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Edition Guérin (01/01/2001)
3.96/5   13 notes
Résumé :
"Cette nuit-là j'aurais dû mourir... Homicide raté... Un faux historique... Mensonge d'État..."
Ainsi s'exprime la colère de Bonatti.
Ce livre, document saisissant sur les dessous du grand exploit des Italiens en 1954, dossier complet d'un procès, "polar" de la haute altitude, est aussi et surtout le cri de colère d'un juste : Walter Bonatti, mythe vivant de l'alpinisme extrême, de l'exploration et de l'aventure.

"Quarante-sept ans après... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
La montagne, l'air pur des sommets, les alpinistes nobles et passionnés, que c'est beau !
Sauf que, certaines fois, l'histoire n'est pas si pure, si noble et si belle. Et cette affaire du K2 en est une illustration.
"Cette nuit-là, j'aurais dû mourir..." écrit Walter Bonatti. Et il ne mâche pas ses mots : "homicide raté", "faux historique", mensonge d'État". Mais que s'est-il donc passé qui justifie une telle virulence ?
Ce livre n'est pas un roman, c'est une compilation de choses diverses telles que le récit de Bonatti, les éléments du procès (parce que cette affaire sordide a débouché sur un procès en diffamation, que Bonatti a gagné), puis différents documents, lettres, témoignages, qui donnent l'éclairage final. Ce n'est pas une histoire d'alpinisme, mais une affaire juridique, et surtout une lutte acharnée de la part de Bonatti pour faire éclater vérité.
Le début est un peu confus, mais les différents éléments qui suivent permettent petit à petit de bien comprendre l'affaire et de se faire une opinion.
Où ? Qui ? Comment ? Et surtout, pourquoi ? Bonatti raconte tout, explique tout. Et la vérité est saisissante. Mais attention, ce n'est vraiment pas beau à voir.
Où ?
Le K2 est la seconde montagne du monde par la hauteur, mais première par sa dangerosité. Située au Pakistan, sa géométrie en fait un sommet bien plus difficile à gravir que l'Everest.
Qui ?
Des Italiens. En 1954, soit un an après la conquête de l'Everest, une expédition menée par le géologue-alpiniste-explorateur Ardito Desio s'attaque au K2.
Comment ?
Après des semaines de travail acharné pour établir les camps I à VIII, Achille Compagnoni et Lino Lacedelli sont désignés pour l'assaut final. Pour cela, ils doivent établir le camp IX, et y attendre les grimpeurs chargés de leur apporter l'oxygène indispensables pour la dernière étape. C'est Walter Bonatti, et un porteur pakistanais, Mahdi, qui sont choisis pour monter les précieuses bouteilles. C'est une tâche essentielle pour la réussite de l'expédition, mais terrible : l'altitude rend les moindres mouvements épuisants, le terrain est particulièrement difficile, et la charge affreusement lourde.
Les deux hommes ne ménagent pas leurs efforts, et à la tombée de la nuit arrivent à l'endroit convenu. Et là, tout bascule. Compagnoni et Lacedelli ne sont pas là : pas de tente, aucune trace. Bonatti et Mahdi appellent, s'époumonent longuement, et finissent par obtenir une faible réponse venue de plus haut leur intimant de laisser sur place les bouteilles et de redescendre... puis plus rien. Injonction totalement insensée : il fait nuit, et la descente n'est pas envisageable, elle serait suicidaire.
Abandonnés par Compagnoni et Lacedelli qui restent cachés et muets dans leur tente, Bonatti et Mahdi n'ont pas d'autre choix que de rester sur place. Bonatti, à l'aide de son piolet, taille une minuscule plateforme où les deux hommes vont se poser et passer la nuit. Sans aucun équipement, sans aucune protection, sans vivres. Un bivouac forcé à plus de huit mille mètres, dans des conditions (température, vent) inhumaines.
Le récit de cette nuit est littéralement glaçant. C'est une lutte de chaque instant pour survivre. Il n'est pas question de dormir : tout endormissement serait fatal. Que les heures s'écoulent lentement ! Les deux hommes s'en sortent miraculeusement mais ne sont pas indemnes : Mahdi, victime de gelures, devra subir à son retour plusieurs amputations, quant à Bonatti, si sa constitution spécialement robuste et son entraînement hors-normes lui ont permis de s'en sortir sans dommages physiques, il restera marqué à tout jamais. On le serait à moins. "Un fait tel que celui-là marque d'une façon indélébile l'âme d'un jeune homme et déstabilise son assiette spirituelle encore insuffisamment affermie."
