Et ce monsieur-là, planté devant les offres d’emploi comme s’il allait soudain en faire pousser d’autres, avec sa veste qu’a besoin de pressing et sa petite sacoche cirée ; s’il n’a dedans que sa fiche de pointage, m’étonne qu’elle fasse ventre creux. On dirait un représentant, mais de quel commerce ? Et ce n’est pas ici qu’on les recrute. Blanc, si je ne suis pas tout seul, on est combien : un sur quatre ? Et eux, les camarades, ils y portent attention ? Ça fait encore du monde, un sur quatre, sur deux millions à chômer qu’on est. Qu’on ne me demande pas ma carte d’identité, c’est devant eux, et donc bien consciemment petite vexation qu’on leur fait
Étincelante de sa pluie juste finie, la ville semblait souterraine et son ciel, comme si la nuit en faisait le tour sans oser le noircir, une voûte sur ses rues ; la lune peut-être artificielle à force, s’allumant et s’éteignant à mesure du galop de nuages déchiquetés, de ressembler à une enseigne publicitaire, porte ronde où rien n’aurait pu passer et buvant sa lueur plutôt que la renvoyer.
Je ne connaissais pas, à l’époque, la phrase de Roland Barthes : « On écrit toujours avec de soi.» Le roman tient sans doute sa magie de cette extrapolation : on rend transmissible une expérience, ou du moins on construit que la lecture témoigne d’une expérience, quand cette expérience n’est pas la vôtre directement. Je n’ai pas joué de guitare électrique solo dans un groupe rock des années 70, et encore moins aurais su participer à un match de football.
L’instrument bas sur ton ventre tu te rapproches du centre, amènes ta guitare à coller son corps à lui chanteur et tous deux soudés tu râpes du coude l’acier des cordes le palissandre de la touche — ô Gibson, comme si de cette seule violence de fer à bois résultait la morsure, résultait ce qui, issu du métal et du bois, est présence encore du chant, alors circulant oui plus large que vos deux corps — une même voix se modèle par tes mains et se hurle à ses lèvres trop pesamment fardées, orange et brillantes sous une suée pire que la tienne, une même voix et on finit par en jouer comme d'autres se parlent, quand à deux on est vraiment ensemble en musique c'est soudain être vingt.
Ce qui conduit au mariage n’existe pas. On s’est vus longtemps, avant de parler de quoi que ce soit, du plus simple. Pourtant on l’avait compris tout de suite, tous les deux. Des choses qui ne se disent pas : ne se disent même pas à soi-même, peut-être.
A l'occasion du salon "Rendez-vous de l'histoire" à Blois, rencontre avec François Bon autour de son ouvrage "Sapiens à l'oeil nu" aux éditions CNRS.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2323506/francois-bon-sapiens-a-l-oeil-nu
Note de musique : © Scott Holmes
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