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EAN : 9781093408072
Myriadis (03/09/2015)
4.62/5   4 notes
Résumé :
La domination adulte est une des manifestations de l'âgisme, qui regroupe les discriminations fondées sur l'âge qui structurent nos sociétés. Les enfants sont réputés particulièrement vulnérables et écopent sous ce prétexte d'un statut, dit « de mineur », qui leur retire l'exercice des droits dont jouissent les majeurs, les adultes. Ce statut
entérine en fait diverses formes de sujétions... et partant, de violences. La famille et l'école sont parmi les lieux ... >Voir plus
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Que lire après La domination adulte. L'oppression des mineursVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ce n'est qu'en ayant l'ambition de réaliser nos rêves qu'on peut prétendre leur donner une chance

Dans son avant-propos, Christine Delphy (publié sur le blog entre les lignes entre les mots)revient sur la famille, le mode de production domestique, l'appropriation du travail des femmes, les droits humains, « Les droits humains, fondés sur la notion de personne, ne peuvent exister car les individus ne sont pas, par définition, égaux entre eux, mais au contraire définis par leur inégalité même : à un degré de parenté du chef de famille, à deux, à trois, etc. Et de plus, femmes ou hommes. Et enfants ou adultes. Et libres ou esclaves. »

Elle insiste sur le statut d'enfant, le statut de « mineur », « un statut d'infériorité sociale générale, d'incapacité légale, de subordination, et d'appropriation », les systèmes scolaires punitifs et abrutissants, l'arbitraire régissant les relations « parent-e-s » – « enfants ». Elle parle aussi des agressions sexuelles sur les enfants, « en majorité le fait des parents – enfin, surtout des pères ou des oncles et grand-pères », ces agresseurs « Monsieur-tout-le-monde », des autres violences, du droit de gifler ou de fesser… « Or il est question d'actes qui sont des délits… quand ils sont commis par un adulte sur un autre adulte. L'idée que la même règle s'applique quand ils sont commis par un adulte sur un individu plus petit, plus faible, et dépendant : il y a bien de quoi s'esclaffer ! » (voir les récents débats à l'Assemblée nationale).

Enfants sans personnalité juridique, grande solitude et vulnérabilité légalement instituée, statut de mineur, statut de non-personne…

« Ce livre est important, parce qu'il met en cause non seulement le statut de mineur, mais du coup aussi son autre complémentaire, le statut de majeur : ce livre, dit Bonnardel, est « un plaidoyer pour l'égalité enfants-adultes ». Et cette proposition fait partie, pour lui, d'un projet plus large, contre « les dominations qui fondent notre monde commun et qui sont des rapports de pouvoir structurels qui empêchent tout un chacun de déployer et d'offrir véritablement toute sa richesse, son inventivité, sa fantaisie, son individualité, sa liberté, son amour et sa joie ». Un projet utopique ? Certes : mais n'est-ce pas ainsi que commencent tous les projets politiques ? »

Dans sa présentation, Yves Bonnardel parle des enfants qui fuguent, de l'école buissonnière, des lycées occupés, de collectifs de mineurs, de regroupement d'enfants-travailleurs, de la présence des enfants et des adolescent-e-s sur les barricades et dans les révolutions…

Car des enfants et des adolescent-s participent aux luttes, combattent pour leur indépendance ou leur autonomie. Avons-nous toutes et tous oublié nos propres colères, écoles buissonnières, fugues, révoltes contre l'ordre parental et scolaire ?

« Nul d'entre nous n'a jamais souhaité être traité « comme un enfant ». Alors, pourquoi nous permettons-nous de traiter les enfants « comme des enfants » ? qu'ont-ils donc fait pour mériter de continuelles remarques, injonctions et sanctions ? Pourquoi sont-ils livrés à l'arbitraire des adultes qui les ont sous leur responsabilité ? Pourquoi ne pourraient-ils pas être eux-mêmes maîtres de leur propre vie ? »

Souvenons nous de nos réactions la première fois que nous avons regardé le film de Jean Vigo « Zero de conduite » ou pour celles et ceux de la génération 70, le « If » de Lindsay Anderson…

Souvenons-nous de nos regards d'enfant sur ces grandes personnes. « Parler de la situation des enfants, c'est-à-dire, de la situation que leur imposent les adultes, c'est ce à quoi s'attache ce livre ». Les rapports adultes/enfants peuvent et doivent être abordé sous un angle politique, comme tous les rapports sociaux.

L'enfance « comme institution sociale » mais posée comme naturelle, le statut spécifique, ce statut d'exception, « L'état d'exception : la dérogation au droit commun comme fondement de la sphère privée » (Christine Delphy), le statut de mineur posé comme protecteur.

« L'âge dit d'enfance se confond donc aujourd'hui avec cette « qualité » de mineur, qui est une catégorie juridique et politique qui a une histoire, qui n'a pas toujours existé ». L'âge n'a en effet pas toujours été pris en compte, ni dans l'histoire européenne ni dans les histoires d'autres sociétés. L'âge est par ailleurs à dimension variable, pour être jugé et condamné, pour entrer en religion, être mariée de force à un « vieux », mobilisé à la guerre, endoctriné par les organismes para-militaires ou les ordres religieux, etc…

Qu'en est-il donc de l'autonomie de l'individu-e ou de son absence ? L'enfant ne serait-elle/il pas un-e individu-e ?

Yves Bonnardel parle (il approfondira ces thèmes dans les différents chapitres) de luttes de mineurs, de maltraitance structurelle, de système politique, du travail des enfants, « leurs possibilités d'accès personnel à des ressources, c'est-à-dire, à leurs possibilités réelles d'existence et d'indépendance », de la revendication d'abolition du statut de mineur, de rapport social adulte/enfant, d'analyse politique des catégories d'adulte et de parent-e…

Un véritable plaidoyer pour l'égalité adultes-enfants, une contribution « à fournir et fourbir des outils et des armes à des mouvements d'émancipations nouveaux, vivants, joyeux et imaginatifs ! ».

