"Je vous souhaite beaucoup de bonheur
Dans la capture d'un électron
Qui cherche la justesse du verbe"
Tanella Boni, Ivoirienne, refuse que sa couleur de peau et son corps de femme soient source de discrimination et ses longs poèmes sont la marque de ce combat intérieur et poétique.
Ce recueil ressemble à un éternel voyage qui en lui refusant tout domicile, la renvoie sans cesse à ses origines. Ses racines, elle les porte avec elle, parfois les traîne comme une charge, mais elles peuvent aussi lui donner la force de l'identité. La couleur de peau comme limite, comme refus des autres et qui porte en elle une histoire de guerres, de sang, de violences.
Et puis, au coeur de l'actualité, ce poème: "Autant en emportent les Rêves". Un jeune enfant allongé sur une plage, innocent, anonyme, "image symbolique d'une humanité perdue". L'exil, la longue marche des réfugiés, encore le voyage.
Un autre:"Ceux qui ont peur des Femmes nues", et qui ont aussi perdu le sens de leur religion. Tanelle Boni parle à tous les peuples du continent africain.
Après ce dur voyage au coeur de la réalité, Tanella Boni nous donne le feu pour continuer à vivre avec tout ça, en quelques phrases à garder en soi:
"Dans le monde des petites choses
Le bon feu ne coûte rien
Il brûle il réchauffe
L'amour vaut tout l'or du monde
Allume une étincelle au coin de ton oeil
Et traverse le désert vide d'humains
Comme si la vie fleurissait
A toutes portes et fenêtres
Pour connaître les règles
Du monde impersonnel
Dont la violence écrase
Ta frêle présence
N'attends pas que la flamme
S'éteigne en toi. "
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Très joli recueil de poèmes de l'autrice ivoirienne Tanella Boni qui nous emmène à travers le monde, jetant un regard lucide sur la difficulté de l'exil, d'être une femme, à fortiori une femme noire, et cela quelque soit le pays où vous vivez.
Les mots sont mes armes préférées, titre du premier poème, révèle bien la subtilité avec laquelle l'autrice associe, compose et tisse ses phrases : le message est fort et poignant, notamment dans le poème Ceux qui ont peur des femmes nues, dénonçant l'extrémisme religieux et les persécutions subies par les femmes au nom de la religion.
Une lecture qui m'a fait sortir de ma zone de confort ... mais c'est tellement enrichissant :)
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J’ai trouvé un mot
Qui ne ressemble à aucun autre
Je ne l’ai pas inventé
Je l’ai croisé par hasard
Au détour d’une promenade
Le mot m’a fait un signe de la main
J’ai dit bpnjour au mot
Dont j’ignorais le sens
Je lui ai raconté mon envie
De retrouver les images
Qui m’habitent et créent mon monde
Le mot m’a tourné le dos
J’ai aperçu la forme d’une échelle
Ce temps intérieur est le mien
On y rencontre de petites musiques
Tissées fil à fil
Comme un pagne de coton fait main
Chaque plante
Chaque fibre y trouve sa place
Chaque insecte y apporte son chant
Et les tisserins à midi
Le souffle du beau temps
Ce temps noué à mes tripes
Rassemble l’essentiel de mes bagages
Je pose le pas sur d’autres terres
en emportant avec moi
Celle qui ne me quitte pas
Dans le monde des petites choses
Le bon feu ne coûte rien
Il brûle il réchauffe
L’amour vaut tout l’or du monde
Allume une étincelle au coin de ton oeil
Et traverse le désert vide d’humains
Comme si la vie fleurissait
À toutes portes et fenêtres
Pour connaître les règles
Du monde impersonnel
Dont la violence écrase
Ta frêle présence
N’attends pas que la flamme
S’éteigne en toi.
Un petit d'homme dormait au clair soleil
A la lumière des yeux du monde
Qui refusait de voir des visages
Sur la mer des traversées
Un visage sans aucun doute
Pas une plume d'oiseau un presque-rien
Perdu sur une plage entre deux continents
Le visage de l'innocence
Echoué sur la plage des horreurs oubliées
Autant en emportent les rêves
Tout départ est aussi un retour
Tu pars avec tes rêves
Tu pars avec ta vie tes souvenirs
Comme un dromadaire au pas lent
Tu portes tes bagages sur le dos
A bout de bras
D'escale en escale
Jusqu'au retour
Ton premier départ
En pays étranger
Tanella Boni "Les Idées mènent le Monde" à Pau - 2017