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Normalement, à un moment, on lira Bolaño.
J'ai attendu, longtemps, un peu nerveux, cette rencontre obligée.
Il faut dire aussi que ses livres retournent rarement sur le marché de l'occasion, encore un signe…
Avec la parution de ses oeuvres complètes à L'Olivier, la circulation renait.
...
« Je crois que mon roman comporte autant de lectures qu'il contient de voix. Il peut se lire comme une agonie. Mais aussi comme un jeu. »
...
Oui… suffit d'en parler avec d'autres lecteurs… selon la période de sa vie…
Lola l'a lu à la fin de son adolescence; elle en garde dix ans plus tard un souvenir fougueux, l'excitation de la poésie, l'émancipation de la jeunesse…
...
Paul, à l'aube de la quarantaine, en retient surtout cette délicieuse impossibilité de la création, ce tapis-roulant de l'Avant-Garde qui ne s'arrête jamais, cette quête dérisoire de la Modernité.
On y comprend, à demi-mot, les raisons de la fin des grands courants artistiques, collectifs, au passage du millénaire, et son triomphe provisoire de l'individu. du refus affirmé des figures tutélaires, celle d'Octavio Paz pour les mexicains, avec en interrogation de l'auteur, la poésie a-t-elle encore quelque chose de nouveau à raconter ?
...
On y observe ces individus, perdus dans l'océan des possibles, ivres d'une liberté toute relative, avec pour beaucoup la mécanique destructrice de l'attraction-répulsion comme moteur amoureux. Un roman d'apprentissage du néant, à la lecture aisée mais bel et bien chaotique.
Bolaño se rit de Belano tout autant qu'il le pleure. Fuis moi je te suis, suis moi je te fuis.
...
En mélangeant les auteurs réels et imaginés, l'histoire et le roman, Bolaño écrit cette poésie sans jamais en faire, le Gouffre ayant avalé la Ravine… et la souffrance est dérisoire… comme cette quête ultime de ce qui n'a pas encore été lu ou écrit… l'oeuvre la plus désirable car inatteignable…
...
L'agonie de la création quand elle devient un but en soi… disparu ce mirage sauvage que la jeunesse permet d'entrevoir… « parce que nous sommes seuls et que nous sommes perdus. »
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Il etait temps que je fasse honneur a mon avatar. J'ai choisi un petit pave bien en chair, de ceux qu'on aime tenir a deux mains. Un gros livre, quoi! Mais quel livre! Il est compose de trois parties, distinctes. La premiere, le journal d'un jeune mexicain, Juan Garcia Madero, gravitant autour d'une bande de poetes, qui s'auto-proclament “real-visceralistes", reprenant le nom porte par un mouvement litteraire d'avant-garde une ou deux generations avant eux. La troisieme continue avec ce journal, et raconte son periple, avec les deux leaders du mouvement, Ulises Lima et Arturo Belano, de Mexico City jusqu'au desert du Sonora, pour trouver une ancienne poetesse qui leur est devenue mythique, Cesarea Tinajero, et en meme temps pour aider une petite putain a fuir son maquereau. le road-trip insense de poetes-bouffons, dangereux, pathetique. “…mais ne vous en faites pas, le poète ne meurt pas, il s'enfonce, mais il ne meurt pas." La deuxieme partie est une violente interruption de cette, relativement classique, trame. C'est la plus longue partie, et elle repudie tout modele traditionnel de roman, ignorant la necessite de protagonistes, de heros, et meme de narrateur. C'est une suite de temoignages, de monologues de differentes personnes, qui racontent des souvenirs, des rencontres, fortuites ou plus regulieres, avec Ulises Lima et surtout Arturo Belano, depuis 1976 (date de leur depart pour le Sonora) jusqu'en 1996. Des rencontres sur tous les continents, au Mexique, a Barcelone, a Paris, en Autriche, en Israel, en Angola et au Rwanda. Des monologues de gens de differentes nationalites, de differents metiers, qui en fait se racontent, eux-memes, ce qui donne une multitude d'histoires, comme une suite de nouvelles dont le fil qui les coud est le rapport aux deux poetes.

