Canisse est présenté comme un planet opera, un sous-genre de la SF nommé souvent planetary romance dont l'essentiel de l'action se trouve concentré sur un monde différent du nôtre : la faune et la flore spécifique de cette planète, ainsi que le contexte géopolitique de ses habitants, influent profondément sur le déroulement de l'intrigue. Les amateurs du Cycle de Ténébreuse (
Marion Zimmer Bradley) ou de Dune (
Frank Herbert) savent de quoi il en retourne, de même ceux qui apprécient les romans épiques de
Jack Vance ou ceux, plus proches de l'heroic fantasy d'
Anne McCaffrey (la Ballade de Pern).
[...]Dès les premières pages, j'ai été séduit par le style : de longues phrases au vocabulaire recherché, à la syntaxe élégante (voire un peu précieuse) et multipliant les propositions subordonnées. Dans l'Hexagone, le seul écrivain qui me vient à l'esprit pour comparer serait
Pierre Stolze (tout de même plus friand d'adjectifs parfois obscurs, mais tout autant amateur de beaux mots).
[...]
Problème : l'impression de rester « en dehors » de l'intrigue, d'assister plutôt que de participer à l'action. Les descriptions sont convaincantes, hautes en couleurs, pittoresques même – mais les dialogues sonnent souvent creux et le découpage paraît artificiel [...]. de fait, lorsqu'on en voit le bout, on se dit que le livre est soit trop long (développant inutilement son prologue et l'exposition des personnages) soit trop court (abrégeant les détails permettant les connexions avec les révélations finales, supprimant maladroitement les scènes de vie sur
Canisse au profit de l'action).
Canisse a donc tendance à perdre le lecteur en route : d'abord, on n'atterrit sur la planète en question qu'après 60 pages pendant lesquelles on fait surtout connaissance avec Xhan, ex-garde-pêche méfiant souffrant d'une tumeur dont il sait l'issue fatale ; étrangement, il n'est pas toujours présenté sous son meilleur jour, et on peine à sympathiser. Il est pourtant clairement le héros du récit – à moins que… ?
Ensuite, on est sur le monde-océan. Fascinant. En alternant entre les séquences à bord du vaisseau du commanditaire de Xhan et celles dans une famille de Canissiens tiraillée à propos des relations avec les étrangers, on se laisse prendre au jeu de la découverte et de l'initiation : l'océan est piégeux, ses eaux acides mortelles – mais il recèle des trésors insoupçonnés. Pourtant, très vite, vient la chasse, qui nous propose de longues pages d'action ininterrompue – car elle se passe mal et la mort est le lot commun des pêcheurs imprudents sur
Canisse ; parallèlement, on apprend quelque chose sur une étrange faculté que possède Xhan : sa venue sur la planète n'est peut-être pas un hasard… le dernier chapitre se confondra en révélations, répondant à certaines questions, en éludant d'autres, ouvrant la porte à un univers étonnant bien que peu original – mais riche de possibilités. On en reste, du coup, sur notre faim, et ce ne sont pas les deux annexes qui nous rassasieront.
Intéressant donc, un livre qui a l'avantage d'être doté d'un beau verbe et de se lire très vite.
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