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Critique de thedoc


La petite fille sur la banquise est apparue dans cette cage d'escalier, un après-midi du mois de mai.
Elle rentrait chez elle, tout simplement, un paquet de Carambars dissimulé dans sa robe tablier rouge. le monsieur est monté avec elle, il avait besoin d'un service. Et puis, là, entre deux étages, il l'a arrêtée, elle deux marches au-dessus de lui.
Et le monde de la petite-fille s'est arrêté.
Et les méduses sont arrivées.

Lors de sa sortie en 2018, j'ai bien sûr entendu parler du récit autobiographique de la comédienne Adélaïde Bon, « La petite fille sur la banquise ». J'en ai lu quelques extraits dans la presse et je n'ai pas eu le courage d'aller plus loin. Puis , alors que ce livre sortait en poche, j'ai vu dans le même temps sur Internet une interview de l'auteure. Bouleversante. Terriblement touchante. Et là, je me suis dit : elle a eu le courage d'écrire ce livre alors nous, lecteur, on peut bien faire le petit effort d'accueillir son témoignage et de lui porter, à travers notre lecture, un infime soutien.

Adélaïde Bon a été violée à l'âge de 9 ans par un inconnu dans son immeuble, dans un quartier cossu du 16ème, à Paris. Elle est issue d'une famille catholique aimante et bourgeoise, où l'on ne parle pas des choses du corps. Adélaïde ira au commissariat et Adélaïde ira voir un pédiatre. Et cela en restera là.
Viol : il lui faudra 20 ans pour définir ainsi l'acte. Adélaïde va souffrir d'une amnésie traumatique, elle ne se souvient de rien, ou si peu. Mais son adolescence, puis sa vie d'adulte, vont être une longue descente aux enfers : boulimie, drogue, envies suicidaires, dégoût de son corps qu'elle malmène, sexualité pervertie, des relations avec les hommes en montagnes russes. Des conduites à risque qui sont autant les symptômes et les conséquences de son stress post-traumatique. Ces comportements sont ses méduses, celles qui enflent sans prévenir à n'importe quel moment, n'importe où, qu'elle soit adolescente ou devenue mère.
Adélaïde, tout en cachant son mal-être à sa famille et à ses amis, va chercher l'origine de sa souffrance. Elle va multiplier les thérapies, voir différents psychologues, tout tenter pour s'en sortir. Et les années vont s'égrainer… jusqu'à l'appel de la police, un soir d'hiver, alors qu'Adélaïde a 31 ans et est enceinte de cinq mois.

Adélaïde Bon a trouvé dans l'écriture le moyen d'avancer. Dans un style à la fois poétique, distancié et incisif, elle cherche et fouille les méandres de son mal être destructeur. Adélaïde, « je», parle d'« elle », la petite fille sur la banquise. Mais ce récit, c'est aussi l'élan d'espoir d'une jeune femme qui s'ouvre aux idées féministes et découvre une sororité réparatrice et solidaire. C'est enfin le récit d'une enquête policière et d'un procès comme il en existe tant, où selon la jurisprudence, « on peut détruire la vie d'une femme pour le prix d'une voiture d'occasion ». Adélaïde a tenu, jusqu'au bout.

La petite fille sur la banquise s'en est allée il y a déjà bien longtemps mais « la vie n'abandonne jamais, au tréfonds des océans, dans les ténèbres, elle luit ».

Un livre essentiel, intense, douloureux et universel.
Merci Adélaïde Bon.
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