Parmi tous ces temoins monologuant (en revenant au texte j'en ai compte 54, mais je me suis peut-etre trompe), un, qui revient souvent, donne une clef pour la troisieme partie. C'est un ecrivain public qui garde la memoire de la poetesse mythifiee, et possede un fascicule avec son seul et unique poeme publie: Sion. Un poeme visuel, sans mots. Trois lignes, une droite, une ondulee, une brisee. Et un tout petit rectangle sur chacune d'elles. “C'etait tout ce qui restait de Cesarea, j'ai pense, un bateau sur une mer calme, un bateau sur une mer agitee, un bateau dans la tempete”.

De toute cette deuxieme partie, le narrateur des deux autres grands chapitres, Garcia Madero, est absent. On y suit, on y devine, le devenir chaotique des deux tetes du “realisme visceral", Lima et Belano, mais on ne dit rien sur lui. Personne ne s'en rappelle. Il n'est pas important. Et pourtant le livre se termine quand il reste seul dans le desert avec la petite putain sauvee et qu'il lui pose des devinettes. Des devinettes graphiques. Des petits carres avec de petits details qui les differencient. Des devinettes ou des poemes graphiques? C'est peut-etre lui le plus poete de tous, le vrai, le seul continuateur de Cesarea Tinajero?


Enormement de themes sont developpes dans cette oeuvre. L'initiation a la poesie, entendue comme une recherche de sens, d'ideal, recherche qui peut s'averer dangereuse, nocive. Une recherche qui, du passage de l'adolescence a l'age adulte, menera les uns a la frustration et au vide, d'autres a l'autodestruction. Un autre theme central en est la memoire. Toute la deuxieme partie est a mon avis un enorme classeur d'archive, touffu et desordonne, documentant et maintenant la memoire de trois poetes, Lima, Belano, et la mythique Tinajero. Ce theme de memoire est d'autant plus fort qu'il est clair que Belano n'est autre que l'auteur, Bolano. Lima n'est autre que Mario Papasquiaro, avec qui Bolano s'etait lie (en 1975) au Mexique pour former le mouvement poetique des “infrarealistes", mouvement qui n'a pratiquement rien donne et il est heureux qu'au moins Bolano soit passe a la prose. Et autour et alentour de ces deux personnages camoufles et romances apparaissent enormement de poetes et d'auteurs reels. Beaucoup d'entre eux deja oublies, a qui l'auteur redonne une vie romancee, qu'il rappelle ainsi a notre memoire.


C'est un de ces livres ou je me perds et lentement, lentement, me retrouve. Qui m'embrasent. Il y a des livres comme ca. Qui me font sentir, tout en suscitant enormement de reminiscences, qu'ils sont differents. Que j'ai sous les yeux quelque chose de neuf, et en meme temps vieux comme le monde. Ils ne ressemblent a aucun autre mais ils en rappellent beaucoup. Justement ceux qui m'ont frappe par leur etrangete. Qui m'ont souleve, m'ont fait leviter au dessus de leurs pages. Qui m'ont marque, ont ete les grands jalons de ce que je designerais (avec un peu de grandiloquence, ca fait bien) ma culture livresque (il faut que je redescende sur terre, vite). Il y a des livres comme ca. Qui ouvrent une nouvelle breche ou s'engouffrera bientot toute une generation. Qui seront taxes de fou, de genial, de maudit. Eleves aux nues par les uns, excommunies par les autres. Des livres revolutionnaires. Et ce livre est une revolution. “Et alors je lui disais : comment peux-tu dire que tu es marxiste, Jacinto, comment peux-tu dire que tu es poete si ensuite tu fais de telles declarations, tu penses faire la revolution à coups de proverbes ? Et Jacinto me répondait que franchement il ne pensait plus faire la revolution d'une maniere ou d'une autre, mais que si une nuit ça le prenait, eh bien ce ne serait pas une mauvaise idee, avec des proverbes et avec des boleros.”


