pense qu'il aurait pu être préférable d'insister davantage sur celle-ci. Il n'y aura aucun juste milieu, aucune conversation, aucune chance de préserver l'unicité de leur famille. A partir du moment où ils choisiront de combattre dans des camps opposés, seule la haine subsistera.
J'aurais aimé plus de subtilité dans ce conflit familial qui donne quand même son titre au livre.

Quant aux lionceaux du califat, si leur condamnation à leur arrivée sur le sol français est issue cette fois de l'imagination de l'auteur, ils existent bel et bien. En 2021 ils étaient 20 000 enfants irakiens embrigadés enfermés en Syrie. 200 dans des cellules de 30 mètres carrés. Des conditions de vie impossibles, des ennemis avec lesquels il est impossible de revivre. Quelle solution pour ces jeunes humains piratés en machines de guerre kamikazes qui ont été manipulés sans jamais avoir eu leur mot à dire ?
Quand on voit la complexité pour désenvoûter sans assurance de succès ne serait-ce qu'un enfant de retour en France...

Roman historique contemporain, les jeux sont faits à l'avance pour de nombreux aspects du roman qui relate les évènements de 2010 à 2019.
Pour autant, le suspense est présent ( même si on n'est pas du tout dans un thriller ) grâce aux éléments incorporés par Christian Blanchard, à savoir la façon dont se finira - ou pas - le conflit armé de deux frères qui autrefois s'aimaient.
C'est pour ça qu'il ne faut jamais parler politique dans les repas de famille.
Et puis il y a cette intrigue légèrement policière puisqu'il faut retrouver l'assassin de ces enfants djihadistes de retour en France.
Au-delà des quelques défauts évoqués ( la répétition des scènes de guerre, des points stratégiques à contrôler ) et d'une émotion qui m'a manqué pour être réellement impacté par l'aspect fratricide mis en avant dans le livre, Tu ne seras plus mon frère a le plus souvent été réellement plaisant à lire.
J'en sui ressorti ému, parfois même bouleversé.
Je me suis surpris à apprendre et à m'intéresser, au-delà de ce qui était relaté dans le livre, à l'histoire complexe de la Syrie alors que, je l'avoue, j'étais passé au travers des trois quarts. Histoire qui n'est d'ailleurs pas terminée.
Et puis au travers du danger potentiel des lionceaux du califat, les tirer comme des lapins n'apparaît évidemment pas comme la solution idéale.
"Eradiquer toutes les sources possibles de terrorisme."
Mais j'ignore quelle serait la solution la plus appropriée pour les réintégrer dans une communauté qu'ils ont appris à haïr. Pas de miracle en vue mais des questions sans réponse et une intense réflexion.
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Ce livre est une vraie pépite ! Je suis passée par toutes les émotions durant ma lecture. Cette histoire me marquera encore longtemps !

Je ne connaissais ni l'auteur ni ses romans. J'ai rencontré Christian Blanchard lors d'un salon littéraire et il m'a très bien vendu son dernier livre "Tu ne seras plus mon frère ".

Dans sa dédicace l'auteur me demandait si c'était un roman noir, un récit de vie ou encore un roman historique. Pour moi c'est tout ça à la fois !
Tellement de thèmes sont abordés dans ce roman tel que la filiation, la guerre, l'état psychique de l'homme après tant de meurtres, la relation entre le soldat et son arme , la politique , la religion...

Je n'avais jamais lu de romans sur la guerre en Syrie et je dois avouer que j'avais très peur de ne pas accrocher mais si ! L'auteur a réussi à rendre ce sujet très accessible.

Kasswara est un personnage auquel je me suis beaucoup attaché car malgré son envie insatiable de tuer il reste terre à terre et arrive à faire la différence entre le bien et le mal, ce qui est juste et ce qui ne l'est pas .

Le style d'écriture et les chapitres courts offre un vrai confort de lecture. Les pages se tournent à une vitesse folle tellement cette histoire est prenante !

Je félicite l'auteur pour le travail accompli car ce roman à dû demander beaucoup de recherches.

Je vais continuer de suivre cet auteur de très près ! Certains de ses livres comme "Iboga" , " La mer qui prend l'homme" ou encore "Seul avec le nuit" me tente vraiment beaucoup.

