Je n'aime pas l'expression « faire vivre » et, ici, je ne parle pas seulement des gros sous. On chemine ensemble, on s'aide mutuellement à vivre mais chacun doit rester maître de sa propre existence.
L'une des grandes inégalités de la vie est, me semble-t-il, la faculté qu'a chaque être de réagir aux coups durs. Vous avez ceux qui trouvent en eux la force de surmonter, et ces vernis-là parviennent même parfois à sortir plus riches de l'épreuve. Et vous avez les vaincus d'avance, ceux qui soupirent : « C'est toujours sur moi que ça tombe. »
Il y a des soleils qui aveuglent; vous ne parlez que de sa fierté, de son bonheur à elle. Et le vôtre, Béatrice? Et l'amour ? Je ne vois écrit ce mot nulle part. Oui, l'amour, cette douce et violente certitude, cette évidence que la solitude a pris fin et qui fait apparaître comme une longue attente, presque du temps perdu, les jours vécus avant la rencontre, j'allais dire les « retrouvailles » : « Tu en as mis du temps; sans te connaître, tu me manquais... »
Dire « non » à mon mari est une chose, le dire à maman une autre. Jean, maman était le soleil! Je tremblais de froid loin d'elle. Toute mon enfance, j'ai cherché à m'en approcher, j'aurais tant voulu qu'elle me regarde avec fierté, mais comment faire? Elle était la fée, moi une Cendrillon qui ne rêvait même pas de bal ni de prince.
Bien sûr, le souvenir idéalise. Un souvenir ne prend pas de rides, il n'a pas ces tics qui agacent tant l'autre dans une vie commune.
Lorsqu'un homme ne supporte pas de voir sa femme ou ses enfants respirer autrement que par lui, c'est que l'air est rare dans ses poumons, lorsqu'il maintient les siens en état d'infériorité, c'est qu'il se sent petit ; et s'il les prive de soleil, cela signifie qu'il est dans la nuit.
Il existe des hommes qui n'admettent pas que leur femme puisse être heureuse et exister autrement que par eux, pour eux, à travers eux. Francis est de ceux-là. Tout plaisir, joie ou agrément qui me viennent d'ailleurs semblent lui retirer quelque chose et il s'emploie à le détruire.
Inutile de prononcer le mot, il est contagieux, il s'infiltre, se propage et s'il existait un instrument pour en mesurer le son, on entendrait celui du Concorde en plein décollage : la confiance donne des ailes.
Même les braises finissent par s'éteindre.
J'ai peur des tempêtes de l'adolescence, des mauvaises influences, de la drogue.