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EAN : 9782234064829
400 pages
Stock (01/09/2010)
4.19/5   1565 notes
Résumé :
Une jeune femme, Lila K., fragile et volontaire, raconte son histoire.

Un jour, des hommes en noir l'ont brutalement arrachée à sa mère, et conduite dans un Centre, mi-pensionnat mi-prison, où on l'a prise en charge. Surdouée, asociale, Lila a tout oublié de sa vie antérieure. Son obsession : retrouver sa mère, recouvrer sa mémoire perdue. Commence alors pour elle un chaotique apprentissage, au sein d'un univers étrange dans lequel les livres n'ont pl... >Voir plus
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La ballade de Lila K, un roman aussi déroutant que détonnant...

Nous voilà plongés dans un futur aux allures de ce qui nous pend au nez.
Lila n'est encore qu'une petite fille lorsqu'elle est enlevée à sa mère et placée dans un centre hyper surveillé. Les doigts scellés entre eux, de multiples fractures, des traces de brûlure, une intolérance à la lumière, Lila se débat, hurle, crie après sa mère. Que lui est donc arrivé ? Ou est-elle arrivée ? D'entrée de jeu, dès les premières pages, Blandine le Callet nous sert le plat principal, immersion réussie dans ce monde dérangeant mis sous surveillance. On retrouve cette sauce à la big brother de Orwell mais sans percevoir le côté science-fiction ou anticipation. Un roman réaliste, subtil où l'on essaie de comprendre qui est Lila. On suit avec elle sa ballade dans le centre auprès de dirigeants qui veulent lui inculquer éducation et excellence. Son intelligence sera vite remarquée. Mais Lila avec ses lunettes de soleil jour et nuit, n'a qu'un souhait, qu'un secret, celui de retrouver sa mère.

Un roman mi psychologique et mi sociologique, sur un fond onirique où rythment questions existentielles, le bonheur existe t-il quand la liberté de tout un chacun est verrouillée?

Contrairement à 1984, on évitera ici la rébellion et l'acharnement totalitaire. La ballade de Lilla K, c'est un voyage au coeur d'une fillette, d'une femme qui somme toute pourrait à peu de choses près être le nôtre. À méditer...
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Ouf, quelle lecture !
Pas un mot, pas une phrase de trop, le style est fluide, l'histoire prenante, la progression parfaite.
Outre la quête passionnante de Lila K dont on partage les émotions de page en page, la description de ce monde du futur, 2100, fait froid dans le dos. En est-on si loin ?
Un monde où tout est encadré, surveillé. Rien n'est laissé au hasard. Il y a des caméras partout, des dossiers détaillés sur chacun, des ordinateurs examinés. Tout est programmé : la contraception, la conception, la sexualité, l'alimentation, l'apparence physique, les soins médicaux… les lectures sont numérisées et censurées.
Et Lila K et ses traumatismes avance dans ce monde policé, se questionnant sur la « zone », de l'autre coté du mur-frontière, cette « terre étrangère, sordide et dévastée » seul endroit pourtant où résiste encore un semblant d'humanité, y cherchant désespérément sa mère, la quête de sa vie.
Voilà un livre que je désirais lire depuis longtemps et que je ne suis pas prête d'oublier
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Une nuit, des hommes casqués l'ont arrachée à sa mère. Depuis, Lila K. n'a qu'une obsession, celle de la retrouver. Internée dans le Centre, « un monde insensé aux règles implacables » (p. 12), où les autorités font tout pour la reconditionner et la réadapter, Lila se débat pour ne pas oublier. Mais il est dangereux de se faire remarquer : les caméras sont partout et tout le monde est soumis aux contrôles en tout genre. « Tout ce que vous faites, vous le faites pour mon bien, même si j'ai parfois du mal à m'en apercevoir. » (p. 283) Heureusement, Lila K. a la chance de rencontrer M. Kauffmann, puis Fernand et M. Templeton. le premier lui promet de l'aider à retrouver sa mère. Dès lors, Lila K. fait tout pour atteindre son but. Mais à mesure que ses recherches progressent, Lila K. découvre pourquoi elle a été séparée de sa mère. Dès lors, elle engage un travail de mémoire, mais aussi d'amour.