N'hésitez pas à me conseiller !
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J'hésitais à me plonger au sein de ce roman, et maintenant, je regrette d'avoir tardé à l'ouvrir. Quel roman incroyable! J'ai apprécié Seul dans la nuit, mais celui-ci m'a complètement conquise. En fait, ce thriller m'a totalement prise aux tripes.

J'ai ressenti une multitude d'émotions en lisant ce roman et même si je l'ai terminé, certaines émotions sont encore bien présentes. Tout au long de ma lecture, je n'arrivais pas à déposer le livre sur ma table de chevet. Aussitôt que j'avais un moment de libre, j'ouvrais le livre pour me replonger au sein de cet univers. Et si je le fermais pour la nuit, les deux frères restaient ancrés dans mes pensées.

À la base, je ne suis pas une grande lectrice de ce genre de roman. Lorsqu'il est question de guerre, je privilégie toujours des romans où les protagonistes et les auteures sont des femmes. Pourquoi? Peut-être que j'ai l'impression qu'ils seront moins troublants? Toujours est-il que cette fois-ci, les hommes étaient à l'honneur et j'en ressors, bien évidemment, troublée, mais agréablement surprise.

Je comprends un peu mieux le conflit de ce «printemps arabe», et ma vision des événements n'est plus la même. L'auteur nous décrit le contexte et les pensées de ces deux snipers avec tant de réalisme, qu'il est facile de se laisser porter par les événements. Je pouvais aisément imaginer l'environnement autour d'eux. La métamorphose de leurs personnalités m'a bouleversé et l'on réalise l'impact de cette guerre sur les soldats, mais également sur la population civile.

Et puis, l'impact de ces «lionceaux du califat» et de ces loups solitaires sur les civils sont évoqués ainsi que les événements terroristes qui nous ont atteints au cours des dernières années. On peut se poser la question : lorsque les jeunes reviennent au pays, peut-on croire que cet endoctrinement est irréversible ou bien qu'il est possible de les réintégrer à notre société en toute sécurité?

Je ne peux faire autrement que de vous conseiller ce roman puisque j'en ressors avec un gros coup de coeur. Impossible de rester insensible face à cette réalité si troublante. Un thriller fascinant, percutant et hautement addictif!

Lien : http://alapagedesuzie.blogsp..
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Ce roman noir est absolument remarquable. Il met en scène deux frères qui s'aiment profondément. Jusqu'à ce que la guerre entre les troupes de Bachar, les rebelles et les islamistes ravage la Syrie. Kasswara est du côté des rebelles. Son frère se bat pour Bachar. Les deux frères sont des tireurs d'élite et leur duel se prolongera sur le territoire français. Rédige dans un style sans fioritures, ce roman est absolument bouleversant.
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Kasswara et Kamar sont frères et syriens. Ils aident leurs parents dans leur exploitation de melon. En 2011, le printemps arabe les sépare. La haine remplace l'amour fraternel car l'un veut défendre la liberté et l'autre s'engage dans l'armée de Bachar el-Assad.
Ce roman partait bien mais les répétitions m'ont beaucoup agacée. Il m'est arrivé de lire quelques chapitres en diagonales. Sans cela, l'histoire aurait pu être bien plus prenante. J'ai quand même appris des choses mais bon…
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Le conflit syrien expliqué par l'intermédiaire de deux frères franco-syriens, snipers, qui militent dans deux camps adverses, l'un pour Bachar al Assad l'autre pour ASL, la Syrie libre.
L'histoire se déroule sur deux périodes et deux lieux, en Syrie pour le conflit armé dans les années 2010 à 2017 et à Paris en 2019 pour la partie exécution des enfants "lionceaux" du califat de Daech.
Bien menée, la vie de ces deux frères ennemis nous emportent dans un univers terrifiant où la mort est à votre porte.
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Le printemps arabe qui débute fin 2010 en Tunisie puis se répand en Égypte , en Libye puis en Syrie , voit les populations se rebeller contre un pouvoir en place despotique . Mais si le soulèvement dans certains pays aboutissent un remplacement du régime précédent - de manière démocratique ou non - en Syrie , Bachar El-Assad s'accroche au pouvoir - aidé en cela par ses alliés russes et profitant des atermoiements des pays occidentaux - quitte , pour cela , à massacrer son peuple .
Les Berger sont des exploitants de melons et de pastèques depuis plusieurs générations au Sud d'Alep . Ces franco-syriens dont les grands parents sont rentrés en France continuent leur commerce malgré la guerre civile qui éclate , voyant s'opposer les forces loyalistes au gouvernement en place et l'Armée Syrienne Libre ( ASL) , éprise de liberté qui souhaite faire tomber le dictateur .Les Berger ont deux fils et deux filles . Kasswara , l'ainé , a déjà fait l'armée et a obtenu de nombreux titres le récompensant en tant que tuteur d'élite . Son frère cadet , Kamar , ne rêve que de s'engager dans l'armée et de devenir tireur d'élite comme son grand frère .
Mais le destin et la guerre civile qui bat son plein va les faire choisir deux camps opposés : Kamar pour l'armée loyaliste et l'ASL pour Kasswara , au risque qu'ils s'entretuent un jour , en Syrie ou neuf ans plus tard en France .

