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"Corps transparent' est le tout premier recueil de poésie de Max Blecher, il a été publié en 1934 et traduit du roumain récemment par Gabrielle Danoux qui a choisi de nous présenter ce recueil dans une version bilingue. C'est donc avec un immense plaisir que j'ai découvert l'univers de l'auteur au travers de cette palette de quinze poèmes, certains courts, d'autres moins, dans lesquels la couleur s'associe bien souvent aux sentiments qu'ils soient tragiques ou amour. Chacun de ces quinze poèmes nous est offert dans sa langue d'origine, le roumain, et est suivi de sa traduction en français. N'y voyez là aucun exercice de style de ma part, c'est la première fois que je couche mon ressenti par écrit sur de la poésie, le but étant de vous faire part au plus proche de mes émotions et non d'analyser l'écriture de l'auteur (j'en serais bien incapable par ailleurs).

Si je devais résumer ces quinze magnifiques poèmes en un seul mot, le premier mot qui me viendrait à l'esprit serait incontestablement "éclaircie" car oui la poésie de Max Blecher est pareille à une éclaircie. L'éclaircie, ce court moment qui parfois ne dure que quelques secondes durant lesquelles les rayons du soleil filtrent comme par magie à travers les nuages (j'ai toujours l'impression d'assister à un petit miracle pour ma part), ces quelques secondes durant lesquelles vous pouvez ressentir la chaleur des timides rayons de ce soleil que vous avez tant espéré et qui tout doucement viennent vous caresser le visage, vous fermez les yeux, vous vous abandonnez et soudain, ce petit frisson délicieux qui vous parcourt tout le corps... la chaleur vous enveloppe, elle vous rassure, elle est presque salutaire après le passage nuageux et à ce moment là seulement tout devient possible, l'espoir renaît car l'ombre ne saurait exister sans soleil.

Dans la poésie de Max Blecher il y a beaucoup de souffrance c'est vrai mais elle fait corps avec une forme de salut, de guérison, même inconcevable, l'âme qui souffre tente par tous les moyens de panser ses plaies, d'apaiser sa douleur, elle cherche la rédemption dans l'amour perdu, celui qui s'est enfui car la femme aimée est toujours là, dans l'ombre, mystérieuse Marie à laquelle l'auteur dédie ces vers : elle est dans l'horizon, elle est dans ses terres d'accueil et de refuge à l'image de la belle Istanbul symbole d'une vie meilleure pour tous les réfugiés syriens, elle est dans l'éternité...

Éternité

Les pas ne connaissent pas l'abîme
Le corps promène notre ciel
La tempête perd des lambeaux de chair
Plus vague, plus faible encore
Il y a un bleu commencement
Dans ce paysage terrestre
Et un autre qui réclame vengeance
Comme un doigt coupé
Vois juste quelle femme roule
Comme un fuseau
Et son delta copie
Le delta des eaux.


En bord de mer

Voici ce qu'à la mer tu verras
Les bateaux : des têtes de noyés la cigarette au bec
Rêveurs ils fument et flottent vers Istanbul
En bord de mer les gens : des suicidaires rescapés
Rêveurs ils fument et flânent à la nuit tombée.

La mer tragique, la mer lyrique, seule la nuit parvient à apaiser les coeurs quand ils sont torturés. Vous la ressentez l'éclaircie ? Elle est dans le bleu commencement du ciel, elle est dans le delta des eaux, dans la femme qui roule comme un fuseau, elle est dans les rêves des suicidaires rescapés, dans les bateaux qui fument symboles de jours meilleurs et de liberté, que ce soit la liberté de tous les hommes ou celle d'un homme qui souffre enfermé dans un corps qu'il rêverait transparent.

Matérialisations

Puisse le jour me déposer une pierre dans une boîte
Et un papillon en or vitrail sur une fenêtre
Puisse la nuit me laisser une poignée de cristaux
Glaçons de fièvre, poupée pétrie de rêves
Puis-je avoir des objets au coeur empli de vie
Et dans la soie des idées et dans le verre des souvenirs
De tes visites, de sanglants bracelets je voudrais
d'un sourire le collier et l'alliance d'un instant.

