A l'école
Denis Diderot comme ailleurs en ce mois de juin 1975, la crise pétrolière bat son plein et l'on attend les vacances. Sept ans après mai 1968, l'ancien monde léthargique cesse lentement de ronronner, notamment sous la poussée des femmes qui veulent casser l'inéluctabilité du schéma maternel ou sous la pression de pédagogues « freinetiques » qui rêvent de dépoussiérer l'éduc nate. Non sans peine en raison de fortes résistances, des initiatives audacieuses voient timidement le jour.
Jean-Philippe Blondel nous raconte une tranche d'histoire récente par le petit bout de la lorgnette en mettant le focus sur un microcosme qu'il connaît bien, celui de l'enseignement, tout en étant certain de séduire un grand nombre de lecteurs, puisque chacun d'entre nous a des souvenirs d'enfance, d'école, de vacances, de maîtres ou professeurs marquants... On est en plein dans la madeleine proustienne de la marque « petit écolier », créneau littéraire vintage fort astucieux.
L'auteur évoque un monde qui plus encore dans les circonstances actuelles de désastre planétaire, apparaît irrémédiablement perdu. Il rappelle avec nostalgie le temps révolu où l'on respectait les enseignants, où l'Etat n'hésitait pas à mettre à la disposition de ceux qui subissaient des mutations à des centaines de kilomètres de leur région, un logement de fonction pour compenser la modestie de leur salaire (les plus mal payés de l'Europe des 27).
La grande escapade est certes agréable à lire, mais j'ai trouvé le trait un peu forcé et l'ensemble superficiel ; les parenthèses supposées contenir une précision ou un trait d'humour sont surabondantes, souvent un peu lourdes ; les poncifs sont nombreux, l'auteur réussit parfois à en faire entrer, en les tassant bien, plusieurs dans la même phrase : sur les gauchers contrariés, sur les hommes que l'on ne garde que grâce à la cuisine ou au sexe, sur les soixante-huitards rentrés dans le rang, sur les vacances à Saint-Gilles-Croix-de-Vie en 204, sur les fainéants de l'éducation nationale qui passent leur vie en congés, sur l'anonymat des cités dont parle si bien
Roger Gicquel, sur le coca emblème de l'impérialisme américain. Un catalogue de stéréotypes usés jusqu'à la corde... Et puis, avant, les hivers étaient plus rudes et les étés plus chauds, mais ça c'était avant. Avant quoi ?
Laurent Cabrol nous disait pourtant bien tous les jours sur toutes les chaines accessibles que c'était normal ces quelques extrêmes de températures et tout le monde croyait ce menteur. Par ailleurs, ce n'est qu'un détail anachronique, en 1975, personne ne pouvait « être bluffé », ce machin barbare étant apparu récemment. Même les prénoms et noms de famille sentent bon la province et les confins, la caricature a ses limites.
Au final, une lecture qui me conforte dans l'idée que pour bien capter l'atmosphère et l'authenticité d'une époque, il vaut peut-être mieux lire un roman contemporain de cette époque plutôt qu'une reconstitution élaborée à distance. Mais ce n'est bien évidemment que mon modeste avis comme dit...