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Critique de Fleitour


Puissant roman sur la condition humaine. Un coup de coeur pour cette quête haletante de la vérité.

En explorant une nouvelle fois le monde de l'enfance Cathy Bonidan nous ouvre les yeux sur des réalités cachées, gommées souvent, le douloureux problème de la violence faite aux enfants. Dans son nouveau roman "Victor Kessler n'a pas tout dit", il n'y a rien de spectaculaire, ni de violences scénarisées, car le récit balise le chemin, contourne les obstacles comme les secrets, ne ferme aucune porte ou évite d'en ouvrir une.


J'ai retrouvé la magicienne Joyce Carol Oates, dans l'écriture subtile de Cathy Bonidan. La romancière dévoile la réalité de la condition humaine, elle creuse avec rigueur les ressorts de l'âme des jeunes enfants, et s'attarde à décrypter leurs angoisses comme leurs difficultés à s'exprimer. L'exploration diabolique des faits et des gestes, comme les minuscules témoignages lui ouvre le plus profond des êtres en décrivant avec finesse la psychologie des adultes, et leur délicates ou difficiles relations avec l'apprentissage de la vie.


Les deux grandes figures du livre, Victor Kessler, et Bertille, celle qui va devenir au fil des pages sa confidente, son antenne, sa vigie. Victor est l'instituteur de l'école, celui qui s'attache à Simon Dulac, le fugueur, jusqu'à tout faire pour tenter de l'extraire de ses tourments. Victor est aussi amoureux de la soeur du petit Dulac.


C'est une magnifique fiction, une poignante descente dans le coeur des frères et des soeurs. Certains vont s'inviter et tenir un rôle qu'ils n'avaient pas prémédité comme Christophe Houdin le frère de Simon. Bertille ne pouvais l'imaginer rentrer dans la gendarmerie pour retrouver la trace de Simon. Pourtant celui qu'elle qualifie " de vraie brute", aura pour Bertille, des mots de grande tendresse, "cette femme si forte et si fragile en même temps, ses parts d'ombres me bouleversent, page 387".

Bertille est une fille qui évolue dans une famille trop rigide pour qu'elle puisse trouver naturellement son équilibre. Son frère est trisomique, elle sera pour lui plus qu'une soeur, une mère avec amour et tendresse, il sera victime d'une noyade. Elle deviendra après ce drame fragile et incapable d'affronter les hommes. Bertille fera avec Nicolas le mauvais choix. Ce mari apprenant que Bertille attend une fille, sera comme un chêne recevant la foudre. Bertille devient une troisième victime, la victime de violences conjugales.


C'est pourtant Bertille qui va sortir Victor de sa torpeur qui va réaliser une enquête sur le terrain à la recherche de la Vérité, pour découvrir quelle est sa réelle responsabilité, pour savoir ce qui s'est passé, pour comprendre pourquoi cet homme semble porter un fardeau immense, une culpabilité insondable après la mort de Simon.


C'est à Pierre Lemaître que je pense, quand on décompose le cheminement vertigineux des faits qui peu à peu dégage un chemin au creux de la forêt des Vosges, pour déchiffrer ces familles apparemment sans problèmes, dont certaines réveilleront leurs sombres secrets.
L'intrigue se déroule avec tension incroyable, on s'accroche à chaque parcelle de vérité avant de voir les soupçons se diluer et nous narguer.


L'auteur a su nous faire aimer ou plutôt nous faire sentir par une poétique vibrante la nature de cette région souvent isolée, au relief émoussé, au climat désespérément humide et flou comme la brume qui s'accroche à la canopée des forêts vosgiennes

C'est un délice de lecture et de découverte, sur la difficulté d'être un enfant, lorsque les secrets hantent l'imaginaire des petits, et tourmentent les parents . Des secrets de famille  ? On ne peut pas s'en défaire. Si le titre suggère que Victor Kessler n'a pas tout dit, il n'est pas le seul. Si j'en crois Lamartine, "rien n'est vrai, rien est faux tout est songe et mensonge". Bientôt ce seront les douleurs qui seront les seules vérités de Bertille et de Victor.


Victor souligne en préface que la tranquillité est un don du ciel. S'il va réussir à franchir cette douleur, c'est à Bertille qu'il le doit. Et pourtant leurs premières rencontres aurait pu se terminer en désastre ; "les yeux exorbités de l'homme, son visage déjà ridé s'était ratatiné comme si le passage des années avait été filmé en accéléré pour vanter l'urgence d'une crème anti-âge, enfin les jambes avaient lâché".
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