Avec ce livre nait une nouvelle generation de latino-americains. Parce que le realisme magique y est oublie, fini, relegue aux sieges du fond, tout comme les folklorismes particuliers. Parce qu'il revient a Borges, a Joyce, a Musil, qu'il mentionne souvent; a Lowry, dont une citation ouvre le livre. Il renie les peres et revient aux grands-peres.
Chaque generation se revolte contre la precedente? Non. Affirmation exageree. Chaque generation, pour s'affirmer, doit mettre en question les valeurs de la precedente? Question. A verifier. Et si on pose la question a l'envers, qu'en est-il de la transmission? Mais je m'eparpille, je m'effiloche, je me perds. Revenons a nos moutons. Bolano fustige, renie la generation d'auteurs qui l'ont precede, mais en un meme temps, d'un meme souffle, travaille a la sauvegarde de leur memoire. Ce livre est novateur a tous points de vue, mais c'est aussi le livre d'un continuateur, d'un fidele heritier. Un grand livre. A lui tout seul, il aurait pu etre l'oeuvre d'une vie. Mais heureusement Bolano etait un forcat de l'ecriture. 2666 m'attend.
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Los Detectives Salvajes
Traduction : Robert Amutio

ISBN : 9782070416769


Ah ! mes amis, quel livre ! Il ressemble à une piñata gigantesque que des adultes ivres de mots et d'écriture auraient bourré de tout et de n'importe quoi, de la gourmandise la plus délicate au bout de chiffon élimé encore poisseux d'un reste de sucre. A certains moments - c'est plus fort que soi, surtout avec l'un des deux héros prénommé "Ulises" - on songe à Joyce. La même puissance, qu'on dirait aveugle alors qu'elle est sait très bien où elle va, à l'oeuvre dans "Ulysse", est ici au rendez-vous, une puissance encore décuplée - que dis-je ? centuplée - par la chaleur des Tropiques. le roman fleurit, s'ouvre, se déroule, s'étale avec l'exubérance tenace et l'éclat carnassier des plantes de ces pays. Certains passages - comme le monologue mettant en scène Heimito Künst, à Vienne, ou l'errance avec Hans, sa femme et leur fils, entre l'Espagne et le sud de la France, sur laquelle ne cesse de planer un danger bien difficile à identifier - flirtent avec l'incohérence ou l'inutilité. D'autres - comme la découverte du seul poème publié de Cesárea Tinajero dans la revue qu'elle édita jadis - ne peuvent se passer sans nuire à la compréhension de l'histoire et du but ultime de nos deux chercheurs du Saint-Graal littéraire. Mais tous, fût-ce le moins compréhensible, le plus gratuit en apparence, à l'exemple des diverses réflexions sur la littérature espagnole et latino-américaine à la Foire du Livre de Madrid en 1994, tous accrochent le lecteur comme autant de ronces teigneuses et déterminées qui le ramènent à ce tourbillon de folie, d'onirisme, d'imagination et, bien sûr, de poésie qu'est l'univers de Roberto Bolaño.

Lire "Les Détectives Sauvages" est une expérience de lecture authentique, comparable à celle que vous faites en découvrant l'"Ulysse" de Joyce, "Le Bruit & la Fureur" de Faulkner ou, plus proche de nous mais sans doute moins connu (et on peut le regretter), "La Maison des Feuilles" de de Mark Z. Danielewski. Tout lecteur digne de ce nom comprendra sans peine qu'il faut donc s'accrocher fermement à son siège et à ses pages tout en s'abandonnant en confiance au courant qui prend possession de soi. Il saisira tout aussi vite que "Les Détectives Sauvages" n'est pas un livre à lire n'importe où, n'importe quand. Privilégiez un lieu calme et une période calme, où vous pourrez prendre tout votre temps pour bâiller, tourner vos pages, vous dire "Ce type est fou !", revenir en arrière, relire, savourer un ou deux détails qui vous avaient échappé, réfléchir un moment à ce que tout cela suscite en vous et penser soudain : "Ce type est génial !"