L'espoir infime aussi illusoire soit-il est là. L'urgence de vivre, d'aimer aussi quand on sent que la vie glisse entre nos doigts comme du sable sans qu'on puisse ne rien y faire. Max Blecher a quitté notre monde précocement en 1938, il n'avait pas trente ans, il fut immobilisé une grande partie de sa courte vie des suites d'une tuberculose qui ne le laissa jamais en paix. Il nous laisse à travers sa poésie un peu de sa douleur, de ses espoirs, de sa résignation et de sa fougue aussi qui est telle celle du "Calul", le cheval, qui s'en va parcourir le monde et qui donne son titre à l'un de ces quinze poèmes dont je ne manquerai pas de vous partager des extraits par la suite.

Que votre ciel intérieur soit gris ou bleu je vous invite à découvrir la poésie de Max Blecher, une poésie libre et sans contraintes, résolument moderne qui ne se limite pas aux règles d'usage de la poésie traditionnelle.
Une poésie qui vous emportera vers un ciel d'orage, vous y verrez passer des éclairs mais une chose est certaine il y aura des éclaircies.

"Des mots tels des oiseaux aux ailes ensanglantées
Des mots qui affolés volent dans les pièces du coeur..."







*Un grand merci à Gabrielle Danoux, dont je salue au passage le travail de traduction remarquable, qui m'a offert l'opportunité de découvrir l'auteur.

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À l'époque où j'étais étudiante et croyais comme une midinette (m'en suis-je guérie ?) en l'amour à vie, j'ai travaillé, assez longtemps, dans une boutique de luxe. Il m'est donc arrivé, plus d'une fois de vanter les qualités d'un lot de bagages unique (que je trouvais sublime), confectionné en peau de veau mort-né. Je taisais sa fragilité, mais tentais de la suggérer en évoquant l'aspect translucide, presque transparent de cette douceur. Ce qui ici est sincère jusqu'à la l'indicible transparence est la douleur d'aimer la vie et sa cruauté. Dans mon discours sur le tannage, ce que j'évoquais comme étant une matière exceptionnelle était en réalité le déchet d'un avorton. Il en est de même de ce fin (mais pas squelettique) opus que j'ai traduit d'une seule traite, la mort de mon propre amour physique au ventre. Bien que des universitaires travaillent (dans le plus grand et regrettable secret) pour réunir l'ensemble des écrits de Max Blecher, j'ignore presque tout de la genèse de cette oeuvre. Un bref éclairage m'a néanmoins été proposé par le film de Radu Jude, Coeurs cicatrisés, inspiré librement de la vie de l'auteur : Blecher a vécu des amours non partagées, comme nous tous diraient d'aucuns. Alors je lève ma traduction (maladroite sans doute, mais promesse tenue), tel un calice de bonheur à tous les amours perdus : « L'Amour est mort ! Vive l'amour ! »
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Max Blecher (1909-1938) est un écrivain roumain dont je n'avais jamais entendu parler. Merci à Tandarica de m'avoir permis de découvrir un des auteurs qu'elle traduit.

Corps transparent est un recueil (de 15 poèmes) publié en 1934. J'aime beaucoup la poésie, mais il arrive que des textes restent hermétiquement fermés. Je ne suis pas parvenue à visualiser dans les textes ce que Gabrielle Danoux (Tandarica, la traductrice) appelle "l'empreinte d'un érotisme surréaliste".

J'ai toujours été plus attirée par le romantisme que par le surréalisme, ceci explique peut-être cela?

Quoi qu'il en soit, le fragment de « La Tanière éclairée », son journal, m'a vraiment beaucoup plu et m'a donné envie de le lire.

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Nous trouvons ici un surréalisme plus inspiré par le côté tragique de l'existence que par la plongée dans les tréfonds de l'inconscient pour y trouver une écriture nouvelle:
"Ce sont les noces de celle qui jadis en vie
Lors de son mariage vivante mourut dans des fleurs de sang
Des frissons de spectres sursautent sur son visage blanchi
Quand la lente valse tourne, quand la valse pleure quasiment."
Il n'empêche que les images empreintes de romantisme deviennent saisissantes au-delà de leur tristesse visible.
"Tes mains sur ma tête
Telles deux pierres pour une seule tombe..."
Car le climat nostalgique reste celui du rêve, de la poésie et de l'écriture.
"Puisse le jour me déposer une pierre dans une boîte
Et un papillon en or vitrail sur une fenêtre
Puisse la nuit me laisser une poignée de cristaux
Glaçons de fièvre, poupée pétrie de rêves
Puis-je avoir des objets au coeur empli de vie
Et dans la soie des idées et dans le verre des souvenirs
De tes visites, de sanglants bracelets je voudrais
d'un sourire le collier et l'alliance d'un instant."