Une fois de plus , j'ai été scotché par cette histoire qui vous prend aux tripes .
Ces combats sanglants et sans pitié qui nous font vivre les épisodes de cette guerre syrienne , qui a vu la constitution de Daech et de son califat au beau milieu de cette guerre civile syrienne , sont d'un réalisme terrible . Une guerre complexe , un jeu dramatique à plusieurs bandes qui voient s'affronter sur un même terrain, intérêts et idéologies divergents: états arabes , occidentaux , russes , iraniens , turques , kurdes , les factions rivales syriennes et Daech .
Kasswara est notre témoin de ces horreurs quotidiennes qui voit le combattant de la liberté se transformer en terrible machine de guerre . L'auteur nous immisce parfaitement dans cette ambiance de combats anarchiques pour gagner puis reperdre quelques pouces de terrains .
La deuxième facette de ce roman est celle qui se déroule en 2019 . L'Etat islamique est décimé et la France , à travers l'Aide Sociale à l'Enfance accueille les premiers enfants de djihadistes français . Des enfants qui n'ont pour beaucoup connu que la vie sous Daesh et dont certains sont passés par l'école du califat , conditionnés par leurs instructeurs à tuer les mécréants et à devenir des lionceaux du califat .
Enfants bourreaux ou futures victimes ?
L'auteur nous montre avec l'efficacité de cette écriture qui le caractérise , l'ambiguïté de cette situation et les ravages de cette guerre qui a eu pour conséquences d'envoyer des centaines de milliers d'hommes , de femmes et d'enfants s'amasser dans des camps de fortune , seule solution de survie immédiate pour eux . Un roman qui se lit comme un thriller même si la fiction n'est ici qu'un support à des faits avérés et à une tragédie sans fin .
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Kasswara et son jeune frère Kamar ont un don pour le tir à la carabine. Dans une Syrie déchirée, ils ne vont pas suivre la même route. Légaliste, Kamar va devancer l'appel sous les drapeaux tandis que Kasswara va partir défendre la démocratie contre le régime en place.
La famille est partagée, les parents sont divisés quant aux chemins pris par leurs fils. Nous allons plonger dans la psychologie des deux protagonistes, et plus particulièrement dans celle du tireur d'élite : comment passer de la procédure froide et dénuée de sentiment, de la protection de ses compagnons d'armes, au goût de tuer ? Faut-il un mobile, une rancoeur pour tuer ou une simple liste légitime l'acte ? Que dire des enfants, véritables bombes à retardement du fait de leur endoctrinement oui, que dire des « lionceaux du califat ».
Au-delà de l'histoire déchirante des deux frères et de leur famille, c'est la dernière décennie qui nous est narrée par Christian Blanchard, celle de la guerre civile en Syrie et celle des attentats en France. J'ai compris comment les défenseurs de la démocratie se sont vu infiltrés par les extrémistes religieux au point de scinder leur mouvement contre le régime de Bachar pour s'opposer aux radicaux. J'ai conforté mon jugement en constatant l'absence de l'Europe et la présence ambiguë de la Russie. Qu'en est-il du débat qui nous interpelle tous autour de la problématique des enfants de retour de Syrie : victime ou bombes humaines en puissance ?
Avec un style efficace l'auteur touche sa cible assurément en interpellant le lecteur dans sa zone de confort … Un voyage impliquant et terrifiant à la fois !
Ajoutons à cela un épilogue (un peu optimiste) qui ne devrait pas déplaire à Ara, la mère de Tomar Khan, le héros de Niko Tackian.
Enfin, je n'ai pu m'éviter la comparaison avec la guerre d'Espagne, celle qui a nos portes a semé le trouble dans bon nombre de familles comme le chantait Jean Ferrat dans Maria, oui elle aussi avait deux enfants … que dire des déchirements familiaux pendant les heures sombres du gouvernement de Vichy !
Après cette lecture, retournée je suis mais au fond de moi-même, suis-je vraiment surprise ?