Vous entrerez tout de suite dans "Les Détectives Sauvages" - ou vous resterez à sa porte. Ce sera tout l'un ou tout l'autre : le moyen terme n'existe pas en ce monde dominé par une poésie onirique et réaliste, à vingt-mille lieues de celle, gonflée, ampoulée, des "Cent Ans de Solitude" de García Márquez mais qu'on apparenterait plus aisément, dans sa démesure et son flamboiement naturels, à celle d'un Jorge Amado écrivant sa "Boutique aux Miracles." Ca brûle et ça gèle, ça éclate de partout et pourtant les silences sont terribles, ça aveugle et puis, ça rafraîchit la manière d'envisager les choses, ça assourdit pour mieux replonger dans la perplexité et le silence, ça laisse sans voix et ça gratte là où ça agace mais on ne peut pas l'abandonner avant la dernière page.

Non qu'on veuille réellement savoir si Arturo Belano - alter ego de l'auteur - et Ulises Lima finiront par retrouver Cesárea Tinajero et le reste de ses poèmes. Simplement, on a fait tout ce long voyage avec eux (même si l'on vient de s'en apercevoir), on a vibré, on a vécu, on a partagé, on s'est étonné, on a perdu ses illusions, on a vieilli avec eux, alors, il est bien normal qu'on les accompagne jusqu'au bout. Car ce voyage que nous avons fait ensemble, qui est aussi une traversée presque complète de leurs vies et de celles de tant de personnages, qui est encore, ne l'oublions pas, une traversée de l'imaginaire social, poétique, fantasmatique, de l'Amérique latine, ce voyage, nous l'avons en quelque sorte vécu par anticipation, dans cet espace temporel et littéraire que constitue la seconde partie du livre, imbriquée, par la volonté de l'auteur, entre les deux parties, infiniment plus modestes, qui couvrent la fuite des poètes et de la prostituée loin du District fédéral de México, en direction de l'Etat de Sonora - où les attendent Cesárea et leur destin.

Et cela aussi, on l'a trouvé naturel : cette anomalie chronologique ne trouble pas un seul instant, elle va de pair avec l'ensemble et en rehausse la surprenante et majestueuse beauté. Certes, on n'est pas devenu l'un des "Détectives Sauvages" mais c'est tout de même un peu comme si ... Wink tant sont grands le génie de son auteur et la générosité avec laquelle il accueille son lecteur dès lors que celui-ci accepte de plonger sans filet.

Un livre incroyable, un auteur à découvrir et à placer au tout premier rang de sa bibliothèque car, à sa manière cahotique de rebelle obstiné, Roberto Bolaño fut et demeure l'un des auteurs latino-américains les plus extraordinaires du XXème siècle. ;o)
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« Moi j'ai conservé sa revue et j'ai conservé son souvenir. Ma vie, probablement, me le permettait. Comme tant d'autres Mexicains, moi aussi j'ai abandonné la poésie. Comme tant de milliers de Mexicains, moi aussi j'ai tourné le dos à la poésie. Comme tant de centaines de milliers de Mexicains, moi aussi, l'heure venue, j'ai cessé d'écrire et de lire de la poésie. À partir de ce moment ma vie a suivi le cours le plus triste que l'on puisse imaginer. J'ai fait de tout, j'ai fait ce que j'ai pu. »

C'est Amadeo Salvatierra qui s'exprime ici. On est en janvier 1976, à Mexico, et il vient de passer la nuit à boire et parler en compagnie de deux jeunes poètes qui se réclament d'un mouvement littéraire obscur nommé «réalisme viscéral», fondé cinquante ans plus tôt. L'un d'entre eux, Ulisses Lima, est mexicain mais l'autre, Arturo Belano est chilien, en exil. Ils sont à la recherche de l'oeuvre qu'a pu laisser Cesárea Tinajero, une poète mystérieusement disparue.

