IL N'EST DE PIRE SOURD...
... Que celui qui ne veut pas entendre, prétend l'adage. C'est en quelque sorte ce que nous démontre le coyote de cette histoire riche d'enseignement.
Nous sommes (probablement, étant donnée l'origine de ce conte) dans le terrible désert de l'Arizona. Une colombe profite de la période de la moisson pour faire sa provision de graines. Hélas, toute à son affaire, elle se blesse sérieusement à la patte et, de souffrance, se met à gémir... Seulement, il semble que ces larmes à fendre l'âme plaisent à l'oreille d'un animal partit en chasse au même moment : Coyote ! Et celui-ci est tellement ému, enthousiasmé par ce qu'il prend pour un chant que celui-ci refuse d'entendre la version du malheureux oiseau. Aussi, tout à son égoïste plaisir mélomane, oblige-t-il notre colombine à pleurer sur commande, sous peine de la dévorer ! Mais le subtil chasseur du désert n'a pas plus d'oreille ou de compassion que de mémoire mélodique. Ainsi, par trois fois tandis qu'il s'en retourne chez lui, de menus accidents de parcours lui font oublier ce bel air tiré des pleurs de l'oiseau.
Cependant, lassé de l'agressivité de Coyote, la colombe finit par se méfier et invente un stratagème pour s'éviter la mauvaise surprise de finir dans la gueule du carnassier... Ce qui fera comprendre à notre bête à poil, tout à la fin, que l'on peut crier de douleur et passer pour un musicien sans l'avoir jamais désiré. Encore qu'il est à douter que le canidé ait véritablement compris la leçon. À tout le moins c'est un peu "tel est pris qui croyait prendre" qui conclu ce charmant volume pour enfant.
Comme c'est souvent le cas dans les contes, la "morale" de l'histoire n'est pas des plus évidentes ni immédiates, bien que plusieurs pistes s'offrent au lecteur. Bien sûr, on comprend que celui qui ne souhaite entendre ou voir que ce qu'il désire passe souvent à côté de la vérité. On peut aussi songer que l'art n'est pas uniformément fait de cris et de douleurs et que, inversement, cris et douleur ne font pas l'artiste, le tout résidant dans l'intention.
En l'occurrence, notre malheureuse colombe pleure et aurait sans doute apprécié que Coyote reconnaisse cette souffrance plutôt que d'être fasciné par un chant qui n'en était pas réellement un, sauf dans ses oreilles en pointes. Mais cet album, inspiré par un conte des indiens pueblo de l'Arizona, les Hopis, évoque aussi la dureté de la vie dans le désert - magnifiquement rendu par des couleurs chatoyantes sur des motifs passant par toutes les gammes du jaune à l'orangé, la pauvre végétation désertiques ayant de ces verts pâlichons ou au contraire crus qui relèvent encore un peu plus cette idée de sécheresse et d'âpreté -, nous rappelle par ailleurs le dur combat pour la survie et les rapports tout en tension entre ces habitants du désert.
Quant à Aliénor, trois ans et demi... Depuis sa découverte de la sphère indienne par le biais de la série BD "Yakari", tout ce qui relève de ce monde la fascine, l'intéresse, la motive. Ce sont donc déjà plus d'une dizaine de lectures répétées de cette étonnante histoire que ses attentifs parents (votre humble serviteur et sa compagne, donc !) ont déjà dû mettre en scène ! Certes, les "Hou-Hou-houuuuuuuuuille, etc" de la colombe ont, sans vraiment pouvoir m'en expliquer la raison (ça m'est venu comme ça, très vite), repris les premières notes de la mélodie de "Girl of Ipanema", de Antônio Carlos Jobim, et qui semble beaucoup plaire à notre fille chérie...
Mais il serait parfaitement indélicat et faux d'expliquer cette appétence pour cette (redisons-le plus clairement : très belle) histoire par la seule audotion voix de basse (laborieuse) d'un papa aimé ! Non, vraiment, ce petit album au format très praticable pour de jeunes enfants (un petit format à l'italienne) a tout pour ravir l'imagination aussi bien que l'émotion d'enfants de plus ou moins quatre à cinq ou six ans. Alors disons le franchement : voici une bien belle réussite, tour à tour tendre, poétique, inattendue dure, mais drôle et un rien moqueuse aussi !
Merci donc aux éditions Seuil Jeunesse pour cette charmante découverte, réalisée dans la cadre du dernier "Masse Critique" consacré aux littératures jeunesse, ado et "Young adult" (Par Zeus, que je déteste ce frangliche) que l'on peut tout aussi bien traduire par "jeune adulte" sans que cela soit honteux le moins du monde... Mais ceci est une autre histoire et je préfère contempler une fois encore le dessin à la fois délicat et plein d'humour de Marie Novion. Quant à l'autrice, Muriel Bloch, nous découvrons avec plaisir que c'est par ailleurs une conteuse de renom dont il est possible de découvrir quelques vidéos sur YouTube. À suivre !
PS : La maman de notre délicieuse petite fille me précise à l'instant que cette dernière s'est "rejouée", et à plusieurs reprises, cet album en solo ce matin. Je pense que tout est dit !
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Alors qu'une colombe profite des quelques graines à terre pour commencer ses provisions, voici qu'elle se tord une patte. La douleur est si vive qu'elle en pleure de douleur. Mais lorsque Coyote, qui se promène non loin de là, entend cette mélodie, il tombe sous son charme. Malgré plusieurs tentatives, la pauvre colombe essaye en vain de convaincre Coyote qu'il ne s'agit pas d'un chant mais de larmes de douleur. Face à ses menaces, la colombe chante encore et encore pour que Coyote s'empare de cette "chanson" jusque chez lui. Mais Coyote est obligé de s'y reprendre à plusieurs reprises puisque plusieurs mésaventures vont lui faire oublier la mélodie en route.
Un beau conte plutôt classique avec une morale et une construction qui se rapproche du conte de randonnée. Les illustrations autour de trois couleurs sont douces et efficaces. J'ai d'ailleurs trouvé très original la symbolique du petit ruban traîné par Coyote pour emporter avec lui le chant de la colombe.
Un grand merci aux éditions Seuil jeunesse et à Babelio pour ce bel album.
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Coyote, émerveillé, lui demande :
- Chante encore pour moi s'il te plaît, ton chant est s beau !
Surprise, la petite colombe lui répond :
- Je ne chante pas, voyons, je pleurs de douleur !
Coyote se fâche :
- J’etais dans les parages à chasser. Je t’ai entendue et ton chant m’a charmé. Quel manque de respect pour mon oreille musicale de prétendre que tu ne chantais pas ! Allez, recommence, sinon je te mange !
La Télé du Salon du livre et de la presse jeunesse présente :
Qui lit, dort
Une histoire pour s'endormir et rêver de mondes secrets, inconnus ou désirés !
Ce que disent les rêves, textes de Muriel Bloch, illustrations de Fanny Michaëlis, Gallimard Jeunesse Giboulées
Interprété par la comédienne Juliette Wiatr.