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EAN : 9781093606003
L'Ogre (06/01/2015)
4.62/5   12 notes
Résumé :
Souvent comparé à Schulz, Kafka, Hardellet ou Walser, Max Blecher est ce que l’on peut appeler un « écrivain du sanatorium ». Comme ses pairs, il a souffert dès son plus jeune âge d’une maladie, la tuberculose osseuse, le contraignant à faire de longs séjours en sanatorium. Il meurt en 1938 à l’âge de 29 ans, auteur de trois romans et d’un recueil de poèmes. Si son oeuvre, comme celle de Bruno Schulz ou de Thomas Mann, est irriguée par cet état singulier, l’altérité... >Voir plus
Que lire après Aventures dans l'irrealité immédiate, suivi de Coeurs cicatrisésVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Les oeuvres du roumain Max Blecher sont à lire par ceux qui s'intéressent à la littérature roumaine, car il a influencé de nombreux compatriotes, dont notamment Mircea Cartarescu. Un univers ambigu, douloureusement émerveillé et agonissant où la maladie est omniprésente.
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Je salue cette publication d'une re-traduction de deux oeuvres dont, pour une d'entre elles, j'ai fait sur ce site une critique favorable. Cela prouve que l'auteur est digne d'intérêt.
Brièvement, quelques mots sur les retraductions, nombreuses dernièrement en matière de littérature roumaine : Adam et Eve de Rebreanu (L'âge d'homme), retraduction de Navamalika… (Books on demand) ; le Grand Dépotoir d'Eugen Barbu, retraduction de la Fosse ; plus certaines plus anciennes dont j'ai parlé ici (Maître Manole de Lucian Blaga, traduit déjà dans les années 80), d'autres encore (certains textes de Caragiale ou Voiculescu, La Forêt des pendus de Rebreanu a été traduit trois fois, je crois…), plus donc ici Aventures dans l'irréalité immédiate, initialement traduit en 1969 par Marianne Sora et Coeurs cicatrisés, initialement traduit par Gabrielle Danoux, l'édition que j'ai commentée.
Sur les quelques citations présentes sur la page du livre, peu voire pas de différences de traduction. Je cite un des passages cités dans la traduction de Marianne Sora, édition Maurice Nadeau de 1989, pages 27-28  : « Le sentiment d'éloignement et de solitude éprouvé aux moments où ma personne quotidienne s'est dissipée dans l'inconsistance diffère de tout autre. Lorsqu'il dure longtemps, il se mue en peur, en angoisse de ne plus jamais pouvoir me retrouver. Quelque part au loin, il reste de moi une silhouette incertaine, entourée d'un large halo lumineux, comme un objet perdu dans le brouillard. La terrible question « qui suis-je au vrai ? » devient alors vivante en moi comme un corps totalement étranger, poussé en moi-même, avec une peau et des organes qui me sont complètement inconnus. » et un autre de celle de Gabrielle Danoux, p. 78 : « Depuis quelques minutes, Emmanuel se sentait écrasé par le poids du plâtre. Précisément, depuis l'instant où il lui était passé par la tête que Solange pourrait être sa maîtresse. À peu près de la même façon que le poids du corset l'oppressait, la limpide désinvolture de Solange le torturait également. Il chercha quelques mots simples et directs pour le lui dire, mais les constructions mentales pâlissaient rapidement devant son élémentaire présence. » Plus ou moins le même constat pour d'autres : pour Eugen Barbu, le style est relativement différent, les éditions originales, sans doute aussi, mais sur le sens… Sur Caragiale, un peu pareil.
Une différence notable, néanmoins : le prix. La Fosse de 1966, en monnaie constante, environ 18 euros. le Grand Dépotoir, 25 ! Sur internet, Aventures dans l'irréalité + La tanière éclairée semble se trouver encore autour de 18-19 euros. Ce livre, 23 euros. La palme va au Kindle, dans l'édition que j'ai commentée, traduction Danoux, moins d'un euro, gratuit sur Amazon Kindle unlimited. Coeurs cicatrisés, traduction Guritanu en Kindle : près de 10 euros !
Ce livre est certes à lire, je vais tâcher d'en trouver le temps et surtout l'opportunité (en bibliothèque ?). Est-il néanmoins permis de remarquer qu'à 23 euros les 350 pages (Barbu à 25 euros, Cărtărescu, certes une première traduction mais de poèmes… en prose, 20 euros les 250 pages), au moins pour la littérature roumaine, cela devient une gageure ?
