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Critique de Goudal


La TRES ETRANGE ACTUALITE de L'ETRANGE DEFAITE.
C'est un ami qui m'a conseillé de lire ce bouquin en pleine pandémie du covid 19. J'avais entendu parlé de Marc Bloch mais j'ignorai tout de lui et de ses écrits. Faute, erreur impardonnable. C'est un livre d'histoire capital qui devrait être enseigné et commenté au lycée et que je ne saurai vous conseiller de lire.

Au delà, du récit historique de la débâcle de 1940, c'est une clé pour appréhender notre monde actuel. Mais l'histoire ne doit-elle pas nous aider à comprendre le présent?
Marc Bloch y répond ainsi "Car l'histoire est par essence, science du changement. Elle sait et elle enseigne que deux évênements ne se reproduisent jamais tout à fait semblables, parce que jamais les conditions ne coïncident exactement. Sans-doute, reconnait-elle, dans l'évolution humaine des éléments sinon permanents du moins durables. C'est pour avouer, en même temps,la variété presque infinie de leurs combinaisons. .... Elle peur s'essayer à pénétrer l'avenir; elle n'est pas, je crois, incapable d'y parvenir. Mais ses leçons ne sont point que le passé recommence, que ce qui a été hier sera demain. " (p150-p151)

Marc Bloch est historien et officier de réserve en 1940. Il a fait la guerre de 14. A plus de 50 ans, il tient à se réengager.
Responsable de l'approvisionnement en essence, il est aux premières loges ;: proche du front et du commandement. Il décrit la défaite militaire et on est ahuri par la nullité du commandement, l'absence d'analyse, de stratégie, de moyens.Le poids de l'organisation, de la hiérarchie et l'incapacité à juger le réel : "Les Allemands ont fait une guerre d'aujourd'hui, sous le signe de la vitesse. Nous n'avons pas seulement tenté de faire, pour notre part, une guerre de la veille ou de l'avant-veille. Au moment même où nous voyions les Allemands mener la leur, nous n'avons pas su ou pas voulu en comprendre le rythme, accordé aux vibrations accélérées d'une ère nouvelle. Si bien, qu'au vrai, ce furent deux adversaires appartenant chacun à un âge différent de l'humanité qui se heurtèrent sur nos champs de bataille. "
Déjà en lisant la partie militaire, on ne peut que comparer avec ce que nous avons vécu avec la pandémie. C'est macron qui a parlé de guerre. Il suffit de remplacer les militaires par les personnels de santé. Et çà marche l'analyse est juste.

Marc Bloch n'en reste pas là. Il analyse aussi l'état, le personnel politique, les classes sociales et notamment la bourgeoisie. Il parle des mentalités de l'époque, du système d'éducation.
Non marxiste, il cite souvent Marx.
Son jugement est clair et sans appel :
"Ce n'est pas seulement sur le terrain militaire que notre défaite a eu ses causes intellectuelles. Pour pouvoir être vainqueurs, n'avions nous pas, en tant que nation, trop pris l'habitude de nous contenter de connaissances incomplètes et d'idées insuffisamment lucides ? Notre régime de gouvernement se fondait sur la participation des masses. Or, ce peuple auquel on remettait ainsi ses destinées et qui n'était pas, je crois, incapable, en lui-même, de choisir les voies droites, qu'avons nous fait pour lui fournir ce minimum de renseignements nets et sûrs, sans lesquels aucune conduite rationnelle n'est possible ? Rien en vérité. Telle fût, certainement, la grande faiblesse de notre système prétendument démocratique, tel, le pire crime de nos prétendus démocrates. Passe encore si l'on avait eu à déplorer seulement les mensonges et les omissions, coupables, certes, mais faciles en somme à déceler, qu'inspire l'esprit de parti ouvertement avoué. le plus grave était que la presse dite de pure information, que beaucoup de feuilles même, parmi celles qui affectaient d'obéir uniquement à des consignes politiques, servaient, en fait, des intérêts cachés, souvent sordides, et parfois, étrangers à notre pays. (...) Pour comprendre les enjeux d'une immense lutte mondiale, pour prévoir l'orage et s'armer dûment, à l'avance, contre ses foudres, c'était là une médiocre préparation mentale. Délibérément (...) l'hitlérisme refuse à ses foules tout accès au vrai. Il remplace la persuasion par la suggesion émotive. Pour nous, il nous faut choisir : ou faire, à notre tour, de notre peuple un clavier qui vibre, aveuglément, au magnétisme de quelques chefs (...) ; ou le former à être le collaborateur conscient des représentants qu'il s'est lui-même donnés. Dans le stade actuel de nos civilisations, ce dilemne ne souffre plus de moyen terme... La masse n'obéit plus. Elle suit, parce qu'on l'a mise en transe, ou parce qu'elle sait. "

Décrit-il la société de 1940 ou celle de 2020?
La société n'aurait-elle pas évoluer depuis 1940?
Au final, non.
Pour évoluer, il est absolument nécessaire de connaître et de tirer les conséquences du passé.
Qui a lu Marc Bloch?
Combien de profs d'histoire l'ont cité?
Cette page d'histoire est essentielle pour analyser notre société.
C'est pourquoi il faut absolument lire ce bouquin.




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