Plutôt que l'inconscient, le poète choisit le tragique de la vie, la mort, l'amour perdu, pour y arracher ces bijoux rutilants, ces "objets au coeur remplis de vie" qui sont objets dignes d'écriture poétique profondément enfouis "dans la soie des idées et dans le verre des souvenirs".
Ce que cherche Blecher ce sont ces fenêtres qui s'ouvrent sur un monde inspirant propre à l'écriture. À lui de les esquisser ces fenêtres:

"sans point ni virgule la fenêtre s'est détachée du mur et s'est mise en route bon voyage car tiens une autre fenêtre je dessine sur-le-champ."

L'expression "sur-le-champ" après le mot fenêtre n'est absolument pas neutre ici - est-ce miracle de la traduction de Gabrielle Danoux ou du poète que cette fenêtre s'ouvre sur le champ ? - désigne autant la temporalité que le monde de la nature.
Le poète nous dessine ¸a travers ses émotions, une vision tragique fantasmée du monde dans laquelle il nous ouvre des fenêtres pour un exil heureux.
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L'éditeur roumain a choisi de joindre à la plaquette publiée pour la première fois en 1934 en introduction la reproduction d'un dessin de 1935 signé M. Blecher et intitulé "Mon prince"; un addenda qui réunit des textes de Geo Bogza, ainsi que trois poèmes qualifiés d'inédits (Fugue, Instant diurne, Poème), une fiche biographique, ainsi que l'incontournable (en Roumanie) cahier critique qui contient des extraits des principaux (Dieu qu'ils sont nombreux!) exégètes de l'oeuvre de Blecher, dont on peut citer ici Nicolae Manolescu, Doris Mironescu ou Ada Brăvescu. En citation un poème dédié au Français Pierre Minet.
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Je remercie une fois de plus Gabrielle Danoux pour ce cadeau surprise envoyé avec le roman de Gheorghe Crãciun « la poupée russe » au Liban.
Max Blecher est poète et romancier auteur de nombreux ouvrages dont Corps transparent un recueil de poèmes traduit du roumain en 2017 par la traductrice Gabrielle Danoux que je ne me lasse de féliciter pour son travail.
Je vous conseille de lire la biographie de cet auteur roumain sur le lien indiqué sur mon blog:
Une plaquette qui réunit quinze poèmes roumains français permettant au lecteur de s'étendre aussi sur une autre langue et sur ce, c'est avec un intérêt certain que je me suis mise, disons à vouloir comparer ces deux langues tout en savourant la plume poétique de l'auteur qui pousse tantôt à la rêverie, tantôt à la réflexion.
Des vers courts qui se composent d'une caresse de mots qui vous embaument l'esprit de sensations nouvelles. C'est une invitation à la découverte de la sensualité surréaliste marquée par un érotisme toute en pudeur.
Ce recueil divulgue les émotions et nous interpelle durant notre lecture pour nous mener à la complexité de nos sentiments ou d'autrui.
En mémoire pour cet auteur qui nous parle d'amour et d'évasion avec un coeur transparent qui poétise tout en douceur, je vous conseille de le lire.

Lien : http://chroniqueuse6.canalbl..
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Comme beaucoup d'écrivains roumains, Max Blecher, ici en édition bilingue et traduit par Gabrielle Danoux, était francophone et francophile. le titre déjà, qui n'est séparé de sa traduction française que par une “s”, puis la dédicace d'une de ses oeuvres à Pierre Minet le démontrent. L'auteur est toujours allergique au sentimentalisme mais fait preuve d'un érotisme assez directe, étayé par le champ lexical de la nature en général, plus particulièrement le vocabulaire animal: l'amour devient cheval ou phalène. L'influence du surréalisme a marqué l'auteur, pas jusqu'à l'opacité cependant. Les figures de style se conjuguent en répétitions (anaphores, épiphores, voire quasi-symploques) comparaisons, nombreuses, métaphores, métonymies. Une facette de l'écrivain à découvrir autant que ses romans.
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A la lisière du sommeil, Max Blecher compose les vers de ce recueil, en des associations d'idées aussi sensuelles qu'énigmatiques :

« Des mots, dessins incompris de cet écrit
Comme mes mains, comme tes yeux clos. »

Les images s'envolent, cavalcadent, comme des oiseaux et des chevaux, animaux récurrents de ces poèmes. A travers leurs mouvements, on devine des ébats amoureux auxquels se livreraient des amants aux yeux clos. La figure de la femme, si adulée par les surréalistes, constitue la matrice de la rêverie, et le moindre éloignement fait du poète un déshérité, avec sa mélancolie pour seule lumière :