Dans cette dystopie très bien menée, une ville parfaite de verre et de béton s'oppose à la Zone, lieu de violence et d'insécurité. Sans que cela soit clairement explicite, il semble que la science ait fait des progrès spectaculaires : les animaux de compagnie sont génétiquement modifiés et l'on crée des chimères qui assument les tâches subalternes. Dans ce Paris des années 2090, de nombreuses sources de plaisir sont prohibées, comme l'alcool ou les cigarettes. Et surtout les livres papier. Au motif de leur potentiel allergène, ils ont été retirés du marché pour être numérisés. Sous cette forme, les textes subissent des coupes ou des réécritures et les grammabooks ne sont que des supports aléatoires. le contrôle de l'information passe désormais par un autodafé numérique.

Le récit rétrospectif de Lila K. est un exutoire au traumatisme et à la haine. Il rappelle qu'il y a toujours des anticonformistes et des réfractaires, même dans les systèmes les plus encadrés. Quant au titre, il renvoie à la chanson que la mère de Lila K. chantait. Mais cette ballade pourrait aussi être une balade, même si la promenade dans les souvenirs et dans l'appareil administratif est plus horrifique que dépaysante. Ce roman dystopique est une belle réussite, même si un ou deux dialogues sonnent faux. Mais l'intrigue est remarquable et bouleversante. Voilà un très beau roman de science-fiction et un véritable hommage à l'amour filial.
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Elle revient de loin, Lila !
Arrachée à sa maman, conduite à 6 ans dans une centre de rééducation, de revalidation ou appelez ça comme vous voulez, elle ne parvient pas à se souvenir de sa vie passée.
Intolérante à la lumière, aussi. Et puis une impossibilité de manger de la nourriture correcte et de faire preuve de « sens social ». Ah oui, j'ajoute encore ceci : on a dû l'opérer, détacher ses doigts qui étaient soudés...

Que s'est-il donc passé ?
Comment les responsables de ce Centre s'y prennent-ils pour que cette « pauvre enfant » s'en sorte ?

D'autant plus que nous sommes en 2100 et quelques... C'est-à-dire qu'est porté à son paroxysme le sens de la prévention, de la santé, de la jeunesse, de la préservation des microbes et des calories surnuméraires, de la sécurité maximale, de la « bonne conduite » de chacun dans la société (« Depuis le durcissement des lois sur le harcèlement sexuel, les gens ont appris à bien se tenir »), du calme, des émotions contrôlées, de la culture contrôlée, des animaux domestiques contrôlés, du contrôle des naissances. Même les livres sont muselés dans des « grammabooks » (nos liseuses, quoi) au lieu de s'étaler sur du papier « pouvant contenir des substances toxiques et des micro-organismes susceptibles de déclencher chez les sujets fragiles de graves allergies ».
Bref, sécurité, contrôle permanent et en tout lieu sans exception (entre nous soit dit, nous arrivons tout doucement à ce type de société, vous alliez me le souffler, je suppose).
Tout pour rendre l'homme heureux ?

Tout pour rendre Lila heureuse ?
En grandissant, elle déploie une intelligence exceptionnelle.
Elle découvrira Paris surprotégée, mais sera intriguée aussi par la Zone, cet endroit subversif extra muros où se passent toutes sortes de choses pas bien, pas contrôlées, pas propres, pas préservées des microbes et des calories surnuméraires, où les gens ne sont pas calmes, pas cultivés...

En grandissant, ses démons intérieurs se déploient eux aussi.
« Je m'étais fait avoir avec les sentiments, on ne devrait jamais ».
Mais il y a quelques bonnes personnes autour d'elle.
Pourra-t-elle « accepter l'errance, la surprise, l'inattendu ?»

Roman psychologique et sociologique, « La ballade de Lila K » n'a de cesse de nous interroger sur notre manière de vivre et de nous comporter, à travers cette jeune personne toute en nuances et en finesse, toute en désir de savoir, de comprendre et de ne pas oublier d'où elle vient.
C'est-à-dire de loin.
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Je suis complètement bouleversée par cette lecture, un énorme, énorme coup de coeur ! Je suis impressionnée par cette auteure. Blandine le Callet a un talent immense, que ce soit dans la valeur de l'histoire, la richesse d'écriture, la transmission des émotions, la fluidité et la subtilité dans l'avancement du récit, la faculté de maintenir un attrait, un « suspens ».

