Il y avait dans leur intimité secrète une infinie douceur. L'aimer, songea-t-il, c'était pour lui comme se laver le visage et les mains ou comme plonger dans une rivière claire et au débit régulier dont l'eau se renouvelait sans cesse, et il était juste que son chemin vers la rivière et l'endroit même de son bain fussent dérobés au monde entier.
A l'intérieur de la maison, dans la longue bibliothèque, la lumière du crépuscule filtrait à travers les fenêtres comme la lumière de l'après-midi avait filtré à travers la cime des arbres pour atteindre l'endroit où ils s'étaient assis ensemble. Les vieux parquets de chêne brillaient dans cette lumière comme de sombres troncs dans la forêt, les cadres dorés des portraits, les couleurs de la soie et du velours devenaient vivants et lumineux comme des branches d'arbres, des feuillages et des mousses. Ce profond éclat du jour finissant, c'était son sourire tremblant au moment de leur séparation, sa compassion et la promesse d'une nouvelle rencontre.
J'aimerais habiter seul sur une île déserte, à l'écart du monde. Il n'y a rien dont on puisse languir comme de la mer. La passion de l'homme pour la mer est dépourvue d'égoïsme. Nous ne pouvons ni la cultiver ni boire son eau et, dans son sein, nous mourons. Et pourtant, loin d'elle, nous sentons que quelque chose de notre âme se dessèche en nous et disparaît comme une méduse rejetée sur le sable sec.
Le fait est que les gens veulent vivre. En premier lieu, ils veulent rester vivants d'aujourd'hui à demain et, pour atteindre ce but, il leur faut manger. Il n'est pas toujours facile de trouver quelque chose à manger. Et, quand nous avons faim, nous nous lamentons et nous crions, non pas précisément parce que nous souffrons, mais parce que nous sentons, dans notre estomac, que notre vie est menacée. Mais, ensuite, nous désirons vivre pendant un plus grand espace de temps que celui qui s'étend d'aujourd'hui à demain et pendant une durée plus longue que ces brèves années qu'on appelle le temps d'une vie humaine : nous désirons vivre à travers les âges. C'est pourquoi nous réclamons l'étreinte physique : c'est pourquoi nous avons besoin de l'être aimé, de l'épouse qui recevra, abritera et fera s'épanouir notre vie à jamais perpétuée sur la terre.
"Maintenant, mon cher coeur, venez avec moi pour que je puisse vous montrer l'objet précieux que, seul de tous mes biens, je conserve pour moi."
Sur ces mots il la conduisit à l'étage supérieur dans sa chambre à coucher et la laissa tout embarrassée au milieu de la pièce. Il lui enleva du front le voile de noces ainsi que ses perles et ses diamants. Il défit sa lourde robe de mariée à longue traîne et la lui fit quitter et, l'un après l'autre, il lui enleva ses jupons, son corset, sa chemise jusqu'à ce qu'elle se trouvât devant lui, rougissante et confuse, belle comme Eve au Paradis pendant sa première heure avec Adam. Très doucement, il la conduisit devant le grand miroir fixé au mur :
"Voilà, dit-il, la seule chose de mon domaine exclusivement réservée à moi-même".
Il lui avait demandé si elle croyait que les oiseaux étaient des présages de bonheur. "Je ne sais pas, disait-elle, je pense que c'est en soi un grand bonheur de les voir."
À travers les différents ouvrages que l'auteur a écrit pendant et après ses voyages à travers le monde, la poésie a pris une place importante. Mais pas que ! Sylvain Tesson est venu sur le plateau de la grande librairie avec les livres ont fait de lui l'écrivain qu'il est aujourd'hui, au-delàs de ses voyages. "Ce sont les livres que je consulte tout le temps. Je les lis, je les relis et je les annote" raconte-il à François Busnel. Parmi eux, "Entretiens" de Julien Gracq, un professeur de géographie, "Sur les falaises de marbres" d'Ernst Jünger ou encore, "La Ferme africaine" de Karen Blixen.
Retrouvez l'intégralité de l'interview ci-dessous : https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/
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