La voix, la confession presque, de ce vieil homme n'est qu'une des dizaines qui vous attendent dans ce merveilleux roman pour fous de littérature et de poésie, qui m'a laissé pantois d'un bout à l'autre.

Nous suivrons Ulisses Lima et Arturo Belano de 1975 à 1996 dans leurs voyages, leurs vies souvent difficiles mais exaltantes. Pourtant jamais ceux-ci ne s'exprimeront directement dans la narration. Ils apparaîtront dans le reflet de ce que disent d'eux certains de ceux qu'ils ont croisés, appréciés ou aimés.

La construction du roman est superbement maîtrisée : trois parties, inégales en longueur. D'abord un journal, celui d'un jeune poète nommé Juan Garcia Madero, qui à la fin de 1975 rencontre ces réal-viscéralistes et laisse tomber ses études de droit pour les suivre. La seconde partie, la plus ample, déroule les récits de toutes les voix qui ont notamment connu Arturo Belano et Ulisses Lima de 1976 à 1996, d'Amérique en Europe et en Afrique. La troisième partie est un retour au journal de Juan Garcia Madero, en 1976, alors qu'ils sont à la recherche de Cesárea Tinajero dans le désert du Sonora.

Ce roman sera certainement mon plus grand choc littéraire de l'année. Il dormait depuis longtemps sur mes étagères car j'étais un peu effrayé par sa longueur et par son exigence supposée. Quelle erreur !

C'est vrai que je suis, comme beaucoup d'entre nous en ce moment, disponible pour une lecture longue et touffue. Mais je n'ai trouvé que des qualités à ce roman de 930 pages. Il ne souffre pas d'un trop grand formalisme (pas d'effets de style grandiloquents, embrouillés ou obscurs). Roberto Bolaño était un très grand écrivain et je vais rapidement lire autre chose de lui.
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Idéal pour retrouver sa jeunesse et les sensations qui vont avec.
La première partie est drôle et rajeunissante.
Ensuite, l'auteur emploie une technique narrative qui donne un rendu intéressant. Plusieurs petits chapitres se succèdent dont les personnages principaux sont différents (mais tous se connaissent). On peut les lire à la suite ou bien rechercher tous les chapitres qui concernent le même individu et les lire ensemble. On peut aussi lire au hasard.
L'ensemble est inénarrable. Ca m'a semblé être une très grande oeuvre. du même niveau que "Le livre de l'intranquillité" de Fernando Pessoa.
Il me reste à attaquer le monument que constitue "2066" son oeuvre ultime et posthume.
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Un véritable tourbillon. Ce roman polyphonique est comparable à "2666" du même auteur.
Roberto Bolano est un écrivain hors normes qui bouscule l' art du roman pour créer ses propres codes, jouer avec le lecteur, l' emporter dans sa prose dont on ne se lasse pas une seconde, malgré les 850 pages (en poche).
Roberto Bolano raconte. Excellemment bien. le livre est comme un "mille feuilles", différentes strates, plusieurs interprétations ou niveaux de lecture.
L' air de rien, on sent comme un malaise, quelque chose d' indéfinissable qui vient comme un nuage gris foncé précédant la pluie.
Métaphore de la vie, illusions perdues d' une jeunesse en manque d' avenir, derrière cette histoire se cachent tout un bouquet de sentiments, de ressentis, de miroirs qui se reflètent et s'opposent.
C'est un voyage.
A faire.

Nb. On m'a offert ce livre En collection Point. La couverture, non protégée se dégrade rapidement. Les couleurs choisies, ce bleu hypothétique côtoyant un vert dissentrique sont du plus mauvais effet.
Le must reste le 4eme de couverture, illisible en blanc sur cette marée verdâtre (!)
Un grand raté de ce côté. (Quand je repense à l' édition Folio et sa sublime couverture...toujours protégée. Snif...
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Le présent roman est divisé en trois parties de proportions inégales, le corpus central, revêtant la forme d'un récit polyphonique, est le morceau le plus important, le plus original.