Privée de sa mère et ayant petit à petit complètement régressée avant d'arriver au Centre, Lila K reste prostrée, sans parler, ne supportant pas la lumière du jour : « ils me gardaient la plupart du temps dans une pièce close maintenue dans la pénombre. Je flottais dans une sorte de torpeur, sans conscience du temps qui passe, et c'était aussi bien. ». Grâce à son intelligence, elle va se laisser « domestiquer » pour réapprendre à parler, marcher et manger, non sans souffrances. Elle n'a que 9 ans. Elle passe toutes ses nuits sous son lit enroulée dans ses draps pour fuir les bruits alentours et retrouver un semblant de « bien-être et de sécurité », ce qui lui rappelle le cocon avec sa mère. Elle reprend goût à la vie « mais qu'à moitié », sa mère lui manquant terriblement et tout ce qui va avec. Malgré ses efforts elle reste encore à l'écart des autres enfants, elle a trop peur. Ils essaient mais c'est un échec. Une mauvaise expérience, où elle a été agressée lors d'une tentative de socialisation avec un groupe d'enfants, qui au final va lui faire comprendre qu'elle peut feindre et contrôler les autres pour obtenir ce qu'elle veut, en les faisant culpabiliser. Elle est donc isolée, avec enchantement. Elle refuse tout contact physique, elle ne le supporte pas, comme beaucoup d'autres choses qui ne lui apportent que dégoût. « Depuis que j'avalais mes repas sans respirer, je supportais bien mieux les aliments. Leur goût s'estompait, se muait en fadeur exquise, et même s'ils conservaient leur texture répugnante, ça n'avait rien à voir. »

C'est Monsieur Kauffmann, directeur du Centre, qui va ensuite s'occuper d'elle. « Les membres de la Commission étaient très ennuyés : ils avaient sur les bras une vraie bête curieuse. Surdouée, asociale, polytraumatisée. Personne ne savait ce qu'il fallait faire de moi. C'est là que M. Kauffmann est entré en scène. Il a changé ma vie. » Elle fait alors d'énormes progrès à son contact, mais cet homme a des méthodes peu conventionnelles, ce qui va peu à peu les éloigner malgré eux. Il lui fera la promesse de l'aider à retrouver sa mère, l'obsession de Lila. C'est Fernand qui prendra la suite de Monsieur Kaufmann. Il a une femme, Lucienne, qui fut aussi l'une des protégées de Monsieur Kauffmann et que Lila finira par voir tous les dimanches lorsqu'elle se rendra chez eux. Elle l'apprécie beaucoup. Elle rencontrera aussi Justinien avec qui elle travaillera, Milo Templeton, qui représentera un être particulier pour elle. Toutes ces personnes seront importantes pour Lila et l'aideront à avancer dans le réapprentissage de la vie et dans ses désirs de vérité. Ils la bousculeront sentimentalement (malgré eux) à cause de l'attachement qu'elle pourra avoir pour eux, ce qui lui intimera de ne pas trop se laisser aller à aimer les gens de peur d'en souffrir, mais les sentiments… ça ne se commande pas. « Je m'étais fait avoir avec les sentiments, on ne devrait jamais. A présent, j'en payais le prix, et je mesurais que c'était inabordable. Denrée de luxe, trop risquée pour les coeurs malmenés. Alors j'ai décidé que je ferais attention désormais. A garder mes distances. A ne pas m'attacher, surtout pas. Me préserver, tout fermer à double tour – réserve, confort, sécurité. C'était nécessaire, c'était vital. Je savais qu'un nouveau chagrin me tuerait. »

Le récit se situe dans un futur proche (fin du 21ième siècle et début du 22ième) et dans une société hyper sécurisée, où les caméras de vidéo-surveillance, les implants, les manipulations génétiques, les injections chirurgicales anti-vieillissements, les contrôles d'urine, les contrôles d'achats et cetera sont le quotidien des habitants d'une ville, en Intra Muros. Les livres y sont bannis, privilégiant les numérisations pour éviter toutes allergies mortelles (soit-disant). Des coupes d'articles sont exécutées pour modifier la vérité. Nous sommes bien dans une dystopie. Lila est constamment surveillée, même lorsqu'elle sortira du Centre à sa majorité, afin de bien s'assurer qu'elle est « conforme » à la « normalité ». Toutes différences sont ici isolées. Il faut un agrément pour pouvoir enfanter. Des interruptions de grossesse imposées lorsqu'il y a tout signe de malformation ou autre, ou bien encore quand la grossesse n'était pas autorisée, ce qui incitera certaines personnes à fuir dans la « zone ». La « zone » est le lieu Extra Muros, où on y vit la violence, la pauvreté, la délinquance, la contrebande (en effet tous alcools, cigarettes etc sont prohibés), mais c'est aussi là que les livres sont encore dans les bibliothèques, où les documents papiers circulent encore.

