"Qu'est-ce donc que la vie ordinaire, celle où nous sommes sans y être ? C'est une langue sans désir, un temps sans merveille. C'est une chose douce comme le mensonge."
Dans ces quelques pages,
Christian Bobin invite à une approche de l'identité - la construction d'un être dans sa personnalité propre -, de l'intime et une invitation à considérer la beauté, dans ce qui nous entoure et ce qui la définit.
Un texte poétique que celui-ci, écrit comme un monologue méditatif dans lequel l'écrivain se livre sur ses moments de désarroi dans l'écriture qu'il parvient toujours, cependant, à transformer en moments d'enrichissement, en moments suspendus au cours desquels l'attention se fait plus vive, la perception plus subtile et plus intense.
Il partagera alors, à l'occasion, à travers les mots, ces moments "enrichis".
"Ce n'est jamais en vain que l'on cède à cette beauté élémentaire qui saisit l'âme dans la spirale d'une étoile, d'un insecte ou de n'importe quelle chose au monde : une telle certitude apaise les heures où je n'écris pas, comme celles où j'écris."
Et des confidences, c'est bien ce qui nous est consenti au fil des phrases, des pensées teintées d'intime, une flânerie aux côtés de l'écrivain à ouvrir les yeux sur une nature tout en simplicité dont il nous donne à voir ce qu'on oublie souvent de remarquer, sur des toiles de peintres connus ou anonymes et plus particulièrement à imaginer leur regard qui se pose sur les objets ou les paysages qui les incitent à créer, sur la lecture ralentie du passage particulier d'un texte, d'un livre lu et relu.
Un regard sur la beauté qui nous entoure et que nous ignorons et aussi une réflexion sur l'âpreté d'une vie - son épanouissement éphémère, le peu de remèdes dont nous disposons pour apaiser les échardes qui s'y glissent, sur l'état préservé de l'enfance et pourtant son intime clairvoyance, sur le silence, la solitude, la mort, compagnons qui jalonnent l'existence et lui imposent son rythme, une vie comme un tapis d'herbes foulées à l'aube, dans la rosée, comme les pages tournées d'un livre à la recherche d'un paragraphe, miroir de l'état d'âme du moment, comme les lettres écrites à un être cher...
Et finalement, les mots importent peu, ils ne restitueront jamais assez toute la beauté et la délicatesse qui ont été, l'espace d'un bref instant, approchées.
C'est un très beau texte que celui-ci, à relire, en ouvrant les pages au hasard, pour s'en imprégner, peut-être pas le livre à choisir pour découvrir l'oeuvre de l'écrivain, cependant, parce que pas le plus limpide de ses écrits.
"C'est dans l'espérance de telles choses que je vis, et c'est sous cette lumière que j'écris, goûtant à la beauté des jours qui s'en vont."