Pourquoi ?
Quelle raison a bien pu poussser Compagnoni et Lacedelli à abandonner Bonatti et Mahdi et à leur faire risquer leur vie dans un bivouac qui reste le plus (tristement) célèbre de l'histoire de l'alpinisme ? Aucune raison valable ! Rien ne peut justifier ces actes. On peut légitimement penser qu'ils voulaient être certains de ne pas avoir de concurrence pour l'assaut final : ils craignaient sans doute Bonatti, jeune grimpeur talentueux et plein d'énergie. On comprend bien que celui-ci parle d'homicide raté. Non, ses mots ne sont pas trop durs.
Je vous avais prévenus que cette affaire était bien vilaine... mais attention, ce n'est pas fini.
Les Pakistanais, furieux de voir ce qui est arrivé au porteur Mahdi, exigent des explications. Et c'est là qu'arrive le nauséabond.
Le succès de l'expédition (car Compagnoni et Lacedelli sont parvenus au sommet, grâce à l'oxygène apporté par Bonatti et Mahdi !) prime avant tout. C'est capital politiquement pour l'Italie qui sort de la guerre et doit redorer son image après les années de fascisme, et c'est important pour l'ego d'Ardito Desio.
La vérité n'est pas belle ? Eh bien, qu'à cela ne tienne : on va la maquiller. le bivouac forcé, les gelures de Mahdi ? On va tout mettre sur le dos de Bonatti. Comme l'écrira plus tard Robert Marshall : "Pauvre Bonatti... [il] était le bouc émissaire idéal". Eh oui, Walter Bonatti était jeune, naïf et confiant. Il ne s'est pas rendu compte tout de suite de l'ampleur qu'allait prendre l'affaire, et quand il a ouvert les yeux, c'était trop tard. Et c'est ainsi que s'est établie une version officielle de l'ascension qui le mettait en cause, l'accusant d'avoir voulu doubler Compagnoni et Lacedelli dans la course au sommet, d'avoir volontairement bivouaqué loin des deux hommes et d'avoir lui-même consommé de l'oxygène des bouteilles qu'il transportait, mettant en péril le succès de l'expédition.
Ainsi, un jeune homme de vingt-quatre ans qui a tant donné pour la réussite de l'équipe italienne, se trouve doublement trahi : abandonné en pleine nuit par deux alpinistes de son équipe, le voilà ensuite publiquement couvert de honte.
Bonatti luttera sans relâche pour faire rétablir la vérité sur la conquête du K2 et pour faire changer la version officielle erronée. Ce sera le combat d'une vie. Un combat solitaire car Bonatti a été abandonné par tous. Physiquement sur la montagne, mais aussi moralement par ceux de son équipe, par le chef Ardito Desio, par le club alpin italien... par tous.
Quarante ans plus tard, devant des preuves irréfutables exhumées par un médecin australien passionné d'alpinisme (Robert Marshall), qui a voulu faire la lumière sur cette affaire, le comité alpin italien a, du bout des lèvres, consenti à admettre que Bonatti avait joué un grand rôle dans la réussite de l'expédition... mais c'est tout ! Point de révision de la version officielle, pourtant désormais ridicule et dont tout le monde sait qu'elle est fausse. Quant à Compagnoni et Lacedelli, ils n'ont jamais admis qu'ils avaient menti.
Il faudra attendre cinquante ans pour que la vérité soit enfin rétablie. Quel gâchis !
Walter Bonatti est décédé en 2011, à l'âge de quatre-vingt-un ans. C'était un alpiniste remarquable, qui aurai dû avoir une brillante carrière, mais certains en ont décidé autrement.
Son livre est un cri, un cri désespéré d'un homme a qui l'on a refusé la vérité, d'un homme qu'on a essayé de tuer moralement, après avoir essayé de le tuer physiquement lors de cette épouvantable nuit de juillet 1954.
RIP monsieur Bonatti, vous pouvez avoir la conscience tranquille... ce n'est pas le cas de certains autres protagonistes de cette affaire.

Si vous voulez en savoir plus, voici un excellent article paru dans le Monde du 28 août 2001 :
http://www.masse-fr.com/Folie%20du%20K2%20-%203.html
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Walter Bonatti a été marqué au fer rouge par cette ascension du K2 en 1954. de la viendra une des plus belles voies des Alpes jusqu'à son effondrement, le pilier Bonatti aux Drus.