Lila, par son intelligence, comprendra très vite qu'il faut donner l'apparence d'être rentrer dans le moule. Ce sera l'objectif de retrouver sa mère qui la motivera et qui lui permettra d'arriver à ses fins, de comprendre, de savoir… Petit à petit elle recouvrera sa mémoire, qu'elle avait perdue ou enfouie, au fil de ce récit, par petites touches. Un long chemin, troublant, émouvant, dur. C'est Lila la narratrice et elle s'adresse à quelqu'un en le vouvoyant (nous connaîtrons son identité vers la fin du roman). Cela pourrait presque être un récit épistolaire mais c'est plutôt comme un mémoire, écrit à l'intention de quelqu'un et pour qu'une trace reste, une exorcisme. Cette narration à la première personne amène une intensité certaine, un sentiment de proximité et une meilleure compréhension.

Ce roman est une pépite et si ne vous l'avez pas encore lu, courez vous le procurer ! Il aborde différents points, la maltraitance, l'amour, la confiance, le pardon mais aussi pose les problèmes d'une société qui cherche toujours a tout contrôler, maîtriser, pour la sécurité… mais où s'arrête notre liberté et où commence la manipulation, notre ingérence lorsque tout va trop loin, une mainmise sur nos vies ? Quel prix sommes-nous prêt à payer pour vivre en sécurité ? La description des personnages y est fabuleuse, on a une réelle sympathie ou apathie pour eux selon les personnages, et de la pitié aussi, comme pour ce pauvre Fernand complètement prisonnier de ses sentiments d'un côté et de sa loyauté envers la Commission de l'autre. J'ai ressenti beaucoup de peine pour lui à vrai dire. Et Lila… Lila on l'admire, on a envie de l'aider, on a envie qu'elle parvienne a enfin vivre en paix. Lila a un amour tel pour sa mère qu'il dépasse tout ce qui peut être mauvais, il la transcende, il la sauve. Ce qui est admirable dans l'écriture de ce récit c'est toute cette pudeur, cette intelligence d'écriture qui permet de ne jamais tomber dans le « pathos » et qui nous tient dans cette histoire avec force. Aucun ennui, rien d'inutile et un récit haletant tant on veut connaître la vérité et l'issue. C'est l'histoire d'une jeune femme qui aurait pu haïr mais qui a l'intelligence, l'intelligence du coeur, une grande empathie et une compréhension hors norme, la faculté de prendre le meilleur, surement un instinct de survie pour ne pas sombrer. Longtemps ce roman va me rester je pense. On s'aperçoit que, finalement, il est possible de ne se rendre compte de l'horreur d'une situation que lorsque les autres la montrent comme telle, quand on grandit, et que bien que vivant dans ce genre de descente en enfer, on peut très bien l'aimer et s'y sentir bien, quand on ressent l'amour de l'autre. Tout ça c'est si intense, si prenant, si « renversant », si… Je suis vraiment subjuguée par le talent de Blandine le Callet. ENORME COUP DE COEUR !
Lien : http://madansedumonde.wordpr..
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On passe sa vie à construire des barrières au-delà desquelles on s'interdit d'aller: derrière, il y a tous les monstres que l'on s'est créés. On les croit terribles, invincibles mais ce n'est pas vrai. Dès qu'on trouve le courage de les affronter, ils se révèlent bien plus faibles qu'on ne l'imaginait. Ils perdent consistance, s'évaporent peu à peu. Au point qu'on se demande, pour finir, s'ils existaient vraiment.
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Il s'est assis sur le lit, l'air mystérieux, et d'un geste solennel a soulevé le couvercle du caisson.
- Viens donc voir, fillette!
Je me suis approchée.
- On appelle ça des livres. Tu vas voir, tu n'en reviendras pas.
J'ai levé un sourcil sceptique. Il avait beau dire, ça ne payait pas de mine. Mais lui semblait très excité. Il s'est emparé d'un volume, puis il l'a soulevé à hauteur de mes yeux.
- Regarde bien, Lila.
J'ai soudain vu le livre s'ouvrir entre mes mains, éclater en feuillets, minces, souples et mobiles. C'était comme une fleur brutalement éclose, un oiseau qui déploie ses ailes.
