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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
L'avantage quand tu es insomniaque, c'est que du coup, tu as toute une nuit devant toi pour réfléchir à des problématiques existentielles.

Citons pêle-mêle :

- Si j'épile mon cactus, est-ce qu'il meurt ?
- Si José Bové ne portait pas la moustache, le vénèrerais-je comme je le fais déjà ?
- Si j'avoue à Bonne-Maman que c'est moi qui ai mis des gommettes sur les touches en ivoire de son vieux piano, est-ce qu'elle me tue ?

Mais en journée, tu penses à autre chose.

Sauf que là, quand tu es cloué au lit à cause d'une fièvre impromptue qui te donne l'impression de te projeter dans le futur quand tu auras l'âge de Monsieur Kerdoncuff – la vigueur physique et sexuelle en moins –, là, tu es bien dans la merde parce que tu as toute la journée pour ressasser ces questions. Et donc, quand tu arrives en pleine nuit, tu ne sais plus à quoi penser pour attendre que le sommeil vienne te prendre.

Donc, il m'a fallu trouver un moyen pour me divertir tout en restant dans mon lit.

Mon moyen-frère de 11 ans me dit :
- Laisse-moi t'humilier à Mario Kart !
- Les carapaces bleues me donnent le tournis.

Ma grand'mère me dit :
- Laisse-moi t'humilier au Scrabble !
- Si je vois encore une planche de Scrabble, je lance la boîte par la fenêtre.

Ma mère me dit :
- Laisse-moi t'humilier au concours de celle qui fera le plus vite la vaisselle !
- Nan, Maman, ça marche pas sur moi, ça.

Mon copain Caillou me dit :
- Bah, lis un livre.

Caillou – Pierre, de son petit nom, mais l'humour est mon point fort –, Caillou, dis-je, non content d'être doté d'un talent rare pour imiter Laurent Gerra qui imite DSK, a aussi cette perspicacité qui le distingue de ses congénères.

- Mais, mon Caillou, qu'est-ce que j'peux lire ?
- Bah, j'sais pas, demande à une main innocente de tirer au hasard dans ta bibliothèque.

Une main innocente, il est mignon lui. Une main disponible, surtout : Ma mère s'extasie devant les photos de son neveu qui bave, mon beau-père écume le site FaitsDivers.org, et mon moyen-frère s'entraîne à esquiver les carapaces rouges.

Reste mon tout-petit-frère, celui qui a 8 ans.

- T'as lu Cavanna ? me demande-t-il tout de go, lui qui est au fait de mes opinions politiques.
- Tout ce que j'ai de lui pour l'instant, oui.
- Et ça, c'est quoi ?
- C'est un dictionnaire Allemand-Français.
- Tu parles allemand, toi ?
- Ja, Ich bin eine große Kartoffel.
- Ah. Ben, et ça ?
- Un dictionnaire de l'argot militaire.
- Et ça ?
- « Mieux vivre avec les plantes ». Une lubie de ma belle-mère. Celle qui écoute Feu!Chatterton, vote En Marche et est devenue intolérante au gluten du jour au lendemain parce que c'est stylé.
- Bah, au pire, t'as qu'à lire ce livre-là.

Il sort, à ma grande stupeur, un bouquin que j'avais acheté jadis sur les conseils de Monsieur Chabance, mon prof' de lettres brassensophile et sosie de Yann Arthus-Bertrand à ses heures perdues, si Yann Arthus-Bertrand portait des vestes en velours côtelé.

- Ouais, t'as raison. Je vais lire ça.

« Ça », c'est un recueil des chroniques de Nellie Bly, parues dans le New York World du temps qu'elle y travaillait.

Nellie Bly, était une de ces personnes à détenir le privilège de figurer sur le « Mur des Gens qui Redonnent Foi en l'humanité » du père Chabance, aux côtés de Zola, Brassens, Blum, Jaurès (prof communiste, tu penses...), et autres gens qui ont marqué l'Histoire à leur échelle.

Positivement, hein, je précise.

Exemple : Pol Pot : A marqué l'Histoire, mais pas dans le bon sens, et est un argument que servent les fachos aux communistes => pas le droit de siéger sur le Mur.
Léon Blum : A instauré les congés payés et la semaine de quarante heures, entre autres choses bien sympathiques, et en plus avait une jolie moustache => devient un membre V.I.P. du Mur.

