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Le noir entre les étoiles. Un titre magnifique pour un roman tout aussi poétique et énigmatique. Une réussite !

Stefan Merrill Block y scrute les retombées d'une tragédie sur une famille et plus largement sur une petite ville de l'Ouest texan : une tuerie perpétrée dans un lycée ; un adolescent timide et contemplatif, Oliver Loving, dans un état végétatif persistant suite à une lésion cérébrale traumatique. Dix ans ont passé et voilà qu'une série de tests neurologiques détecte une activité cérébrale «  normale », un niveau de conscience non altéré, qui tende à montre qu'Olivier peut entendre, percevoir et traiter les informations depuis dix ans même s'il est privé de parole et ne peut communiquer. Une déflagration pour ceux qui restent.

« Il était une fois un garçon qui tomba dans une faille temporelle, mais il n'atteignit pas le fond et une partie de lui fut retenue en arrière, de l'autre côté.(...) Ta langue est liée, tes bras réduits au silence. Au-dessous de toi, ton corps est plongé dans un sommeil profond. Et ton esprit alors ? C'est un monstre entravé, un dragon en cage qui secoue ses chaînes avec une rage impuissante. Et au moment où tu t'arc-boutes pour renouveler l'assaut contre tes liens mystérieux et invisibles, un mot prend forme au tréfonds de tes entrailles et monte vers ta poitrine avec un haut-le-coeur »

L'auteur nous offre des pages éblouissantes d'empathie qui pénètre dans l'âme jusqu'à ses tréfonds les plus intimes. Il déploie un incontestable talent pour camper des personnages brisés et superbes : Eve la mère, adoratrice muée en vigile solennelle de son fils, s'obstinant à garder espoir, rêvant à un possible miracle, survivant à coup de routine désespérée ; Jed le père qui a sombré dans l'alcool pour effacer des souvenirs douloureux, désormais en marge de l'histoire familiale ; Charlie le frère cadet qui a fui à New-York avant de se rendre compte qu'il ne pouvait échapper à la gravité familiale, un impulsif qui fait voler en éclat le précaire équilibre de la routine naïve maternelle ; Rebekkah, dont Olivier était secrètement amoureux, une des rescapée de la fusillade, celle qui a tout vu et se tait depuis, elle aussi en fuite.

Un roman avec de tels personnages est déjà un roman réussi, mais celui-ci se démarque par une construction brillante, quasi en mode thriller. L'attente concernant la capacité d'Oliver a communiqué sa famille se double d'un suspense de type thriller pour comprendre les enjeux de la fusillade, sa vérité : les secrets de chacun, les silences, les culpabilités sont tour à tour révélés, et c'est très fort pour le lecteur de découvrir les liens entre Oliver, son père, Rebekkah, le tueur et une victime de la fusillade, cela bouleverse.

Le talent de l'auteur est d'autant plus évident qu'il parvient à construire un roman à la fois très poétique et introspectif, porté par une plume intelligemment lumineuse, tout en l'ancrant dans le réel d'une ville américaine ( le drame révélant des tensions entre les différentes communautés, le tueur étant un latino ).

