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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Lu en v.o. ESTRELLA DISTANTE.


Je m'imagine Bolano raconter de vive voix les histoires qu'il ecrit. Je le verrais bien assis a la place Djemaa-el-Fnaa de Marrakech et autour de lui un demi-cercle de badauds buvant ses paroles pendant des heures. Je dis bien des heures parce que l'art de Bolano est centrifuge: a l'histoire centrale se rajoutent sans arret d'autres qui prennent l'air de nous en eloigner et en fait l'epaississent. Je le verrais bien raconter Etoile distante face a la mine effaree, rebutee, degoutee parfois, mais toujours fascinee de ses auditeurs. Ce sont les mines que je faisais surement moi- meme pendant ma lecture.


Etoile distante c'est l'histoire de la traque d'un poete avantgardiste qui s'avere etre un poete demoniaque, carrement meurtrier. Il torture et assassine, photographie ses assassinats et publie cette documentation qui est pour lui l'aboutissement de son art. Un alter-ego de l'auteur (nomme Arturo Belano) est prie de participer a sa traque. Lui aussi est poete, et il a connu le poete assassin dans sa jeunesse, alors qu'ils participaient tous les deux aux ateliers de poesie de deux professeurs de literature d'une universite de province chilienne. Ce sera l'occasion pour Bolano d'inserer par-ci par-la des chapitres traitant du devenir de ces droles de profs a l'avenement de la dictature Pinochetienne au Chili. L'un d'eux, juif russe émigré en Amerique finit ses jours comme un mythique revolutionnaire combattant les armes a la main en differents exils. L'autre connaitra un temps d'heureux exil en France et mourra assassine par un groupe de neo-nazis espagnols. Une autre digression traite d'un autre jeune poete, un homosexuel qui perd ses deux bras dans un accident, emigre en Europe ou il connaitra succes et reconnaissance avant de mourir du sida. Bolano s'etend aussi beaucoup sur son alter-ego, le suivant dans ses differentes terres d'exil (le Mexique et l'Espagne) et surtout dans ses differentes quetes de moyens d'expression (c'est presque autobiographique).


On l'aura compris, Bolano explore les relations litterature/politique, les relations literature/action, les relations literature/mal. de l'esthetique de l'action jusqu'a l'esthetique du mal. Mail il n'est jamais peremptoire, categorique. Il inocule des pensees vaporeuses, sybillines, et c'est au lecteur de se faire sa propre idee, de juger s'il le faut. Les personnages qu'il dessine sont toujours un peu doubles. C'est du moins comme ca que je les ai sentis. En explorant les repercussions qu'un regime dictatorial a sur la vie et la pensee de differents citoyens – ici de jeunes poetes – Bolano ouvre une porte a la subjectivite. Sinon subjectivite du vecu, du moins subjectivite du ressenti, et avec le temps subjectivite de la memoire. Et il laisse au lecteur le soin – ou la possibilite – d'y meler sa propre subjectivite, faconnee par d'autres temps, d'autres lieux, d'autres experiences.


Je reviens a l'image du Bolano conteur. Parce que c'est un grand conteur. J'ai ete (moi aussi, moi entre de nombreux autres, vu que Bolano a, après sa prematuree mort, un auditoire grandissant) happe par son talent, fascine tout le long de ma lecture, meme quand elle a failli me faire vomir. Je conseille donc ce livre, en particulier a ceux qui ne savent pas encore qu'ils seront fans de Bolano.
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Chili, début des années 70. le narrateur est étudiant, et avec son ami Bibiano, il fréquente les ateliers de poésie de Juan Stein et Diego Soto. C'est là qu'ils font la connaissance de Ruiz-Tagle, jeune homme séduisant qui se dit autodidacte, et dont le succès auprès des femmes suscite la jalousie. Accessoirement, c'est aussi un homme de droite, ce qui dans le Chili de cette époque revêt une signification particulière.
Avec l'arrivée au pouvoir de Pinochet, le cercle d'étudiants dont faisaient partie le narrateur et Bibiano se disperse : certains disparaissent, d'autres partent en exil… C'est sous le patronyme de Carlos Wieder que Ruiz-Tagle refait alors surface, devenu un célèbre poète « d'avant-garde », ainsi que le qualifie une presse qui a perdu toute indépendance. Il faut dire que le jeune homme fait surtout dans le sensationnel, écrivant les vers de ses poèmes dans le ciel, avec en guise d'encre les gaz d'un avion qu'il pilote.

Voici un curieux petit roman, qui oscille en permanence entre réel et imaginaire, entre faits et hypothèses. D'ailleurs, dès le préambule, l'auteur introduit en quelque sorte cette ambigüité, en présentant le personnage dont il va être question dans le récit comme ayant vraiment existé (ce qui n'est pas le cas). de même, au cours de la relation, il mêle fréquemment les noms de poètes célèbres à ceux de protagonistes imaginaires, entretenant ainsi la confusion entre ce qui fut et ce qui aurait pu être… et ajoute, ironique, que « Les hallucinations, en 1974, n'étaient pas si rares » ! Et c'est sans doute effectivement un bon moyen de retranscrire le climat du Chili de Pinochet, où l'information est censurée, la liberté d'expression muselée : R.Bolaño donne l'impression que ses héros vivent dans un monde de rumeurs incertaines, créant un sentiment flou de peur et de danger. le personnage de Carlos l'incarne d'ailleurs parfaitement, en « héros » fantasmagorique que l'on voit partout, que l'on croit deviner sous diverses identités, dont on spécule sans cesse sur les faits et gestes. Mais il n'incarne pas que cela : poète médiocre, il est aussi un assassin, qui puise son inspiration dans la barbarie, dans une cruauté qui ne sert aucune cause si ce n'est celle d'un esthétisme macabre. Face à cette double barbarie, l'une institutionnelle et l'autre individuelle, l'auteur oppose la poésie, non pas celle d'un imposteur comme Carlos, mais celle de ceux qui s'engagent au service des faibles et pour qui l'art est indissociable de l'humanisme, celle d'hommes comme Stein ou Soto.

Et tout cela conté avec une sorte de distance à la fois ironique et mélancolique, où pointe un sentiment d'absurde : « ainsi passe la gloire du monde, sans monde, sans gloire, sans un misérable sandwich à la mortadelle ». Distance exprimée aussi par de petites allusions qui sous-entendent que l'époque dont nous parle R.Bolaño est très ancienne (il évoque notamment « l'an de grâce 1974 », parle d'un argot, voire de certains vocables, propres à cette période), donnant ainsi l'impression que son narrateur s'en est détaché. Détachement, sans doute, indispensable pour continuer à vivre dans un monde qui se révèle parfois si cruel... ?

Voici un curieux petit roman… que j'ai trouvé très grand !
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Roberto Bolano est déjà le plus grand. Étoile distante est la continuation de la Littérature nazie en Amérique. Ou pour etre précis, le prolongement de l'ultime biographie. On y part a la recherche d'un poète appelée Carlos Wieder ou parfois Alberto Ruiz-Tagle que la narrateur a rencontré dans un atelier d'écriture du temps de Salvador Allende. Personnage sombre et cruel qui ne cesse d'echapper a notre comprehension.Comme souvent avec Bolano, il réécrit le polar pour le transformer en jeu. Poétique mais pas seulement. d'où une écriture ludique qui enchante le réel et transforme un diner dans une pizzeria lugubre de Perpignan en un rebondissement épique.
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