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EAN : 9782743614065
410 pages
Payot et Rivages (15/04/2005)
4.01/5   79 notes
Résumé :
Obtenir enfin le mutisme du Bourgeois, quel rêve ! L'entreprise, je le sais bien, doit paraître fort insensée. Cependant je ne désespère pas de la démontrer d'une exécution facile et même agréable. Le vrai Bourgeois, c'est-à-dire, l'homme qui ne fait aucun usage de la faculté de penser et qui vit ou parait vivre sans avoir été sollicité, un seul jour, par le besoin de comprendre quoi que ce soit, est nécessairement borné dans son langage à un très petit nombre de fo... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Si vous aimez la littérature vacharde et assassine, ce livre est fait pour vous!

Léon Bloy passe en revue 183 expressions toutes faites qu'utilise le bourgeois pour combler le vide abyssal de son esprit. (Et "bourgeois" n'est pas à entendre dans un sens étroitement socio-économique mais comme une sorte de catégorie mentale.) "Le vrai Bourgeois, dit-il, c'est-à-dire, l'homme qui ne fait aucun usage de la faculté de penser et qui vit ou paraît vivre sans avoir été sollicité, un seul jour, par le besoin de comprendre quoi que ce soit, est nécessairement borné dans son langage à un très petit nombre de formules." Un peu à la manière de Flaubert dans son "Dictionnaire des idées reçues", il met à nu les phrases creuses que ledit bourgeois, tel un perroquet, se plaît à étaler dans sa conversation, se donnant ainsi l'illusion de cogiter.
Sont ainsi disséqués des clichés de ce genre:

- le Mieux est l'ennemi du Bien
- Les affaires sont les affaires
- Toutes les opinions sont respectables
- Être poète à ses heures
- Il faut être de son siècle
- Tous les goûts sont dans la nature
- L'argent ne fait pas le bonheur
- Il ne faut pas jouer avec le feu
- À quelque chose malheur est bon etc.. etc..

Ennemi irréductible du "juste milieu", celui qui n'hésitait pas à se surnommer "le pèlerin de l'Absolu" fait ressortir la médiocrité profonde, voire l'inanité fondamentale de tous ces stéréotypes.
Il fouaille et pourfend, avec une verve quasiment unique dans notre littérature, l'imbécile sans conscience dont tant de poncifs tiennent lieu d'idées... (Il n'est pas étonnant qu'il ait été apprécié, quelques décennies plus tard, par un autre pamphlétaire de génie: Louis-Ferdinand Céline...)
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Exégèse des lieux communs /Léon Bloy

« le mieux est l'ennemi du bien ». Une expression qui en seconde analyse aboutit au paradoxe suivant. Qu'est-ce que l'ennemi du Bien, sinon le Mal ? Donc, le Mieux et le Mal sont identiques.
Ainsi commence cette oeuvre complexe et provocatrice qu'est l'Exégèse des lieux communs de Léon Bloy, un ouvrage qui reflète bien la pensée et le style littéraire très personnel de l'auteur, un écrivain catholique fervent dont la foi imprègne toute son oeuvre (Voir le Désespéré). Écrivain engagé, Bloy aborde en filigrane les questions de justice sociale, de pauvreté et d'injustice, critiquant violemment la bourgeoisie indifférente aux souffrances des plus démunis. Un véritable livre pamphlet au style magnifique, acerbe, parfois ironique et toujours polémique.
Dans ce recueil de réflexions, Léon Bloy met l'accent sur la foi bien sûr, la moralité et se livre à une critique sans concession de la société de son temps. Pour lui, tous ces lieux communs de nature bourgeoise sont d'une stupidité, reflet d'une société matérialiste et cupide qui s'abrite derrière une pseudo-morale dénuée de toute charité.
Au fil des pages, l'auteur remet souvent en question les idées reçues et les clichés qui prévalent dans la société, les critique et même les déconstruit avec passion d'une façon assez provocatrice. Pour Bloy, la sottise de la classe bourgeoise transparait dans ces expressions toutes faites que d'aucuns sortent à n'importe quelle occasion. Au lieu d'utiliser sa faculté de penser, le bourgeois se contente d'un répertoire limité de formules toutes faites que Bloy va décortiquer et anéantir en poussant la formule au terme de sa logique pour en montrer l'imbécillité et parfois la perversité.
Paru en 1902, ce livre fait partie des oeuvres majeure de Léon Bloy avec le Désespéré. Sa lecture demande de l'attention et je pense qu'il est judicieux de la faire de façon aléatoire en choisissant un thème de lieux communs. En tout cas, une lecture jubilatoire à effectuer à petite dose pour en apprécier la saveur notamment du style recherché et soutenu.
Extraits :
« Lorsqu'un notaire affirme que « les enfants ne demandent pas à venir au monde », cela ne peut signifier pratiquement que deux choses : ou qu'il faut renoncer à en faire, ou qu'il faut les tuer avant qu'ils naissent, dans l'intérêt des familles et dans l'intérêt bien compris des hoirs. »