Un roman exigeant, ambitieux, captivant et original qui après plusieurs semaines résonne encore d'une musique obsédante.
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Le noir entre les étoiles de Stefan Merrill Block. Un titre magnifique pour un roman tout aussi magnifique.
"Il était une fois un garçon qui tomba dans une faille temporelle." Ce garçon se nomme Oliver Loving, il a 17 ans, il est allé au bal du lycée, un peu parce que son père a insisté et beaucoup dans l'espoir d'y croiser la fille qui est devenue l'étoile la plus brillante dans son bout de ciel texan, Rebekkah. Ce soir du 15 novembre restera tristement gravé dans toutes les mémoires. Hector Espina surgit dans le lycée avec un fusil d'assaut et tue trois élèves et un professeur, laissant Oliver dans un état végétatif. Nous voici 10 ans après le drame, la ville de Bliss est quasiment éteinte, la famille d'Oliver complètement éclatée. Dans la nuit noire qui a tout recouvert depuis ce fameux 15 novembre luit pourtant un petit espoir...
Quel livre magnifique ! Je suis ressortie bouleversée de cette lecture. C'est un roman d'une richesse incroyable à travers lequel l'auteur aborde des thématiques socio-politiques fortes  telles que les tueries de masses et le port d'armes, les communautés latino-américaines marginalisées quand elles ne sont pas tout simplement chassées du territoire, la situation sur la frontière entre le Texas et le Mexique. J'ai trouvé cette trame de fond extrêmement intéressante et son traitement très subtil. L'histoire principale de ce roman tourne autour d'Oliver, de sa famille et de Rebekkah. On rencontre une famille au fond du gouffre, avec une mère qui répond à des pulsions cleptomanes pour se sentir encore vivante, un père artiste ermite ravagé par l'alcool et Charlie, le frère cadet, essayant désespérément de sortir de l'ombre de son frère. Stefan Merrill Block parle avec justesse de la famille dans ces distances et ces incompréhensions que peut créer le chagrin. le temps est venu de comprendre, de se rassembler, de prendre des décisions quand survient l'espoir d'une activité cérébrale alors qu'Oliver est dans un coma profond depuis dix ans. le travail de recherche de l'auteur sur le cerveau est exceptionnel et il le restitue dans son roman avec une grande finesse. le style est éblouissant, intense, poétique et authentique, il se dégage une véritable humanité de cette histoire douloureuse.
Le noir entre les étoiles a été une lecture sublime et captivante. Ce roman est magnifiquement construit entre émotions et secrets enfouis sur fond de drame social. Un coup de coeur inoubliable !
Un grand merci à @albinmichel @terres_amerique pour m'avoir permis de lire ce grand roman et pour la rencontre fantastique avec l'auteur.
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LE NOIR ENTRE LES ÉTOILES de STEFAN MERRILL BLOCK
Texas, très proche de la frontière mexicaine dans la région de Big Bend, vit la famille Loving, Jed le père, artiste raté qui enseigne au lycée Ève la mère, Oliver son fils préféré, doué et introverti et Charlie son frère cadet. Ils vivent sur une propriété dénommée Zion's Pastures, lieu créé selon les Apaches « avec les restes de la formation du monde ». Jed est passionné d'astronomie, croit en la multiplicité des mondes et fait partager cette passion à Oliver qui se réfugie souvent dans la lecture de Science Fiction. Pendant une soirée d'observation du ciel il rencontre Rebekkah, une jeune fille dont il tombe instantanément amoureux mais sa timidité l'empêche de lui parler. Un soir une fête est organisée par le lycée, Oliver ne veut pas y aller mais son père pour le pousser à sortir lui signale que Rebekkah lui a demandé s'il y venait. Il va donc y assister et un drame va survenir, un homme d'origine mexicaine muni d'un fusil AR15 va tirer plusieurs balles, tuer 3 personnes et blesser grièvement Oliver, le reléguant dans un coma profond et durable.
Le livre commence 10 ans après les faits, Oliver est toujours dans le coma et l'auteur va explorer tous les aspects de la situation. Séparation des parents, alcoolisme du père, départ de Charlie à New York, rapports avec les équipes médicales, espoirs et frustrations…
C'est un excellent bouquin, une analyse intelligente de l'état d'Oliver devenu le lit numéro 4 de l'hôpital, puis l'enquête suite à cette »folie meurtrière », mais en en était ce bien une et, on est au Texas, les tensions violentes entre les habitants d'origine mexicaine et les autres. J'avais parlé récemment de cet auteur avec son « histoire de l'oubli » qui traitait d'Alzheimer, il compose ici les aventures d'une famille confrontée à «un garçon tombé dans une faille temporelle! ». Bouleversant.
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Peut-être le destin décide-t-il pour nous. Peut-être tout est-il écrit à l'avance, sans possibilité de s'y soustraire. Peut-être certains sont-ils nés pour ne connaître que larmes et drames.