« Qui sait ? En t'attendant ressuscitera peut-être
La charogne d'un mot
Et avec son aveugle lanterne il me promènera
À travers la nuit
Ta chevelure en sera l'obscurité
Et dans les ombres je plongerai. »

Par le saut-de-l'ange de ce dernier vers, la dérive hors du monde éveillée entraîne vers les grands fonds. le dernier poème, « Promenade marine » présente ainsi un merveilleux paysage aquatique, digne des cartes maritimes les plus fantaisistes, où les poissons-chats deviennent des poissons-chiens. Rien n'a de forme fixe dans ces poèmes où règne la métamorphose des sentiments amoureux.

Merci à Gabrielle Danoux pour sa traduction élégante et fluide, qu'elle a eu la gentillesse de me faire découvrir.
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Lundi, Dandarica (alias Gabrielle Danoux) m'envois un message dans le but de me faire découvrir la poésie roumaine qu'elle a traduite.
Comme ma pile à lire pour cette année 2021 manquait de poésie (jusque lundi, je n'avais que Paroles de Jacques Prévert à me mettre sous la dent), je me suis dit que ce serait bien de regarder de plus près à cette proposition, d'autant plus que la poésie n'est pas uniquement un art français, la poésie est multiple et n'a pas de nationalité.
Et je dois dire que c'est avec plaisir que j'ai découvert Max Blecher et son Corps Transparent.
Il s'agit d'un recueil court de 15 poèmes, dans une version bilingue, la traduction ayant été réalisée par Gabrielle Danoux.
Jusqu'à présent, j'avais seulement trois recueils de poésie en version bilingue anglais-polonais, le tout premier est un recueil de Wisława Szymborska (Chwila / Moment), le deuxième d'Edgar Allan Poe (Miasto w morzu i inne utwory poetyckie aux éditions Vesper) et le troisième d'Howard Phillips Lovecraft (Nemezis i inne utwory poetyckie chez le même éditeur). Pourquoi y fais-je référence ? Car, en matière de traduction, la poésie est l'un des genres littéraires les plus difficiles.
Ici, je dois rendre hommage au travail remarquable de la traductrice, car j'imagine que cela a pu demandé parfois de véritables efforts pour restituer en français l'idée première et l'essence de ces poèmes, tout en tenant compte de la versification et éventuellement des quelques rimes que l'auteur a semé ici et là (car pour la plupart des poèmes, il s'agit de vers libres).
Le choix de la préface est par ailleurs particulièrement très bien choisi.
La poésie de Max Blecher est avant tout surréaliste, assez onirique dans le sens ou j'ai eu l'impression qu'il retranscrit directement au réveil, des images qu'il a rêvé dans ses songes (où tout est possible...).
C'est une poésie qui se découvre et se redécouvre à chaque lecture (j'ai eu le temps de relire certains poèmes trois ou quatre fois en quelques jours). Par contre, c'est de la poésie pour des lecteurs férus de poésie, en ce sens qu'elle n'est pas accessible à la première lecture parfois et le lecteur doit avoir en lui une certaine dose d'imagination pour pouvoir invoquer les images évoquées de l'auteur, ce qui pourrait rebuter des lecteurs qui souhaiteraient lire de la poésie pour la première fois depuis longtemps. Certains textes sont très hermétiques et je n'ai peut-être pas tous les éléments du contexte dans lequel sont écrits ces textes pour pouvoir réussir à les comprendre entièrement moi-même.
Donc, et cela est normal pour un recueil de poésie, je n'ai pas accroché à tous les textes.
Il n'en reste pas moins que j'ai vraiment apprécié ma lecture et mes relectures encore plus, surtout ces trois poèmes : « Au bord de la mer » qui m'a permis de voyager sur les rives de la mer noire, « Valse ancienne » où l'on assiste à une danse de mots des plus mystérieuses et Promenade marine qui conclut de manière magnifique ce corps transparent de Max Blecher.
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Très court ouvrage poétique et surréaliste décrivant avec amour et fort érotisme de la relation à l'aimée.
C'est assez poignant et terriblement bien écrit. L'auteur ne fait pas preuve de sentimentalisme mais on sent une passion assez forte et une certaine fièvre dans l'écrit.
C'est finalement un poème assez français et j'ai ressenti l'inspiration d'un Breton par exemple dans le récit. Ce fut en tout cas très plaisant et je lirais volontiers d'autres oeuvres de cet auteur.
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