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Critique de Jasmes


Impossible, à la lecture de cet album, de ne pas se rappeler la fable délicieuse écrite et illustrée par Frank Tashlin en 1946 : The bear that wasn't. Traduite et publiée depuis 1975 par L'École des Loisirs sous le titre « Mais je suis un ours », cette histoire nous raconte les mésaventures d'un ours sorti de son hibernation au beau milieu d'une usine construite autour de sa tanière depuis l'automne. du contremaître au grand patron, personne ne veut le reconnaître comme ours et chacun l'oblige à travailler, si bien qu'il finit lui-même par douter de son identité. Dans la BD de Daniel Blancou, c'est l'inverse qui se produit : Albert est un employé modèle, heureux et fier d'être l'un des multiples rouages d'une entreprise déshumanisée à l'extrême, où l'individu en tant que personne est totalement nié. Albert est seul à savoir qu'il est un ours. le médicament miracle qu'il absorbe chaque jour lui donne l'apparence humaine qui lui est indispensable pour mener à bien la noble tâche qu'il s'est assignée : oeuvrer au progrès de l'humanité. Aveuglé par son idéal, il ne mesure pas la portée réelle de ses actes, mais on lui pardonne parce qu'il est un ours et qu'un ours n'en saura jamais autant sur l'homme que l'homme lui-même. le temps a passé depuis Tashlin, et la fable moderne que nous offre Blancou soixante ans plus tard a toutes les allures d'un « conte à rebours » où les valeurs semblent s'être inversées. En fait, ce petit livre bien plus grave qu'il n'y paraît constitue un violent portrait-charge de la société occidentale contemporaine, qui sacralise la rentabilité au détriment de la conscience et conduit à la lente aliénation de l'homme. Contrairement à l'ours de Tashlin, c'est toutes griffes dehors qu'Albert défend son petit bonheur d'abruti, son statut de victime consentante d'un système dévoyé par le culte du profit. Albert se bat contre lui-même pour mieux se soumettre à l'inhumain, il est heureux et tout va bien.
Jusqu'à ce jour funeste où le médicament vient à manquer…
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