Jardins de papier

Le jardin reflète la nature profonde de celui qui le crée ou le possède et, au-delà de sa personnalité, de la civilisation qui le produit. Il est nature et culture, espace et représentation, production et utopie. Il noue parle du bonheur. Il nous parle de nous. Le jardin est un miroir.

Dans Le Quartier de la Jeunesse Perdue, Roland cherche lui aussi à retrouver la trace d'un immeuble où habitait un certain Guy de Vere. Ou plus exactement, il désire savoir s'il y avait bien du lierre sur la façade de cet immeuble.
"Vous êtes incorrigible, Roland, avec votre histoire de lierre. Je vous ai connu très jeune, non ? Quel âge aviez-vous ?
- Vingt ans.
- Eh bien, il me semble que déjà, à cet âge-là, vous partiez à la recherche du lierre perdu."
Cette "recherche du lierre perdu", outre qu'elle signale plaisamment la filiation entre Marcel Proust et Patrick Modiano, symbolise ces détails qui s'accrochent à la façade trompeuse de nos certitudes et nous permettent de renouer le fil entre passé et présent. Comme la madeleine de Proust, le lierre pourrait être un catalyseur. Mais jamais, chez Modiano, le temps ne peut être retrouvé, car tout indice ne renvoie qu'à une réalité morcelée, évanouie ou inacessible. Revenir sur ses pas, c'est aller à la rencontre de la dégradation ou du néant. Le roman s'avère la quête déceptive d'un monde disparu, ou qui n'a peut être pas existé que dans l'imagination du narrateur.

Versailles fut un modèle pour toute l'Europe, un idéal architectural à atteindre, un défi politique pour les autres souverains. Du même coup, ces " jardins de l'intelligence" (Lucien Corpechot) devenaient le symbole d'une conception que les hommes de la fin du siècle et du suivant allaient rejeter, au même titre que l'esthétique classique. Il faudra attendre le XXe siècle pour que des architectes et des urbanistes tels que Le Corbusier, Henri Prost ou Gordon y voient le modèle de l'espace urbain moderne. Ils inspireront Le National Mall de Washington, le plan de Chicago ou les parterres suspendus du Rockefeller Center à New-York ainsi que de nombreuses réalisations jusqu'au "Monument aux victimes du 11 Septembre" de Peter Walker qui s'est déclaré fasciné par "le travail de Le Nôtre sur le vide". Descendance inattendue ...

Ce que je trouve exaspérant en mer, c'est que l'on n'y voit pas de fleurs. Imaginez que l'on trouve des champs de roses trémières ou de violettes en plein océan ! Ce serait tout simplement divin !
Virginia Woolf

J’écris comme je jardine. (Sand)