pendez le notaire

- Oui, dis-je, jusqu’ici le meurtrier nous apparaît parfaitement sensé. Mais, ensuite, il agit en fou. Il a toute possibilité d’achever le malheureux notaire d’un autre coup qui sera mis au compte de l’accident, puis de s’enfuir. Au lieu de quoi il va chercher dans la grange en construction une corde qu’il sait y être – nouvelle preuve que c’est un homme du village ! Il traîne sa victime expirante jusqu’au calvaire, lui passe le filin au cou et tire sur l’autre bout après l’avoir jeté par-dessus un bras de croix de gauche – celle du mauvais larron so l’on en croit la tradition – comme sur une poulie. Le notaire n’a pas dû se débattre ; il ne devait lui rester qu’un souffle de vie. Tu l’as vu comme moi : le pauvre diable a la figure de quelqu’un mort en dormant, d’un arrêt du cœur.

- Bon ! Et, mort, il l’aurait pendu aussi bien ? Pour la mise en scène ?
- C’est probable ! affirmai-je.
- Alors déclara Rucher, il n’y a peut-être qu’un accident, sans plus ?
Je le regardais avec stupéfaction. Il se frottait les mains. Il reprit :
- A mon tour d’hypothèser, si j’ose dire. Tu admets que la direction de maître Papon a pu casser subitement ? Ou que l’extinction brusque de ses phares de nuit, ait pu lui faire quitter sa route et le lancer en bas du talus, après ralentissement ?

Mise en scène ? Parfaitement ! Seule explication possible : l’assassin est un maniaque, un obsédé, un romantique. Il haïssait ce Papon ; il le haïssait si fort qu’il écrivait sur les murs : » Pendez e notaire ! ». Rappelle-toi cette énorme inscription. N’est-ce pas le fait d’un obsédé à l’idée fixe ? Eh bien !

Un hasard lui permet d’assommer son ennemi. Il ne se contente pas de cela. Il veut réaliser son souhait. Le calvaire est là, il va l’y pendre. Personne pour le voir. Si c’est d’un maboul de ce genre qu’il s’agit, sois sûr que le danger qu’il courait ne l’a pas fait hésiter une seconde !

- Au fait ? dit Rucher. Il l’était peut-être, mort ?
- Quand on l’a pendu ? Alors, pourquoi le pendre ?
J’eus comme une illumination.
- Attends un peu. Mise en scène ? Parfaitement ! Seule explication possible ...