« Je suis comme Saint Thomas. »
« Il y a une chose très belle qu'on ne dit pas. C'est que le disciple a dépassé le maître et que le Bourgeois est beaucoup plus grand que Saint Thomas. Son admirable supériorité consiste, en effet, à ne pas croire, même après avoir vu et avoir touché. »

« L'excès nuit en tout. »
« Par surcroît de bonheur pour lui, sa femme était morte, l'attendant désormais au ciel après l'avoir, trente ans, cocufié sur terre. »

« Il n'y a que la vérité qui blesse. »
« le Bourgeois, il n'y a que la Vérité qui l'offense. le mensonge ne l'offense pas, ne l'offensera jamais. C'est une espèce d'oncle dont il espère toujours hériter et pour lequel il n'a pas assez de caresses. »

« Pour le Bourgeois, l'argent ne fait pas le bonheur, surtout lorsqu'il est absent ! »

« On ne meurt qu'une fois ! Autant dire qu'on ne vit qu'une fois et c'est déjà trop quand on est un imbécile ou un malfaisant. »

« À quelque chose malheur est bon. le malheur des autres, cela va sans dire pour le Bourgeois. Il n'y a même que cela de bon. le bonheur des uns ne fait pas le bonheur des autres. »

« le mariage est une loterie. On a cru longtemps que c'était un sacrement. Depuis le divorce, nous savons que c'est une loterie, heureusement renouvelable ! »

