Troisième volet consacré au sergent Hoke Moseley, de la police de Miami,
Dérapages reprend à grands traits la structure sur premier roman de la série,
Miami Blues. D'un côté Hoke Moseley, flic en surpoids affublé de dentiers vaguement bleutés et de deux filles adolescentes, qui partage une maison avec sa collègue cubaine enceinte. Hoke, sous pression parce qu'il a trop bien travaillé sur ses dossiers précédents et a donc écopé d'encore plus de travail, devient catatonique. Après que sa plus jeune fille l'a découvert dans sa chaise longue refusant d'articuler un mot après s'être pissé dessus, il rejoint Singer Island, où il a grandi, et décide de ne plus mettre un pied en dehors de l'île. D'un autre côté, Troy Louden, psychopathe à l'origine de braquages sanglants dans des supermarchés monte un nouveau coup avec l'aide du vieux Stanley Sinkiewicz dont la femme est partie après qu'il a été accusé à tort d'attouchements sur une enfant.
On se doute bien que les deux histoires finiront par se croiser, mais, en réalité, peu importe. Ce qui compte, c'est la manière dont
Willeford nous implique dans la vie de ses personnages. Des vies médiocres ou, au mieux, sans grand intérêt. Hoke tente de se reconvertir dans la gestion d'un immeuble pour le compte de son père, joue au Monopoly, découvre que sa fille est boulimique, s'intéresse au travail scientifique que l'un de ses locataires consacre aux taons d'Éthiopie… Stanley, débarrassé de sa femme, découvre la liberté en se plaçant sous la coupe de Troy et apprend à un complice à faire des lignes droites avec un pinceau sans utiliser de règle.
Personnages à la dérive, avec leurs qualités et leurs défauts, perdus dans une société qui n'est plus vraiment la leur et qui regrettent un passé qui n'était en fait guère mieux, Hoke et Stanley apparaissent comme les deux faces d'une même médaille.
La différence étant que Hoke est un peu plus déterminé et a encore quelqu'un à qui se raccrocher et dont il se sent responsable ; ses filles qui le rendent meilleur.
Et de ces histoires banales,
Willeford tire un roman nonchalant et accrocheur. Grâce à son humour qui transperce dans quasiment chaque phrase, cette dérision légère mais terriblement bien affutée, et ce sens des dialogues légèrement décalés. Grâce aussi à la tendresse qu'il porte à tous ses personnages sans exception. Il en ressort une atmosphère indolente où pointe toujours un semblant de tension dans laquelle le lecteur se laisse entraîner avec plaisir.
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