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Le meilleur roman roumain.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
J’enviais les autres hermétiquement enfermés dans leurs habits, loin de la tyrannie des objets. Ils vivaient prisonniers sous leur pardessus et manteau. Aucun élément extérieur ne pouvait les terroriser et les vaincre, et rien ne pénétrait leur prison merveilleuse. Alors qu’entre moi et le monde, il n’existait aucune séparation. Tout ce qui m’entourait m’envahissait de la tête aux pieds, comme si ma peau avait été criblée de trous. L’attention, très distraite d’ailleurs, avec laquelle je regardais les choses n’était pas le simple fruit de ma volonté : le monde prolongeait naturellement en moi ses tentacules ; j’étais traversé de but en blanc par les mille bras de l’hydre. Force m’était de constater que le monde était tel que je le voyais, jusqu’à l’exaspération, et que je ne pouvais rien y changer.
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Depuis quelques minutes, Emanuel se sentait accablé par le poids du plâtre. Exactement depuis le moment où l’idée qu’elle pouvait être son amante lui avait traversé l’esprit.
La limpide désinvolture de Solange le torturait tout autant que le poids du corset. Il aurait aimé lui dire des mots simples et sans détour, mais, face à sa présence élémentaire, toutes ces ébauches de phrases s’évanouissaient aussitôt.
Ils discutèrent amicalement pendant quelque temps.
Solange lui raconta les menus incidents du voyage et lui présenta son patron comme un « financier dont la vocation avait longtemps oscillé entre bourreau et équarrisseur ».
Emanuel était torturé par l’envie de prendre sa main dans la sienne. Allait-elle s’y opposer ? Allait-elle retirer sa main ? La main de Solange reposait, indifférente, sur le cadre en fer du lit.
Il était surtout paralysé par la précision de son imagination : il se représentait en pensée leur idylle depuis longtemps consommée, il observait les attitudes exactes de leur amour qui n’avaient jamais existé, il se souvenait soudain de choses qui n’avaient pas eu lieu ; des scènes vivantes qui dérobaient passionnément son attention et enveloppaient le présent dans la placidité des événements révolus…
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La sensation d’éloignement et de solitude ressentie dans les moments où ma personne quotidienne se dissout dans l’inconsistance est unique. Quand elle dure plus longtemps, elle devient une peur, une angoisse de ne plus jamais pouvoir me retrouver. Au loin, il subsiste de moi une silhouette incertaine, entourée d’un halo de lumière, comme un objet discerné dans le brouillard. La terrible question « qui suis-je au juste ? » m’habite alors comme un corps étranger qui aurait poussé en moi-même et dont la peau et les organes me sont totalement inconnus. Sa réponse exige une lucidité plus profonde et plus essentielle que celle de mon cerveau. Tout ce qui est en mesure de s’agiter dans mon corps s’agite, se débat et se révolte d’une manière plus forte et plus élémentaire que dans la vie quotidienne. Tout implore une solution.
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J’observais en eux des éléments nouveaux, comme on découvre des détails inédits sur des objets quotidiens. La chambre conservait un vague souvenir du cataclysme, telle une odeur de soufre persistant après une explosion. Je regardais les livres reliés dans l’armoire et décelais dans leur immobilité un air perfide de dissimulation complice. Autour de moi, les objets ne renonçaient jamais à leur attitude secrète, farouchement entretenue par leur impassibilité sévère.
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En rejoignant la caisse sur laquelle étaient posés ses vêtements, les gestes d’Emanuel étaient tout aussi prudents et silencieux que ceux de la souris se traînant sur le plancher. Lui aussi se traînait maintenant plus qu’il ne marchait. Il s’identifiait à la souris jusque dans ses moindres attitudes. Il déambulait tout aussi effrayé, tout aussi confus.
Le médecin entra à nouveau dans la cabine. L’idée lui vint subitement de se suicider, de se pendre avec la ceinture de son pantalon à l’une de ces barres métalliques. Mais cette pensée était si faible, si inopérante, qu’elle ne contenait aucune énergie, même pas celle nécessaire pour lever un doigt. C’était, bien sûr, un excellent projet, tout aussi remarquable que l’intention de la souris de regagner son trou, mais tout aussi vague et dénué de réalité.
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Video de Max Blecher (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Max Blecher
Une chronique sur le livre Cœurs cicatrisés, dans la traduction de Gabrielle Danoux.
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