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Critique de Perlaa


Comment une femme plutôt bien née, belle, séduisante, douée pour la musique et les arts peut-elle dans l'Allemagne des années soixante gérer aussi mal sa vie ? Comment peut-elle déroger aux règles fondamentales de la bienséance et se retrouver dans des galères incompréhensibles ?
Telles sont les questions au centre de cet étrange roman.
Roman ? Plutôt une enquête menée par un auteur qui investigue le passé de Léni, sa famille, ses proches, ses collègues... Il retrouve des témoins vivants, se rend sur les lieux, confronte les témoignages, les croise à des données historiques et statistiques, va jusqu'à effectuer des reconstitutions minutées et fait appel à la mathématique, les sciences, la religion, la lexicographie...pour tenter d'y voir plus clair.
Le mystérieux enquêteur - l'auteur - révèle assez tard être journaliste, on croit deviner que la ville où se déroule l'action est Cologne, les motivations premières de l'auteur restent obscures et Léni ne sera jamais approchée.L'objet de l'étude est la grande absente du récit. Quel paradoxe !
L'auteur traverse l'histoire d'une famille allemande depuis les parents de Léni avant-guerre, son éducation, la période de la guerre 39-45 et le milieu des années soixante où Léni atteint ses 48 ans et est de plus en plus fantasque, voire dangereuse, aux yeux de ses compatriotes. On suit par témoignages interposés la vie qu'elle traverse imperturbable sans que les événements n'aient réellement prises sur elle et semblent glisser.
Le tableau de la société allemande déboussolée de 1945 est passionnant. On apprend beaucoup sur la panique des survivants à cette période  . Fausses identités, faux livrets, faux uniformes, faux blessés, fuite ou non, à la campagne, à l'est, à l'ouest  ? Que faire face à l'avancée des Américains pour éviter le pire ?
L'originalité formelle du récit sous la forme d'une enquête rigoureuse est contrebalancée par l'écriture du narrateur qui, sans en avoir l'air, intervient de plus en plus et se positionne dans cette recherche. Son regard acéré et ironique sur une Allemagne déchirée rend le texte grave et très léger à la fois. Il en vient en parler de lui-même, mettant sur le même plan, sa veste déchirée, ses notes de frais, ses rencontres féminines et des considérations sur l'incontestable supériorité du capitalisme germanique bien compris opposée à la nonchalance et l'inconscience actuelles de Léni.
Le texte est fluide. Si au début on lit sans peine mais sans passion cet exposé plutôt froid le déclic se produit à un moment donné. Tout s'ordonne et on s' immerge dans ce petit monde de personnages récurrents familiers, avec leur complexité, leur petitesse , leurs angoisses et leurs difficultés.
Une belle lecture. On comprend que le prix Nobel de littérature décerné à Heinrich Böll était proche.
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