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Critique de morganex


Comment situer cet auteur américain (1917-1994) injustement méconnu, voisin de palier de Richard Matheson père… ?

On pourrait écrire qu'Alfred Hitchcock adapta son roman « Psychose » avec le brio que l'on sait, et que Bloch scénarisa 17 épisodes télévisuels de « Alfred Hitchcock présente».

L'esprit du Maître cinéaste (sardonique, pince-sans-rire, humour à froid, caustique, british) sied à merveille à Robert Bloch. L'écrivain aurait pu reprendre à son compte le gimmick célèbre des anthologies d' Hitchcock: « Histoires à ne pas.. », tant ses nouvelles fantastiques étaient faites au moule de ses célèbres recueils. A défaut de "Contes de terreur" Opta aurait pu titrer: « Histoires à se brosser les dents à la toile émeri » « Histoires à s'effriter les neurones » « Histoires entre oreillettes et ventricules »...

Qu'ajouter de plus si ce n'est que H.P. Lovecraft, lui-même, le conseilla de manière épistolaire dès l'age de 15 ans, pressentant les prédispositions de l'élève.

Bloch avait le physique de ses nouvelles. Une bonne tête. Presque une trogne de saint homme. Une belle bouille de gentil bougre. de celles, de tronches, qui inspirent la confiance. Un profil "elfique" (Zieutez l'oreille en pointe) à ne pas faire de mal à une mouche.
Hein, y'a de çà, de visu.. ! Avouez.. !
Le Bon Dieu sans confession qu'on lui donnerait, n'est t'il pas ?
Ouais.. ! Ouais.. ! On dira çà comme çà, de premier abord. Car, grattant la façade, derrière l'aimable sourire, la dent mâchouille la dite mouche.. on en voit encore les ailes entre les lèvres fermées. Et le roublard de soutenir mordicus que ce n'est pas vrai, que ce n'est pas lui qui a joué un tour pendable.

Bloch est un caméléon, il en a la langue; celle qui jaillit du sourire, vous englue et vous emmène en bouche sans crier gare. Ce caméléon là écrit avec sa langue, bave et encre de chine mêlée et scotche ses lecteurs. Ses "Contes de terreur" sont papiers tue-mouches ne lâchant jamais leur proie : celui qui lit.

Tout est dans les mises en abîme qui vous attendent. Chaque nouvelle a la sienne. Elles mordent et griffent.

« Contes de terreur » vous offre trente manières de vous laisser duper dans un éclat de rire. Cela serait bête de vous en priver, c'est si bon de se faire avoir. Et vous allez en redemander. L'addiction d'en lire encore une autre, de nouvelle. Allez va, hein, juste une, une petite dernière, juste pour la route, avant de s'endormir. Et de se retrouver au bout de la nuit: chargé de peur, secoué de rires, recueil dévoré.

Le héros blochien, à l'image du Coyote ("Beep-Beep et le Coyote") inlassablement en quête d'un oiseau fuyant comme une savonnette mouillée, monte des pièges délirants autour de sa proie, mais est au final toujours pris dans la nasse de son propre génie. Bloch, à chaque nouvelle, dresse le portrait d'un loser auto-satisfait qui monte un scénar miracle, celui qui au choix va lui apporter fortune, crime parfait ou la femme de son meilleur ami. Et toujours un grain de sable d'essence fantastique, un rien, grippe la machine.


Bloch use de toutes les armes pour vous abuser:
Il tente le croche-pied dans le dos du lecteur distrait, dépose la peau de banane sous ses pas. Si ce dernier croit à tord avoir déjà tout compris de la mise en abîme qui l'attend, il se trompe.
Ne vous fiez pas à lui, c'est un roublard. Il fait patte de velours à chaque début de nouvelle, fait croire à du "déjà-lu", à un archétype de littérature fantastique qu'il se propose de revisiter en votre compagnie, en toute camaraderie, complicité rieuse et confiance. Il agite tous les clichés rassurants du Grand-Guignol fantastique. Il vous propose le Train Fantôme de fête foraine, les chatouillis sous les aisselles. Il vous inflige gentiment les grands classiques de la peur, le plaisir de frissonner au cours de la visite d'un grand cirque macabre balisé. Venez vous en payer une bonne tranche, faire semblant d'avoir peur.

Bloch, la mine jadis aimable, terminera chaque nouvelle l'oeil égrillard, métamorphosé en lutin furibond et hilare, diablotin fier de sa duperie démasquée.

Ne lui accordez surtout aucun crédit, aucune attitude franche. Il ne fait que vous rassurer et vous attend au tournant. Il se joue en hypocrite consommé de vos certitudes erronées, de la fausse tranquillité dans laquelle il vous installe. Doucement. Tranquillement.

Guindé et obséquieux dans son ténébreux habit de fête, smoking noir et haut de forme, il vous invite à le suivre de la main droite ouverte ; quand de la gauche dans son dos, de la pulpe du pouce il teste le tranchant d'un rasoir de grand-père caché sous les pans de sa queue-de-pie.

Et l'auteur de ricaner, de se foutre de votre poire.

J'use ici de clichés pour vous parler de Bloch. Durant trente nouvelles il a fait de même, utilisant les vieilles ficelles de la peur, mais les revisitant sous un angle nouveau.
.
Si le voyage vous tente, n'hésitez pas. Mais ne m'en veuillez pas si j'ai peut-être cherché à vous embobiner, à vous mentir. A vous de voir. :-)

PS: Paru initialement en 1974 dans la luxueuse collection (à édition limitée) Opta, Aventures fantastiques, ce recueil comporte 30 magnifiques illustrations, signées Moébius. La plume de l'illustrateur, trempée d'encre de Chine noire avait lâché un diable en habit du XXème siècle, oreilles effilées et phylactères de BD.

Quatrième de couverture de l'édition Opta:
"« Sa majesté Satan vous ouvre les portes grinçantes de quelques-uns de ses Royaumes Inférieurs.
Elle vous autorise même à rencontrer certains de ses plus intéressants sujets. Des artistes dont les oeuvres ont le souffle même de la vie. Des collectionneurs, des esthètes aux curieuses obsessions. Des artisans habiles à manier la hache comme le rasoir. Des hommes sans coeur et d'étranges filles qui ont la tête ailleurs.
Trente séjours (prière de ne pas trop vous attarder) auxquels vous confie Bloch, Mr. Psychose, grand orfèvre du macabre, du fantastique et de l'humour affreux. »
Lien : https://laconvergenceparalle..
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