C'est ce que l'on pourrait penser en rencontrant le personnage d'Oliver Loving. Oliver était un jeune homme comme les autres, un peu plus timide peut-être, mais entouré d'une famille dont le tempérament fantaisiste donnait des couleurs au quotidien. Oliver n'avait que 17 ans lorsqu'une balle logée en pleine tête a détruit tout cela. Son avenir, ses espoirs, ses proches. Dix ans, déjà, sont passés, lorsque l'on décide de lui faire passer une nouvelle IRM. Un événement qui réunit la famille Loving à son chevet.

Après une présentation des personnages très convaincante – qui vous fait dire que vous allez très certainement vous attacher à chacun d'eux pour ses qualités, et plus encore pour les défauts qui le rendent tellement « vrai » – j'ai redouté de ne pas réussir à entrer dans l'histoire. Crainte fondée ? Oui, et c'est dommage. Psychologiquement parlant, cette famille avait du potentiel, et la situation difficile dans laquelle elle se trouve aurait pu donner lieu à des émotions intenses. C'est précisément ce que je n'ai pas réussi à extraire du texte : l'émotion. Si on me parle tuerie dans un lycée, je pense à Elephant, à Bowling for Colombine. Il ne faut pas m'en donner moins. Les choix narratifs m'ont tenue à distance, l'évolution des relations entre les différents acteurs de ce drame m'a paru trop minime, et il m'a fallu attendre les dernières pages pour éprouver l'empathie que m'a procurée le tout début de roman. Insuffisant pour que je l'apprécie. Je suis rassurée de voir qu'il n'a pas fait l'unanimité et que nous sommes quelques-uns à partager ce sentiment : j'ai cru, un instant, que je n'avais pas de coeur ! Une belle histoire, certes, mais qui ne m'a pas donné ce que j'attendais.
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Le 15 novembre à 21h09, pendant le grand bal du lycée, un ancien élève déchargea son fusil de type AR 15 sur les élèves du club de théâtre et fit 4 morts. Oliver avait 17 ans lorsque la balle de calibre 22 l'a plongé dans le coma. En faisant éclater le cerveau d 'Oliver, la balle a aussi désintegré sa famille.
Dix ans ont passé, Oliver est toujours dans un état végétatif, Jed, le père obscur peintre et sculpteur à ses heures, s' est réfugié dans l'alcool. Charlie, le second fils est parti vivre à New York où il tente d'écrire un livre sur son frère. Eve, la mère vivote, cleptomane, passant ses journées au chevet de son fils. L'auteur met en lumière les différents protagonistes de l'histoire, chacun à son tour. Au fil du roman, on note que les comportements évoluent un peu, quand Oliver doit subir une nouvelle Irm, les membres de la famille reprennent contact, l'irm fait effet de catalyseur, tout le monde se retrouve au pied du lit pour attendre ce nouveau diagnostic.
J'ai apprécié ce roman douloureux sur la désintégration d'une famille, le sujet est traité avec sensibilité, sans pathos. Outre la vie d'Olivier, c'est la vie de tous les membres qui est détruite, ils sont des survivants et tant qu'Oliver gît sur son lit entre deux mondes, les parents sont dans l'attente, leur vie suspendue, ils ne peuvent pas passer à autre chose ni commencer leur deuil.
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Fasciné par la neurologie, Stefan Merrill Block aborde le problème du syndrome de locked-in en la personne d'Oliver Loving, un adolescent victime d'une fusillade dans son lycée.
Si l'auteur-narrateur ( son frère) s'adresse à lui en employant le tu, c'est toute la famille qui est confrontée au drame qui dure depuis 10 ans déjà. Une famille éclatée par cette tragédie et qui exprime tour à tour son désarroi, son questionnement devant le mystère des circonstances, ses espoirs et ses regrets.