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Ah les proverbes ! « Personne n'est pas parfait. », « Être dans les nuages », « L'argent ne fait pas le bonheur… mais il y contribue ! », « Les absents ont toujours tort »... On les connait tous. On les utilise souvent. Parfois plus pour comme une sentence, une sanction à l'adresse d'un individu pour lui stipuler qu'il a tort ou qu'il a raison. Bref, des mots pratiques, utiles, pour les gens qui n'ont pas envie de penser. Et justement, Bloy, il a eu envie de décortiquer tout cela à sa sauce : celle du fou furieux catholique intransigeant et mystique. Sa mission est simple : expliquer, révéler le vide immense de ces proverbes qui se rattachent à l'esprit Bourgeois pour montrer finalement que tout ce petit monde moderne qui s'est construit sur les ruines du moyen-âge est médiocre, hypocrite, malhonnête. Inutile de dire que c'est un régal à lire, Bloy sait écrire et ses critiques sur certains proverbes s'avèrent assez juste et très actuelles. Il se permet même de faire de l'humour ! A lire donc, sauf pour les allergiques aux références religieuses catholiques, mais c'est aussi ce qui fait le charme de Bloy au fond : une sacrée haine, une "sainte colère".
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Commencé avec jubilation, dans le plaisir de ce jeu sur les expressions-toutes-faites, de leur décorticage, retournement, de cette mauvaise foi, souvent.
Et puis au bout d'un temps, retrouvé ce qui m'avait, aux temps anciens, quand j'avais tenté de lire Bloy, découragé, ma difficulté à supporter ce fou de Dieu, et sa haine qui finit par dissiper le sel de la satire, haine non pas tant contre le Bourgeois mais contre la science, la raison (un peu l'impression de lire le pape actuel s'il avait plus de colère et d'esprit), que, curieusement, il choisit d'incarner en ce personnage, ce qui me semble contestable, au moins en bloc, à moins de penser qu'elles se réduisent à l'image que peuvent en avoir des sots.
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Passés les feux d'artifices d'ouverture, le livre devient progressivement assez ennuyeux et les vitupérations répétitives finissent par lasser. L'épée vengeresse s'émousse, le tonnerre devient éructation, les flammes de l'enfer feu follet.
A lire donc surtout pour le ton et le style caractéristiques de l'époque car, pour le reste, Léon Bloy ne s'embarrasse guère de cohérence et sa verve ne tient pas sur la durée.
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Citations et extraits (48) Voir plus Ajouter une citation
Les pensées de derrière la tête.
On dit qu'un homme a des pensées de derrière la tête quand il ne dit pas tout ce qu'il pense ou tout ce qu'il veut. C'est un cas très ordinaire et rien d'exceptionnel n'est signifié par cette expression. Celui qui dirait tout ce qu'il pense et déclarerait toutes ses intentions n'aurait que des pensées de devant la tête, des pensées de façade, si on peut dire et serait une sorte de monstre. Sa tête ressemblerait à une maison impossible, sans hauteur ni profondeur, sans toit, sans cave, sans escalier, sans propriétaire, où on ne pourrait s'étendre pour dormir qu'en mettant ses pieds et même ses jambes hors de la fenêtre, au scandale des personnes élégantes ou raisonnables qui passeraient dans la rue. On ne peut imaginer rien de plus absurde. En supposant qu'une telle demeure parût habitable à des malheureux accoutumés à l'étalage de leur misère, comment des gens dignes d'estime, n'ayant rien à se reprocher, pourraient-ils supporter de s'offrir en spectacle à tous ceux qui seraient tentés de regarder dans leur intérieur ?
Un homme qui a des pensées de derrière la tête, au contraire, est simplement un individu sensé, habitant une maison bien aménagée, pourvue, par conséquent, d'un endroit retiré où il lui soit loisible de penser en sécurité, et d'un autre endroit, peu éloigné du premier, où il puisse obéir à certains appels de la nature, sans que personne en soit informé. L'idéal serait qu'il n'y eût qu'un seul endroit pour les deux fonctions qui paraissent avoir, dans ce cas, une mystérieuse et profonde conformité. Les spéculateurs et les sociologues me comprendront !
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La science.
Et voilà le labarum* des imbéciles. La science ! Avant le vingtième siècle, la médecine pour ne parler que de cette gueuse, n'avait aucun besoin de la science et daignait à peine s'en recommander. Depuis fort longtemps, elle croupissait dans les déjections de ses malades. Maintenant elle piaffe dans sa propre ordure. La putréfaction se plaignait de n'avoir pas son prophète. Alors Pasteur est venu, Pasteur au nom doux et mélibéen, et le Microbe, en retard de soixante siècles sur la création, est enfin sorti du néant. Quelle révolution ! À partir de lui, tout change. La recherche de la petite bête remplace l'ancien esprit des Croisades. On ne connaît plus que la science, et chaque matassin revendique son animalcule. Tous les sérums, toutes les pestes liquides, tous les écoulements des morts, tout ce qui se passait naguère au fond des sépulcres, est aujourd'hui restitué à la lumière, préconisé, mobilisé, injecté, avalé. La rage, la tuberculose et le choléra sont devenus des apéritifs ou des pousse-café. Le moujick** de la bande vient de découvrir même un jus contre la vieillesse. Il ne tient qu'aux parents d'avantager leurs enfants de quarante ferments d'infection, dès le berceau, et de faire de leurs corps des vases de purulence. Ils sont à l'Institut Pasteur tout un lot de citoyens utiles exclusivement voués à la recherche des moyens de pourrir.
Bloy Léon, * labarum : Étendard romain, qui consistait en une longue lance, surmontée d'un bâton qui la traversait à angles droits, d'où pendait une riche pièce d'étoffe couleur de pourpre et quelquefois enrichie de pierres précieuses ; jusqu'au temps de Constantin le Grand, elle portait la figure d'une aigle ; mais ce prince fit mettre à la place une croix avec un chiffre qui exprimait le nom de Jésus, à la suite, dit-on, d'une apparition dans les nues qui lui montrait ce signe et lui annonçait la victoire s'il l'adoptait (Littré)
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Mettre un peu d'argent de côté.
En mettant un peu d'argent de côté, vous préparez votre avenir et vous donnez aux pauvres un exemple infiniment plus précieux que toutes les aumônes. Croyez-moi, fussiez-vous très riche, il faut mettre un peu d'argent de côté. Si vous rencontrez un miséreux, un mourant de faim que sauverait le don de quelque monnaie, il se peut, le coeur de l'homme étant fragile, que vous vous sentiez ému. Prenez garde, c'est le moment de l'épreuve, c'est l'heure de la tentation redoutable. Soyez généreux et refusez avec énergie. Souvenez-vous que le premier de tous vos devoirs est de mettre de l'argent de côté et que l'ombre de Benjamin Franklin vous regarde.
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Être à cheval sur les principes.