Mais si Nellie Bly n'a pas instauré les congés payés et était pour ainsi dire dépourvue de pilosité bacchantogène, elle n'en resta pas moins une privilégiée aux yeux de feu Monsieur Chabance.

- Et pourquoi donc ? me demandes-tu.

Bonne question à vingt francs. Tu as un esprit pertinent, toi. Je t'aime bien.

Quand tu es une nénette de quinze ans mal dans sa peau qui regarde les photos de jolies filles en enviant leur poids plume, tu te dis toujours que :
- Soit elles sont très belles mais très niaises.
- Soit elles sont très belles mais très malheureuses.
Hors, toi, tu es malheureuse et même pas belle – enfin, c'est ce que tu penses.

Cela dit, perso, ce genre d'état d'âme ne m'est jamais arrivé, car tout le monde sait que si mon phantasme masculin, c'est Philippe Martinez, la seule femme qui saurait faire frétiller mon petit coeur, c'est Françoise Sagan déguisée en canette de Kronembourg. Donc les mannequins, c'est pas trop ma came. Baste.

Or, Nellie, non seulement elle est très jolie, mais elle est aussi super intelligente.

Exemple pratique :

Nellie, elle se fait passer pour folle afin d'entrer dans un asile psychiatrique et dénoncer ensuite les conditions de vie lamentables des aliénées.
Et elle réussit tellement bien que, spoiler alert, grâce à son article, la ville de New York débloque un million de dollars pour que les malades bénéficient de meilleurs soins.
Nellie, c'est aussi une fille qui va accessoirement faire le tour du monde en 72 jours pour faire la nique à Jules Verne.

Voilà.

Raisons pour lesquelles le Père Chabance a mis une photo de Nellie Bly sur son Mur. Parce que c'est une femme qui est devenue une figure du féminisme et l'emblème du journalisme infiltré, le vrai et intéressant, parce que Bernard de la Villardière il ne compte pas.

L'Obs – journal dont je ne lis en général que la première de couverture quand je passe devant le kiosque à journaux –, l'Obs, dis-je, chante les louanges du livre en disant, je cite : ‘‘Partir à l'aventure sans quitter sa chaise longue, c'est possible. La preuve avec les [aventures] de Nellie Bly.''

Eh bien, pour paraphraser Perceval, c'est pas faux. Moi, dans mon lit en train de me dire que la pire chose qui peut t'arriver dans la vie après se prendre une carapace bleue à 5 mètres de la ligne d'arrivée (comprend qui peut), c'est se décrépir, je peux t'assurer que je suis tout de même partie en aventure avec Nellie.

Bien calée dans mes coussins, Maurice couché contre moi – Maurice, c'est le chat, hein, pas le Père Kerdoncuff qui fait un dodo post-chose... –, j'ai eu le temps de visiter le Mexique, découvrir la vie des aliénées du XIXe, me convaincre un peu plus que la guerre, c'est pas ouf, en me retrouvant auprès des soldats britanniques de la Guerre de Quatorze qui commence tout juste, bref, j'ai eu le temps de vivre quinze vies en une journée.

En somme, les Aventures de Nellie Bly, c'est le livre parfait pour les mises en quarantaine.

Alors, avis aux intéressés...
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Titre niais qui fait penser à un ersatz d'Alice au pays des merveilles et qui ne rend pas justice au contenu. Nellie Bly, c'est une icône, un petit bout de femme à couper le souffle: internement volontaire en asile, travailleuse dans une usine de boîtes, tour du monde en moins de 80 jours, 6 mois au Mexique, front de la Première Guerre mondiale: une des premières journalistes à ne pas avoir eu peur de se mouiller et qui a donné toutes ses lettres de noblesse au journalisme d'immersion à une période (fin 19e/début 20e) où l'on demandait surtout aux femmes de savoir faire la popotte. Passé le petit ton condescendant typique de l'époque sur les étrangers, l'écriture est fluide et dynamique. Tellement mieux pour découvrir le monde d'alors que n'importe lequel des romans d'époque.


Lien : https://tsllangues.wordpress..
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Une superbe lecture qui fait voyager. Impressionnée par le courage et la détermination de cette journaliste. Ma culottée préférée ;) Un coup de coeur
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