- Ça t'en bouche un coin, n'est-ce pas?
Je n'ai pas répondu. Je regardais ses gros doigts qui feuilletaient les pages, couvertes de signes noirs et de tâches colorées.
- Eh bien, tu as perdu ta langue?
- Comment dites-vous que ça s'appelle?
- Un livre. C'est ce qu'on avait, avant les grammabooks.
- Et... qu'est-ce qu'il y a écrit là-dedans?
- Cela dépend du livre.
J'ai ouvert des yeux ronds. Je n'y comprenais rien.
- Laisse-moi t'expliquer: tu vois, avec un grammabook, on n'a qu'un écran vierge sur lequel vient s'inscrire le texte de ton choix. Un livre, lui, est composé de pages imprimées. Une fois que le texte est là, on ne peut plus rien changer. Les mots sont incrustés à la surface. Tiens, touche.
J'ai posé la main sur la feuille. J'ai palpé, puis j'ai gratté les lettres, légèrement, de l'index. M. Kauffmann disait vrai: elles étaient comme prises dans la matière.
- Ça ne peut pas s'effacer?
- Non, c'est inamovible. Indélébile. Là réside tout l'intérêt: avec le livre, tu possèdes le texte. Tu le possèdes vraiment. Il reste avec toi, sans que personne ne puisse le modifier à ton insu. Par les temps qui courent, ce n'est pas un mince avantage, crois-moi, a-t-il ajouté à voix basse. Ex libris veritas, fillette. La vérité sort des livres. Souviens-toi de ça: Ex libris veritas.
Je ne comprenais pas bien où il voulait en venir, ni pourquoi il prenait un ton solennel. Mais j'ai hoché la tête, à tout hasard. Ex libris veritas. D'accord, s'il y tenait.
- Regarde, a-t-il poursuivi. Lorsqu'on a terminé un côté de la page, on la tourne pour lire l'autre côté. Lorsque tout est rempli, il faut une autre page pour la suite du texte.
- C'est pour cela qu'il y en a autant?
- Exactement.
D'un geste, il a montré les livres empilés dans la caisse.
- Je t'ai préparé une petite sélection qui devrait t'intéresser.
- Vous allez tout me laisser?
- Oui fillette. Du moins, pour quelques temps. Il faut bien que tu aies de quoi t'occuper.
- Il ne serait pas plus simple d'envoyer tous ces textes sur mon grammabook? Ça prendrait moins de place!
- Hé hé, fillette, comme tu ne tarderas pas à t'en rendre compte, les livres sont bien plus confortables que les grammabooks. On peut les lire des heures durant sans avoir mal aux yeux. Ça non plus, ce n'est pas un mince avantage.
J'ai pioché au hasard un des livres sur le dessus de la caisse, et feuilleté quelques pages. J'allais le refermer, lorsque j'ai vu l'encart au verso de la couverture: Le papier imprimé peut contenir des substances toxiques et des micro-organismes susceptibles de déclencher chez les sujets fragiles de graves allergies, entraînant lésions cutanées et difficultés respiratoires. Il doit être manié avec précaution. Il doit être tenu hors de portée des enfants. Je vous fais grâce de la suite, vous connaissez mieux que moi l'avertissement du Ministère.
- Monsieur Kauffmann, qu'est-ce que ça veut dire? Il est devenu cramoisi.
- Justement, j'allais t'en parler. Fillette, il ne faut pas tenir compte de ces billevesées! Tout ça, c'est du bullshit, des fariboles uniquement destinées à effrayer les gens! Et pourquoi, je te le demande? Parce qu'on a relevé quelques cas d'allergies mortelles que l'on a imputées à l'encre ou au papier. De simples présomptions. Rien n'a été prouvé. Ça ne les a pas empêchés de monter l'affaire en épingle, d'affoler l'opinion pour ensuite faire voter leurs putains de lois restrictives. Du pipeau! s'est-il mis à beugler. La censure qui se drape dans le principe de précaution!

(P53)
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des hommes casqués,tout en noir ,(qui ) ont défoncé la porte pour se ruer dans la chambre...(..) Elle (la maman) n'essayait plus de résister .Elle me regardait fixement.J'ai compris ce qu'elle voulait me dire.Au revoir mon bébé.Plusieurs fois elle a cligné des yeux.Chaque battement de paupières etait comme un baiser.Je t'aime.Je t'aime.Je t'aime.Et elle m'a souri derrière le baillon.