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Autant le dire tout de suite, on est loin de l'énorme coup de coeur ressenti l'année dernière !
La faute certainement à la thématique (la guerre) qui ne m'a pas vraiment passionnée.
Mais cela n'empêche pas que ce roman a de grandes qualités (un travail dingue de recherche sur le sujet notamment !) et il est surtout formidablement bien écrit.
Le point fort de l'auteur est toujours ce rapport à l'humain, cette façon de nous infiltrer dans l'âme humaine avec ce qu'elle a de plus beau mais aussi de plus sombre !
Même si cette fois-ci le rendez-vous n'a pas été totalement concluant, j'ai hâte de découvrir ses autres livres !
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Quand le printemps arabe éclate fin 2010, les dissensions entre pays arabes refont surface. Mais elles essaiment aussi au coeur des familles, venant les bousculer. C'est ce que va vivre la famille Berger, franco-syrienne, qui vit au sud d'Alep. Alors que Kasswara s'engage aux côtés de la rébellion, son frère Kamar prête allégeance à l'armée de Bachar el-Assad. Les deux frères se voient maintenant comme des rivaux et, au fil du conflit qui se durcit, des ennemis à éliminer. 2019, en France. Florence Dutertre est une assistante sociale qui supervise le retour en France des « lionceaux du Califat », ces enfants embrigadés dans la doctrine de Daesh. Alors qu'elle s'entretient avec un enfant tout juste arrivé à Paris, elle le voit s'effondrer, une balle en pleine tête. Qui a voulu le tuer, et pourquoi ? Florence est bien décidée à mener l'enquête, quitte à mettre sa vie en jeu…

« Tu ne seras plus mon frère » est un roman écrit par Christian Blanchard et qui a obtenu le prix 2021 de la ville de Carhaix. C'est un roman sombre qui prend le lecteur aux tripes par les drames qu'il narre et la violence dont il se fait l'écho. En contrechamp de l'Histoire, s'écrit l'histoire singulière de deux frères que la guerre va opposer. Celle-ci les mène finalement vers une issue dramatique : briser le sang qui les unit par le sang, la mort de l'un ou l'autre. Mais avant cela ils ont à écrire d'autres pages et à éliminer leurs adversaires dans des combats difficiles, anarchiques, où l'enjeu est de reprendre une place forte, tout en sauvant sa vie. Tous deux sont des snipers, ces tireurs d'élite qui interviennent en amont puis en aval des batailles.

C'est le point de vue narratif de Kasswara que nous allons suivre. Et nous sommes très vite complètement immergé dans son esprit, dans les conflits auxquels il prend part : le propos est en effet d'un réalisme glaçant. Nous vivons ses peurs, ses doutes et sa métamorphose au fil des opérations. Au début, il redoute de donner la mort, se demandant comment il va vivre ce point de bascule. Après son premier combat, il ruse, triche avec lui-même, et remplace dans sa lunette de visée les victimes qu'il va faire par des cibles de carton-pâte. Mais les cauchemars qui commencent à hanter ses nuits lui montrent l'effraction que ces morts ont ouverte dans son esprit : il ne sera plus le même, quoi qu'il fasse. Peu à peu, il s'habitue et commence même à se sentir en manque quand les blessures l'écartent du front. Et puis débutera la période française, dans laquelle se retrouvent les deux frères.
Grâce à une écriture ciselée, puissante et âpre, l'auteur parvient à nous happer dans cette intrigue bien construite, quoique de facture classique : elle alterne les points de vue narratifs et les périodes, jusqu'à ce que ces dernières s'éclairent mutuellement puis se rejoignent.

Un roman noir, engagé, puissant, qui dit le déchirement des pays arabes et de l'occident par le prisme d'une famille franco-syrienne et de ses deux fils.
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