Oeuvres complètes, tome 5 : Les détectives sauvages

La librairie Rebeca Nodier est tenue par Rebeca Nodier elle-même, une vieille dame de plus de quatre-vingts ans, complètement aveugle, habillée de blanc récalcitrant assorti à sa dentition, armée d'une canne et qui, alertée par le bruit, le sol est en parquet, se présente tout de suite au visiteur de sa librairie, je suis Rebeca Nodier, etc., pour finalement demander à son tour le nom de "l'amoureux de la littérature" qu'elle a "l'honneur de connaître" et se renseigner sur le genre de littérature que celui-ci recherche. Je lui ai dit que je m'intéressais à la poésie et Mme Nodier, à ma grande surprise, a dit que tous les poètes sont des bons à rien mais qu'au lit ils ne s'en tirent pas mal du tout. Surtout s'ils n'ont pas d'argent, a-t-elle dit. Ensuite elle m'a demandé mon âge. Dix-sept ans, ai-je dit. Ouh là là, mais c'est que vous êtes un gamin, s'est-elle exclamée. Et après : vous ne pensez pas voler un de mes livres? Je lui ai assuré que je préférerais plutôt mourir. On est restés un moment à bavarder et ensuite je suis parti.

"...le fond de la question est de savoir si le mal (ou le délit ou le crime ou comme vous voudrez l'appeler) a une cause ou s'il est fortuit. S'il a une cause, nous pouvons lutter contre lui, il est difficile de le battre mais une possibilité existe [...] Si le mal est fortuit, au contraire, nous sommes foutus."

[...] je voyais les efforts et les rêves, tous confondus dans le même échec, et cet échec s'appelait joie."