Dans la première phase, intitulée Mexicains perdus à Mexico, se déroulant dans les derniers mois de 1975, le narrateur adolescent, Juan Garcia Madero, en une manière de journal intime journalier, conte son intégration récente dans le groupe des réal-viscéralistes, formation de jeunes idéalistes et engagés, aux aspirations poétiques farfelues matinées de surréalisme. Il a abandonné ses études de droit, et passe son temps libre entre émois amoureux, palabres dans les bars de Mexico, déambulation dans les bas-fonds, menus larcins dans les librairies et nébuleuse consommation de marihuana. Ce volet s'achève sur la fuite du narrateur avec Ulises Lima et Arturo Belano, les deux chefs de file du mouvement poétique susmentionné, accompagnés d'une prostituée qui à échappé au siège que faisait son proxénète et ses acolytes. Nous retrouverons le road trip calamiteux dans le dernier segment intitulé les déserts de Sonora, épilogue et suite immédiate de la première partie, donnant toute sa signification au corps principal du récit intitulé les détectives sauvages.

Polyphonique, la partie principale s'étend de 1976 à 1996; englobant et dépassant donc chronologiquement les parties précédemment susnommées, elle revêt la forme de témoignages des nombreux personnages ayant croisée la folle fuite en avant de nos compères. Il s'agit en partie des autres membres de l'éphémère mouvement, suiveurs qui ont lâché leurs idéaux,rattrapés qu'il furent, en général, par les contingences de ce monde. Ce sont aussi des récits d'individus, éparpillés au quatre coins du monde, n'ayant eu, peu ou prou, pas de rapport avec les deux illuminés, et qui , de manière subreptice, apportent une petite pièce au puzzle narratif que représente la quête des mystérieux Lima et Belano. Ainsi de nombreuses interrogations saisissent le lecteur sur la personnalité, sur la destinée de ces deux êtres erratiques, bloqués sur leurs idées fixes, comme deux hippies attardés n'ayant résolument pas compris que le mouvement à fait long feu et que l'heure est à la musique punk.

Les détectives sauvages est un livre pour le moins … énigmatique.
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Roberto Bolano a dit de son roman : « Je crois que mon roman a presque autant de lectures qu'il y a de voix en lui. On peut le lire comme une agonie. On peut le lire aussi comme un jeu.» Pour moi, clairement ça a été l'agonie. Les 50 premières pages et les 50 dernières auraient pu me plaire. Mais les 800 pages interminables du corps du roman, qui sont une succession de témoignages sans aucun intérêt, m'ont définitivement rendu ce récit insupportable. Je ne l'ai pas abandonné car il m'avait été proposé dans Pioche dans ma Pal et parce qu'il me permettait de remplir quelques cases de challenges, mais quelle épreuve ! J'ai cru que je n'arriverais jamais à le terminer. Et je ne le conseillerais à personne. Sauf peut-être à des passionnés de l'histoire de la littérature sud-américaine…et encore…
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« J'ai été cordialement invité à faire partie du réalisme viscéral. Évidemment, j'ai accepté. Il n'y a pas eu de cérémonie d'initiation. C'est mieux comme ça. »

Dans la première partie de ce livre « Mexicains perdus à Mexico (1975) », Juan Garcia Madero, étudiant en droit contre son gré et poète dans l'âme, est invité à faire partie du mouvement des poètes réal-viscéralistes, dont on ne sait pas vraiment en quoi il consiste.
Il nous raconte sa rencontre avec les membres de ce mouvement poétique obscur, sa découverte des femmes, du sexe, dans un récit sous forme de journal plutôt déconcertant, dans lequel le narrateur comme le lecteur semblent un peu perdus. L'action s'accélère dans les dernières pages de cette partie avec le sauvetage d'une prostituée, Lupe, des griffes de son maquereau et sa fuite de Mexico avec le narrateur et les deux figures du mouvement du réalisme viscéral, Arturo Belano et Ulises Lima.