Mais c'est aussi Rebekkah, la jeune fille solitaire dont il était secrètement amoureux ; l'enquêteur mexicain qui ne peut lâcher l'enquête; le coupable, un ancien élève du lycée et les enseignants de ce lycée.

Tout en nous plongeant dans cette famille déchirée et dans l'espoir fou d'une mère qui veut retrouver son fils, l'auteur brosse le portrait d'une petite ville du Texas sur fond de racisme envers les Mexicains, évoque les problèmes d'un système de santé défaillant aux États-Unis, aborde, sans jamais la nommer, la question de l'euthanasie et nous livre avec poésie des metaphores astronomiques comme ce noir entre les étoiles dans lequel est précipité Oliver.
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Dix ans après une tuerie dans son lycée alors qu'il avait 17 ans, Oliver Loving est toujours dans le coma. Sa famille a explosé après la tuerie : Jed, le père, s'est enfoncé dans une solitude alcoolisée ; Eve, la mère, ne vit plus que dans l'espoir de voir Oliver revenir à lui, négligeant Charlie, le fils qui lui reste. Ce dernier est parti vivre à New York afin de devenir écrivain : il espère exorciser la souffrance en couchant sur le papier l'histoire d'Oliver. Tous les espoirs semblent permis lorsqu'une IRM découvre des signes de conscience dans le cerveau d'Oliver. le jeune homme est-il toujours inconscient, ou bien prisonnier de son corps, souffrant d'un locked-in syndrome ? l'espoir permettra-t-il à la famille de se ressouder ?
Ce très beau roman alterne les points de vue ; les pensées des personnages sont livrées à la troisième personne, sauf pour Oliver, que le narrateur tutoie (ceci nous permet de remettre les choses en perspectives à la fin du roman…)
La poésie est très présente dans l'écriture, à travers notamment des métaphores liées au ciel : Oliver est tombé dans « un trou noir » ; le noir semble symboliser la mort, les étoiles la vie, Oliver étant dans un entre-deux. le combat d'Oliver entre la vie et la mort est omniprésent : il est « coupé en deux », « à cheval entre deux mondes ».
L'idée de la frontière prend aussi dans le roman une dimension géographique, car l'action est située non loin de la frontière entre le Texas et le Mexique : le roman évoque avec délicatesse mais insistance le drame des migrants fuyant les cartels, le racisme dont ils sont victimes aux Etats-Unis. Ils sont incarnés en la personne de Manuel Paz, très beau personnage de flic qui cherche à comprendre la cause du drame, afin de calmer la haine des habitants vis-à-vis de sa communauté, dont est issu le tueur.
Un autre thème prédominant du roman est la communication : chacun se reproche les mots malencontreux qu'il a dits, ou ceux qu'il a tus, les secrets terribles qu'il aurait dû dévoiler. Tous semblent persuadés que la catastrophe aurait pu être évitée s'ils avaient su parler ou écouter au bon moment.
Et bien sûr, le roman pose la question de l'acharnement thérapeutique et de la difficulté de faire le deuil d'un enfant : est-il juste de laisser Oliver dans le coma depuis 10 ans ?
C'est un roman magnifique et bouleversant, qui ne verse jamais dans le pathos, mais restera longtemps dans mon coeur. Un grand bravo à Marina Boraso, qui a su traduire en français la beauté de l'écriture. Florence
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Le noir entre les étoiles
Stefan MERRILL BLOCK

Oliver Loving a 17 ans lorsqu'il reçoit une balle de calibre 22. qui le laisse dans le coma.
Cette balle reçue est celle tirée par Hector Espina un élève de son lycée.
C'est d'ailleurs dans ce lycée, le jour du bal de fin d'année qu'il commettra cette tuerie.
Parmi les morts il y a des camarades et un professeur.
Et parmi les survivants il y a surtout Rebekkah. Celle qu'Oliver aime.

10 ans de coma plus tard la famille Loving est détruite : le père est alcoolique et mutique, la mère kleptomane et omniprésente au chevet de son fils et Charlie le frère d'Oliver est absent car il a fuit loin de cette situation douloureuse.

