L'oeuvre de Bobin est faite de ressentis, de sensations, de pensées légères, parfois étrangement belles. Si histoire il y a, elle court en filigrane ; on l'entrevoit à peine après une rêverie, avant une autre, un fil dans cette toile vaporeuse qu'il tisse avec juste quelques mots.
Car ça oui, le vocable est chiche – choisi pour toucher plutôt qu'épater. Une prose lapidaire qui revient toujours aux mêmes points, la lumière, la beauté, l'amour, la lumière, une source, un ange. La lumière.
Quelquefois cette affluence de renoncement béat prête à sourire. Et quelque fois il suffit d'une phrase pour être transpercé, par l'acuité d'un regard, la sagesse d'une image.
Peu voient dans l'hirondelle qui fait trembler la branche, et puis l'arbre, une métaphore de leur existence.
Bobin est perché. Au matin il se lève, se prépare un café, allume une cigarette, s'installe à sa fenêtre. Et il s'envole. S'émerveille d'une fleur, d'un brin d'herbe, d'un rire. Rien ne semble l'atteindre, rien ne semble contrarier sa joie, sa foi qu'il voue moins au Christ qu'en la vie, la nature, les hommes.
Mais cet
Autoportrait au radiateur, curieux titre qui se dévoile à son heure, marque une rupture dans sa bibliographie. On le devine au fil des pages, l'être chère est partie. La palette de mots s'entache d'ombre, de mort, d'absence. Il la voit dans l'oeil brillant de ses filles ; il la retrouve dans la prudence de l'ainé. Derrière ses vertiges éblouis il y a maintenant cette douleur à l'affût, cette tentation du vide qui le guette au lever du jour, à la tombée de la nuit, dans sa désormais solitude.
Et la pureté s'érode. Il était hors du temps, il n'est plus qu'un des nôtres. La terre l'a repris.
Alors on en vient à se rappeler les années heureuses, à regretter cette époque où la grâce était innocente, où la blancheur restait immaculée. Quand Bobin était un enfant.
3/5