Genre d’équitation exclusivement à l’usage du Bourgeois. C’est le plus sûr qu’on connaisse. Il est même inouï que le cavalier ait été désarçonné. Mais aussi, quels principes admirablement dressés ! Monture d’autant plus aimable qu’elle ne coûte rien et qu’elle vient d’elle-même trouver le cosaque !

La bicyclette et l’automobile sont surpassées, car ces principes-là vont encore plus vite, et ils écrasent mieux, d’une manière plus satisfaisante, plus irrémédiable. Ils ne broient pas seulement les corps des faibles et des innocents privés de défenseurs. Ils broient aussi et surtout leurs âmes.

Les principes que monte le Bourgeois sont d’inégalables, d’indépassables coursiers de la mort et il les loge dans l’écurie de son cœur.
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Être de bonne foi.

— Je suis de bonne foi. J’ai tué mon père de bonne foi. J’ai cru lui rendre service. Je le crois encore. Il s’ennuyait de vivre, depuis longtemps, et tous les voisins pourront vous dire que c’était un vieillard très difficile.

Mettez-vous à ma place, messieurs les jurés, que pouvais-je faire ? Avais-je un autre moyen de lui prouver mon affection ? Appartenant à un autre siècle, il me blâmait de faire la noce, ne comprenant pas qu’on ne saurait être de bois et qu’il faut que jeunesse se passe. Impossible de s’entendre.

Avec ça, j’avais besoin d’argent. De toutes manières, pour lui et pour moi, il était préférable d’en finir. Oh ! il n’a pas souffert, allez ! Je l’ai abattu d’un seul coup, avec la plus grande humanité, n’étant pas de ceux qui se plaisent à faire souffrir. Si tout le monde faisait comme moi, on s’embêterait moins et les vaches seraient mieux gardées.
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Videos de Léon Bloy (13) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Léon Bloy
http://le-semaphore.blogspot.fr/2015/.... Le 29 novembre 2015 - pour l'émission “Les Racines du ciel” (diffusée tous les dimanches sur France Culture) -, Leili Anvar s'entretenait avec François Angelier, producteur de “Mauvais genres” à France Culture, chroniqueur au Monde, auteur de nombreux ouvrages parmi lesquels on peut citer le “Dictionnaire Jules Verne” (Pygmalion, 2006) et le “Dictionnaire des voyageurs et explorateurs occidentaux” (Pygmalion, 2011). Il vient de publier “Bloy ou la fureur du juste” (Points, 2015), essai dans lequel il revient sur la trajectoire de Léon Bloy, qui ne cessa, entre la défaite de 1870 et la Première Guerre mondiale, de clamer la gloire du Christ pauvre et de harceler sans trêve la médiocrité convenue de la société bourgeoise, ses élites et sa culture. Catholique absolu, disciple de Barbey d'Aurevilly, frère spirituel d'Hello et de Huysmans, dévot de la Notre-Dame en larmes apparue à La Salette, hanté par la Fin des temps et l'avènement de l'Esprit saint, Léon Bloy, écrivain et pamphlétaire, théologien de l'histoire, fut un paria des Lettres, un « mystique de la douleur » et le plus furieux invocateur de la justice au coeur d'une époque dont il dénonça la misère sociale, l'hypocrisie bien-pensante et l'antisémitisme. Bloy ou le feu roulant de la charité, une voix plus que présente - nécessaire. Photographie : François Angelier - Photo : C. Abramowitz / Radio France. François Angelier est aussi l'auteur de l'essai intitulé “Léon devant les canons” qui introduit “Dans les ténèbres”, livre écrit par Léon Bloy au soir de sa vie et réédité par Jérôme Millon éditeur.
Invité : François Angelier, producteur de l’émission « Mauvais Genres » à France Culture, spécialiste de littérature populaire
Thèmes : Idées| Religion| Leili Anvar| Catholicisme| Mystique| Douleur| Littérature| François Angelier| Léon Bloy
Source : France Culture
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