Lors d'un nouvel examen d'évaluation des fonctions neurologiques d'Oliver une zone semble réagir mettant alors toute la famille en ébullition sur le devenir d'Oliver.
Mais le mutisme, la surdité et l'aveuglement de son entourage proche comme élargi va nous plonger dans une infinie désolation.
Celle des « si j'avais dit » « si j'avais écouté » « si j'avais vu »...

Un très bon roman avec une belle écriture sur un sujet pourtant difficile.
J'ai beaucoup aimé les chapitres narrés tours à tours par les différentes protagonistes.
Ainsi que les révélations distillées de façon subtiles.
Un bien beau moment de lecture.
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Se plonger dans une des dernières parutions de la collection Terres d'Amérique des éditions Albin Michel est toujours pour moi prémisse de lecture époustouflante et celle-ci ne déroge pas à la règle.

Ce n'est pourtant pas un sujet facile, une fusillade dans un lycée, thème souvent abordée dans la littérature américaine, un pays tellement armé qu'il est souvent au proie de telles dérives mortelles, mais Stefan Merrill Block l'aborde avec une extrême délicatesse et nous offre un récit bouleversant.

C'est à travers les voix de ceux qui restent que l'on découvre cette histoire, notamment Eve la mère d'Oliver, présente chaque jour auprès de son fils.

Les dommages collatéraux n'ont pas épargné les membres de cette famille, et chacun à sa manière tente de survivre à ce traumatisme et entame le long processus de résilience.

Chacun essaie de comprendre en se remémorant cette soirée où leurs vies a basculé sans pouvoir éviter de culpabiliser.

Et lorsque Oliver se manifeste par le pouvoir de ses pensées c'est on peu plus émouvant.

Stefan Merrill Block nous offre un second roman ambitieux, captivant, emplit d'humanité d'amour et d'espoir, absolument déchirant.

Une lecture marquante, et une plume remarquable qui m'a follement envie de découvrir l'Histoire de l'oubli, son premier roman.

Un énorme coup de coeur.

Chronique complète sur mon blog, lien ci-dessous
Lien : https://dealerdeligne.wordpr..
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Il y a dix ans, Hector Espina ouvre le feu dans le lycée d'une petite ville du Texas faisant plusieurs morts et un blessé grave. Pas vraiment vivant, mais pas tout à fait mort, Olivier Loving est, depuis ce drame, plongé dans le coma. Une vie en suspens, entre l'espoir d'une mère qui refuse de lâcher prise et le dépit du corps médical qui a arrêté de croire à un potentiel miracle, du moins, jusqu'à ce qu'un examen vienne semer le doute…

Derrière ce drame qui relance l'éternel débat américain sur la libre circulation des armes, l'auteur aborde avec beaucoup de sensibilité et de retenue, cette question délicate de la vie et de la fin de vie, de l'acharnement thérapeutique, et de cet amour familial qui, sans le vouloir, dévie et flirte dangereusement avec la maltraitance... Garder espoir malgré les avis médicaux pessimistes et se raccrocher au moindre geste, même automatique, semble terriblement humain, mais quand devient-il nécessaire d'accepter l'inacceptable et de laisser partir un corps qui abrite les derniers fragments et vestiges d'une vie qui n'est plus ?

Il n'y pas de réponse idéale ou toute faite, chaque situation étant différente… Mais plus les pages défilent, plus on en vient à se demander ce qui serait le pire : que le corps d'Olivier ne soit qu'une coquille maintenue artificiellement en vie depuis une décennie ou que l'esprit de l'adolescent ait été présent, même par intermittence, dans cette prison de chair et de sang infranchissable dans laquelle il aurait été emmuré vivant et impuissant… Et si Olivier pouvait faire entendre sa voix, que préférait-il : qu'on le maintienne en vie coûte que coûte ou qu'on le laisse enfin partir ? Une question qui hante le lecteur et qui, petit à petit, vient faire son chemin dans le coeur de sa famille…