Il s'est mis à me réciter des poèmes,chaque matin.Toutes sortes de vers,libres ou réguliers-il n'était pas sectaire.Je devais fermer les yeux-M.Kauffmann assurait qu'on entend mieux les yeux fermés .Lorqu'il avait fini,je lui disais souvent

-je n'ai pas tout compris

-Encore heureux ,fillette!Allez maintenant tu m'apprends ça par coeur.

Je ne voyais pas trop l'intérêt,mais Monsieur Kauffmnn avait l'air d'y tenir: On ne sait jamais ,cela pourrait servir à l'occasion.Alors j'obéissais :chaque jour ,j'apprenais un poème ,parfois deux.Ça ne me demandait aucun effort.Je retenais sans peine.J'ai toujours été spongieuse.

J'ai soudain vu le livre s'ouvrir entre ses mains,éclater en feuillets ,minces,souples et mobiles.Cétait comme une fleur brutalement éclose ,un oiseau qui déploie ses ailes.

Ça ne peut pas s'effacer?

Non,c'est inamovible.Indélébile.Là réside tout l'intérêt :Avec le livre,tu possèdes le texte.Tu le possèdes vraiment.Il reste avec toi sans que personne ne puisse le modifier à ton insu.Par les temps qui courent,ce n'est pas un mince avantage ,crois moi, a t il ajouté à voix basse .Ex libris veritas ,fillette .La vérité sort des livres.Souviens toi de ça:Ex libris veritas

On passe sa vie à construire des barrières au delà desquelles on s'interdit d'aller:derrière ,il y a tous les monstres que l'on s'est créés.On les croit terribles,invincibles,mais ce n'est pas vrai.Dès qu'on trouve le courage de les affronter ,ils se révèlent bien plus faibles qu'on ne l'imaginait.Ils perdent consistance ,s'évaporent peu à peu.Au point qu'on se demande parfois ,pour finir,s'ils existaient vraiment.


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- Laisse-moi t'expliquer: tu vois, avec un grammabook, on n'a qu'un écran vierge sur lequel vient s'inscrire le texte de ton choix. Un livre, lui, est composé de pages imprimés. Une fois que le texte est là, on ne peut plus rien changer. Les mots sont incrustés à la surface. Tiens, touche.
J'ai posé la main sur la feuille. J'ai palpé, puis j'ai gratté les lettres, légèrement, de l'index. M.Kauffmann disait vrai: elles étaient comme prise dans la matière.
- ça ne peut pas s'effacer?
- Non, c'est inamovible. Indélébile. Là réside tout l'intérêt: avec le livre, tu possèdes le texte. Tu le possèdes vraiment. Il reste avec toi, sans que personne ne puisse le modifier à ton insu. Par les temps qui courent, ce n'est pas un mince avantage, crois-moi, a-t-il ajouté à voix basse. Ex-libris veritas, fillette. La vérité sort des livres. Souviens-toi de ça: ex-libris veritas.
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C’est cela, sans doute, faire son deuil : accepter que le monde continue, inchangé, alors même qu’un être essentiel à sa marche en a été chassé. Accepter que les lignes restent droites et les couleurs intenses. Accepter l’évidence de sa propre survie
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Vidéo de Blandine Le Callet
Les sorcières et sorciers sont par nature des êtres qui disposent d'un pouvoir exceptionnel. Où se situent alors les limites de ce pouvoir, que ce soit à l'échelle humaine, politique ou juridique ? À quel moment l'usage de la magie et de la culture de l'exception deviennent illégitimes ?
Dans ce deuxième épisode, Géraldine Muhlmann reçoit : - Blandine le Callet, maîtresse de conférences en langue et culture latines à l'université Paris-Est Créteil - Bérangère Taxil, professeure de droit international à l'Université d'Angers et membre du Centre Jean Bodin
"Harry Potter, tout un monde de questions philosophiques", c'est une série de podcasts en 4 épisodes pour réfléchir aux grands thèmes philosophiques abordés dans la saga de J. K. Rowling : le mal, le pouvoir, la finitude, l'amour, la loyauté... L''occasion de revenir sur ce récit d'apprentissage culte pour l'envisager sous un nouvel angle.
Pour en savoir plus : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/avec-philosophie/le-legal-le-legitime-et-l-impossible-reflexion-sur-les-limites-du-pouvoir-dans-harry-potter-2551766
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