Dans la deuxième partie « Les détectives sauvages (1976-1996) », des témoins racontent des épisodes de leur propre vie, lorsqu'elle a croisé celles de Arturo Belano, double littéraire de Roberto Bolaño, ou de Ulises Lima, ainsi que de Cesarea Tinajero, poétesse inconnue fondatrice du mouvement réal-viscéraliste. Inracontables récits qui s'enchâssent et se recroisent, innombrables chapitres très drôles, tragi-comiques ou dramatiques, parmi lesquels ce duel à l'épée entre Belano et un critique littéraire sur une plage espagnole, la disparition de Ulises Lima lors d'un voyage de poètes au Nicaragua, la rencontre avec l'arrière petite-fille de Trotski ou bien celle entre un journaliste et Belano dans le chaos du Libéria.

« ... et non pas elle, jamais elle, l'idiote, la stupide, l'innocente, celle qui est arrivée trop tard, celle qui s'intéresse à la littérature sans s'imaginer les enfers qui se cachent derrières les pages pourries ou immaculées, celle qui aime les fleurs sans savoir que dans le fond des vases vivent des monstres, celle qui se promène dans la Foire du livre et me traîne, celle qui sourit aux photographes qui me visent ...»

Un texte extraordinaire, écrit comme au fil des pensées ou des visions de tous ces témoins, prouesse littéraire qui ne laisse rien paraître des efforts de l'auteur pour le sculpter et retranscrire ainsi le flottement des vies, l'incertitude, les chemins non tracés, l'angoisse, l'absurdité et l'imposture de la vie, à moins que ce ne soit celle de la littérature.

Dans la dernière partie « Les déserts de Sonora (1976) », Madero à nouveau narrateur raconte comment Belano, Lima, Lupe et lui-même sillonnent les routes de l'état de Sonora à la recherche des traces de Cesarea Tinajero.

« Nous avons tous peur de faire naufrage ».
Les détectives sauvages est un grand livre dans lequel on peut facilement se noyer.
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Nouvel an 1975 : Arturo Belano et Ulises Lima, fondateurs du mouvement réaliste viscéral de poésie, quittent Mexico dans une Impala blanche empruntée. Leur quête : retrouver la poétesse obscure et disparue Cesárea Tinajero. Une confrontation violente dans le désert de Sonora transforme la recherche en fuite ; vingt ans plus tard, Belano et Lima sont toujours en fuite.

Premier long ouvrage explosif de l'écrivain le plus excitant venu du sud du Rio Grande depuis longtemps, Les détectives sauvages suit Belano et Lima à travers les yeux des gens dont ils croisent le chemin. en Amérique centrale, en Europe, en Israël et en Afrique de l'Ouest. Ce choeur comprend les muses du réalisme viscéral, les belles soeurs Font; leur père, architecte interné dans un asile de Mexico ; un jeune disciple sensible d'Octavio Paz; un étudiant diplômé américain grossier; une Française qui avait le goût du marquis de Sade ; l'arrière-petite-fille de Léon Trotsky; un passager clandestin chilien avec un don mystique pour les chiffres ; l'héritière anorexique d'un empire mexicain de sous-vêtements ; un photojournaliste argentin en Angola ; et des cintres assortis, des détracteurs, des critiques, des amants, des employeurs, des vagabonds, des personnalités littéraires réelles et des connaissances aléatoires.

Descendant polymathe de Borges et Pynchon, Roberto Bolaño retrace le lien caché entre littérature et violence dans un monde où les frontières nationales sont fluides et où la mort se cache dans l'ombre de l'avant-garde. Les détectives sauvages est un original éblouissant, un grand roman latino-américain du XXIe siècle.

effleurements livresques, épanchements maltés http://holophernes.over-blog.com © Mermed
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