Si l'on s'en tient à la formule de
Bachelard : « ... tout bon livre à peine achevé doit être immédiatement relu.» On peut indéniablement dire que
2666 est un bon livre, surtout que pour ma part, j'avais commencé ce bouquin de 1013 pages il y a presque
trois ans, si ce n'est pas quatre. le début se trouvait très loin, et la dernière partie, nous oblige à nous rappeler le début.
À la lumière de ma lecture de
2666, je me suis aperçu que je ne suis pas fan de ces pavés, roman-monde. C'est bien un univers en entier que
Bolano peint dans cette histoire se déroulant sur plusieurs décennies et plusieurs continents. Ce n'est pas un roman centripète, mais bien centrifuge. Si parfois on emploie l'expression de « roman-fleuve » pour parler de ces épopées latino-américaines qui se déploient sur de nombreuses générations, ici, il n'est pas question d'un fleuve qui coule, mais certainement d'une mer. Un « roman-mer ».
Cette métaphore explique assez bien le sentiment que j'ai éprouvé à la lecture de
2666. Une traversée de la mer, en solitaire. Si les deux rives - le début et à la fin - expliquent bien des choses, elles se répondent en quelque sorte, le long du périple se fait au milieu de nulle part, sans véritablement points de repère, dans une temporalité que l'on croit figée pour l'éternité. Surtout la partie des crimes (environ 325 pages) où l'on a le sentiment de faire du surplace, page après page. C'est comme si, dans notre chaloupe au milieu de l'océan, on se levait à chaque matin en regardant cette infinie bleue pour voir ce qu'il avait de changé depuis la veille, presque rien, on se dit que c'est exactement la même chose qu'hier. La seule chose qu'on espère est que l'on avance malgré tout, mais c'est assez difficile à dire, plusieurs fois on pense l'inverse.
Comme après un long voyage en mer, on est très heureux de voir apparaitre la rive, on s'aperçoit que l'on a hâte de mettre le pied sur la terre ferme et on s'aperçoit aussi que plusieurs fois pendant la traversée on ne pensais jamais arriver au bout. C'est un soulagement.
Arrivé à terme, on reprend notre souffle et la traversée semble déjà avoir été moins pénible, presque agréable. Les choses trouvent à nouveau leur place. La traversée trouve une cohérence que l'on n'avait pas vue. Les longs moments de solitude, d'ennui ou les événements incompréhensibles se condensent en une série de moments que l'on fait avec, comme dans la vie.
Si je maintiens la métaphore du « roman-mer » jusqu'au bout, et pour reprendre l'idée de
Bachelard présentée en début, je dois dire que je suis bien heureux d'être arrivé à la fin, de retrouver la terre ferme, et ce n'est certainement pas demain que je retenterais une nouvelle traversée.