Au K2, il était le plus jeune de cette formidable équipe italienne. Que c'est il vraiment passé? La seule chose certaine, c'est qu'il n'a pas fait le sommet et qu'il s'en sentait capable. Il a ressenti cela comme une injustice.
Walter Bonatti est un champion, un compétiteur. Il n'aime pas perdre. Ce n'est pas de l'orgueil, non, cela a un sens. Il a l'impression de s'être fait floué au K2. Un livre pour nettoyer ce passé douloureux, ce traumatisme.

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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Il n'y a plus de doute désormais, nos camarades sont ailleurs, très probablement sous la bande de rochers rouges. Mais qui sait où ils ont bien pu aller se fourrer ? Pourquoi ce changement de programme ? Comment allons-nous faire à présent, dans le noir [...] Instinctivement je commence à m'escrimer à l'aveugle avec mon piolet, dans l'intention de creuser sur la pente une banquette assez large pour que nous puissions y tenir assis tous les deux côte à côte. Pendant que je travaille, je n'arrête pas de penser et des visions d'angoisse m'assaillent. Et soudain je me surprends à crier : "Non ! Je ne veux pas mourir ! Je ne dois pas mourir ! Lino ! Achille ! Vous nous entendez, j'en suis sûr ! Aidez-nous ! Espèces de salauds !"
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De sensation en sensation j'arrive à une sorte d'extase, de ravissement qui m'emporte loin du réel et de tout ce qui est purement physique. Un état de conscience que je n'avais jamais connu jusqu'ici.
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L'aventure est un engagement de l'être tout entier et sait aller chercher dans les profondeurs ce qui est resté de meilleur et d'humain en nous. Quand le paquet de cartes n'a pas été truqué pour gagner à tous les coups existent encore le jeu, la surprise, l'imagination, l'enthousiasme de la réussite et le doute de l'échec. L'aventure.
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Mais chacun sait qu'il n'y a pas de force plus grande ni plus méritoire que celle qui pousse une conscience à reconnaître ses propres erreurs.
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Videos de Walter Bonatti (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Walter Bonatti
Interview de Charlie Buffet pour la sortie du livre : La montagne étincelante de Walter Bonatti
Résumé du livre : Un inédit de l'immense alpiniste italien Walter Bonatti.
En août 1958, Walter Bonatti signe avec Carlo Mauri une ascension légendaire au Pakistan. le Gasherbrum IV, 7 925 mètres ! Quelques mètres lui manquent pour se placer dans la fameuse liste de quatorze 8 000, mais les alpinistes savent que cette montagne-là n'a aucune voie facile. Sa difficulté sidérante la place au-dessus de la plupart des autres. Pour Bonatti, l'ascension est un exorcisme, quatre ans après l'expérience traumatisante vécue sur le K2, tout proche, où ses compagnons l'avaient abandonné une nuit en pleine tempête. Si cette ascension magistrale, que personne ne parviendra à répéter pendant presque trente ans, était passée presque inaperçue, c'est en partie parce que Bonatti avait été empêché de publier son récit, comme les contrats d'édition le stipulaient souvent à l'époque. Dix ans après la mort de ce géant de l'alpinisme, son récit inédit a été retrouvé dans les archives du musée de la Montagne, à Turin. L'auteur de À mes montagnes s'y exprime d'une plume intense, où les sentiments et l'action s'épaulent mutuellement pour créer un récit captivant. Qui n'a pas pris une ride.
Bio de l'auteur : Walter Bonatti est né à Bergame le 22 juillet 1930. Dès sa jeunesse, il se voue à l'alpinisme extrême. Il repoussera ensuite la frontière des possibilités humaines : il est l'auteur de chefs-d'oeuvre de l'alpinisme classique. La face est du Grand Capucin (1951), les faces nord de Lavaredo en hiver (1953). En 1954, son terrible bivouac à 8100 m sous le sommet du K2, fait de lui un solitaire. L'ascension en solitaire du Dru (1955), la traversée intégrale des Alpes à skis (1956), la première du Gasherbrum IV en 1958, la face nord des Grandes Jorasses en hiver (1963), la face nord du Cervin (1965). Sur ce dernier exploit, il abandonne l'alpinisme extrême, pour se consacrer à l'exploration des régions les plus reculées du monde.
#Guerin #livres #chamonix #Bonnatti #alpinisme
+ Lire la suite
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