L'auteur n'émet jamais de jugement de valeur sur tel et tel comportement, mais fait défiler sous nos yeux le passé et le présent d'une famille touchée par un drame dont il est bien difficile de se relever. Il alterne ainsi les points de vue et les époques nous permettant de prendre toute la mesure des douleurs, des désillusions, des espoirs, des secrets, des peines, des doutes, des forces et des faiblesses de personnes ni pires ni meilleures que les autres… La famille Loving n'était pas une famille foncièrement heureuse, mais elle n'était pas non plus malheureuse. Juste une famille américaine moyenne vivant dans une ville entachée par un racisme latent et toléré…

La tuerie du 15 novembre, en plus d'avoir endeuillé des familles, a marqué la mort d'une ville entière devenue ville fantôme. Certaines personnes ont ainsi instrumentalisé ce lugubre événement pour distiller haine, peur et rancoeur envers les non-blancs qui ont fini par quitter cette terre inhospitalière… L'origine du tueur a donc servi de détonateur à une situation déjà explosive et marquée par de fortes tensions entre la communauté blanche et la communauté hispanique. Mais n'est-ce pas trop facile et réducteur d'imputer un acte aussi barbare que l'assassinat prémédité de personnes sans défense à l'origine ethnique d'une personne ? Quelle est la vraie raison de ces meurtres ? Y en a-t-il vraiment une ? le drame aurait-il pu être évité ? Quelques questions, parmi d'autres, qui vous feront tourner les pages rapidement d'autant que l'auteur distille au compte-gouttes les informations permettant de recoller les morceaux du puzzle.

En parallèle, grâce à des retours dans le passé, on apprend à mieux connaître Olivier, un bon fils proche de sa mère, un adolescent timide, sensible, réservé, poète et quelque peu rêveur. Lors des passages qui lui sont consacrés, l'auteur s'adresse à lui avec un « tu » qui donne corps à cet adolescent, jamais devenu homme, qui nous semble déjà loin… Se dévoile aussi sa famille, une famille qui s'est délitée sous le poids de la douleur : un père dont le coma de son aîné a aggravé l'alcoolisme, une mère dévouée mais centrée sur le fils qui lui échappe sans considérer celui qui lui reste, et un frère, Charlie, dont la tentative d'émancipation à New York ne semble pas lui avoir apporté la paix à laquelle il aspirait. Mais comment prendre de la distance avec l'histoire familiale quand sa seule ambition dans la vie est de la retranscrire dans un roman ?

Le dialogue entre les différents membres de cette famille n'est pas toujours aisé, mais l'on comprend que chacun d'entre eux a sa propre manière d'affronter la situation. Entre dévotion quasi obsessionnelle et comportements compulsifs, fuite ou apparente indifférence, les réactions sont variées et parfois déroutantes pour le témoin extérieur… Si j'ai ressenti un profond sentiment d'empathie pour cette famille, je ne me suis pas sentie reliée à elle, peut-être parce que l'auteur garde une certaine distance avec ses personnages. Cela se traduit par une narration puissante, poétique, imagée, mais qui ne verse jamais dans le pathos ni dans le sentimentalisme. Cette distanciation volontaire m'a semblé nécessaire pour supporter une histoire qui peut se révéler intense et difficile même si la lumière n'est jamais loin de l'obscurité.

En conclusion, en alternant les points de vue et en faisant des allers-retours réguliers entre présent et passé, Stefan Merrill Block nous offre un texte d'une profonde humanité mettant en parallèle les espoirs et les désillusions d'une famille dispersée par le drame et la dislocation d'une ville gangrénée par la haine et la méfiance. La résilience, le questionnement autour de la notion de vie et de fin de vie, les relations familiales, le racisme… sont au coeur d'une histoire émouvante et puissante qui devrait vous faire réfléchir et vous toucher au plus profond de vous-mêmes. Intense, poétique et brutal à la fois, voici un roman que je ne suis pas prête d'oublier !

Lien : https://lightandsmell.wordpr..
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