Exégèse des lieux communs /
Léon Bloy
« le mieux est l'ennemi du bien ». Une expression qui en seconde analyse aboutit au paradoxe suivant. Qu'est-ce que l'ennemi du Bien, sinon le Mal ? Donc, le Mieux et le Mal sont identiques.
Ainsi commence cette oeuvre complexe et provocatrice qu'est l'
Exégèse des lieux communs de
Léon Bloy, un ouvrage qui reflète bien la pensée et le style littéraire très personnel de l'auteur, un écrivain catholique fervent dont la foi imprègne toute son oeuvre (Voir
le Désespéré). Écrivain engagé, Bloy aborde en filigrane les questions de justice sociale, de pauvreté et d'injustice, critiquant violemment la bourgeoisie indifférente aux souffrances des plus démunis. Un véritable livre pamphlet au style magnifique, acerbe, parfois ironique et toujours polémique.
Dans ce recueil de réflexions,
Léon Bloy met l'accent sur la foi bien sûr, la moralité et se livre à une critique sans concession de la société de son temps. Pour lui, tous ces lieux communs de nature bourgeoise sont d'une stupidité, reflet d'une société matérialiste et cupide qui s'abrite derrière une pseudo-morale dénuée de toute charité.
Au fil des pages, l'auteur remet souvent en question les idées reçues et les clichés qui prévalent dans la société, les critique et même les déconstruit avec passion d'une façon assez provocatrice. Pour Bloy, la sottise de la classe bourgeoise transparait dans ces expressions toutes faites que d'aucuns sortent à n'importe quelle occasion. Au lieu d'utiliser sa faculté de penser, le bourgeois se contente d'un répertoire limité de formules toutes faites que Bloy va décortiquer et anéantir en poussant la formule au terme de sa logique pour en montrer l'imbécillité et parfois la perversité.
Paru en 1902, ce livre fait partie des oeuvres majeure de
Léon Bloy avec
le Désespéré. Sa lecture demande de l'attention et je pense qu'il est judicieux de la faire de façon aléatoire en choisissant un thème de lieux communs. En tout cas, une lecture jubilatoire à effectuer à petite dose pour en apprécier la saveur notamment du style recherché et soutenu.
Extraits :
« Lorsqu'un notaire affirme que « les enfants ne demandent pas à venir au monde », cela ne peut signifier pratiquement que deux choses : ou qu'il faut renoncer à en faire, ou qu'il faut les tuer avant qu'ils naissent, dans l'intérêt des familles et dans l'intérêt bien compris des hoirs. »
« Je suis comme Saint Thomas. »
« Il y a une chose très belle qu'on ne dit pas. C'est que le disciple a dépassé le maître et que le Bourgeois est beaucoup plus grand que Saint Thomas. Son admirable supériorité consiste, en effet, à ne pas croire, même après avoir vu et avoir touché. »
« L'excès nuit en tout. »
« Par surcroît de bonheur pour lui, sa femme était morte, l'attendant désormais au ciel après l'avoir, trente ans, cocufié sur terre. »
« Il n'y a que la vérité qui blesse. »
« le Bourgeois, il n'y a que la Vérité qui l'offense. le mensonge ne l'offense pas, ne l'offensera jamais. C'est une espèce d'oncle dont il espère toujours hériter et pour lequel il n'a pas assez de caresses. »
« Pour le Bourgeois, l'argent ne fait pas le bonheur, surtout lorsqu'il est absent ! »
« On ne meurt qu'une fois ! Autant dire qu'on ne vit qu'une fois et c'est déjà trop quand on est un imbécile ou un malfaisant. »
« À quelque chose malheur est bon. le malheur des autres, cela va sans dire pour le Bourgeois. Il n'y a même que cela de bon. le bonheur des uns ne fait pas le bonheur des autres. »
« le mariage est une loterie. On a cru longtemps que c'était un sacrement. Depuis le divorce, nous savons que c'est une loterie, heureusement renouvelable ! »