Sommaire :
Des luttes mineures ?
La condition d'enfant
Notre fabrication de l'enfance
L'éducationnisme
Dans le monde, l'accès individuel aux ressources
L'abolition du statut de mineur
En finir avec l'adultes
De si nombreux possibles…
et cinq annexes

Je n'aborde, dans le désordre, que certaines questions traitées dans ce riche ouvrage.

Yves Bonnardel parle des grandes luttes lycéennes ou collégiennes des débuts de « l'ère scolaire » (Sur les grèves d'écoliers à Hull en 1911 : Danièle Rancière : voir blog entre les lignes entre les mots) des organisations de jeunes luttant contre l'enfermement scolaire.

Il y a un gouffre entre les institutions scolaires et le « Apprendre librement au lieu d'apprendre sous la contrainte dans des « prisons à mi-temps » »…

L'auteur met en relation cette critique de l'école avec le statut de mineur, l'idéologie de l'enfance, les discriminations fondées sur l'âge…

En référence à « une chambre à soi » de Virginia Woolf, Yves Bonnardel nous rappelle que « pouvoir choisir à sa guise un lieu de vie qui nous soit propre est condition première à toute libération, autant pour les femmes que pour la jeunesse ». Il s'appuie sur les analyses de féministes matérialistes, et en particulier, sur celles de Christine Delphy et de Colette Guillaumin, pour souligner les rôles mortifères de la famille.

J'ai particulièrement apprécié ses mises en perspectives historiques de la famille, l'invention de l'enfance…

A très juste titre, Yves Bonnardel parle des enfants travailleurs/travailleuses, de leurs organisations et revendications (plusieurs déclarations sont reprises sur le blog entre les lignes entre les mots)
Travail et donc ressources permettant à la fois la construction de l'autonomie et les choix, « il n'est possible de vivre « librement » qu'à la condition de ne pas dépendre d'une autre personne pour sa survie matérielle ». Travail et travail scolaire. Il y a une véritable hypocrisie à dénier aux enfants de pouvoir travailler comme salarié-e-s sans leur garantir des ressources adéquates à leurs besoins, alors qu'elles et ils sont obligé-e-s de participer aux travaux (y compris productifs) dans la sphère dite domestique, sans oublier le long temps de travail scolaire. Ce pose donc la question de la « juste » rémunération du travail ou du revenu d'autonomie…

L'auteur consacre un chapitre à la « condition de l'enfant », sa construction historique, « le gouvernement des familles », le gouvernement par la famille, les rapports de propriété entre parent-e-s et enfants et les « droits extravagants » qui en découlent ou les fondent, l'autorité et ses conséquences. Il rappelle que contrairement aux thèses naturalisantes, la filiation est toujours sociale et que « les possibilités de filiations sont infinies ». Je souligne les pages sur la violence d e l'ordre adulte.

Yves Bonnardel souligne, à de multiples reprises, les facultés critiques des « enfants », leur capacité à décrypter le monde.Il parle des conditions matérielles (y compris dans leur dimension idéelles) de la construction de soi, de la place des expériences et de la curiosité…

Contre les visions euro-centrées, l'auteur rappelle que « les façons d'être humain sont extrêmement diverses ». J'ajoute : ou extrêmement semblables…

L'auteur critique les politiques familialistes, le système de cloisonnement familial laissant chaque enfant « prisonnier des conditions socio-économiques et culturelles de sa parenté », le protectorat institutionnellement imposé aux enfants, régime discriminatoire, régime dérogatoire au droit commun, l'éducation à l'incompétence, l'éducationnisme, la violence de l'éducation, l'antinomie entre éducation et égalité… Les formes de socialisation réellement existantes, outre leur caractère hétéro-sexiste, sont largement contradictoires à la construction d'individu-e-s autonomes, libres…

Je souligne aussi les pages sur l'abolition du statut de mineur.

« Il ne tient qu'à nous de prendre le large et sentir dans notre vie souffler le vent des possibles… et écarquiller nos grands yeux sur l'infini »

Il convient donc de repenser l'enfance, les apprentissages, le travail… Et commencer par « abolir le statut de mineur ».

Le livre aurait gagné à prendre en compte les contradictions inscrites dans la famille, dans l'éducation, y compris scolaire. Reste aussi à favoriser les auto-élaborations, parler des conditions d'autres organisations sociales plus respectueuses des constructions de l'autonomie, de l'égalité et de la liberté des un-e-s et des autres… et des difficiles transitions nécessaires pour y arriver…
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, on a donc commencé à isoler l’enfant de la vie commune : pour préserver sa moralité, pour l’éduquer, en lui interdisant telle ou telle attitude, en lui en prescrivant d’autres. L’optique de l’époque était celle du redressement, en relation avec le projet constitutif de la modernité : celui d’une raison soucieuse de maîtriser et de redresser la nature en la soumettant aux normes qu’elle lui impose de l’extérieur.

De façon très logique, pour les utopistes, qu’ils fussent bourgeois, socialistes ou anarchistes, l’éducation a été conçue comme le socle sur lequel s’érigerait l’ordre nouveau ; pour les “réactionnaires”, c’est sur l’éducation également que se reconstruirait en revanche l’ordre ancien. Bref, l’éducation est devenue un enjeu de pouvoir démesuré, dont les enfants font toujours les frais et sont les premières victimes.

C’est à partir du XIXe siècle que la société se donne véritablement les moyens d’encaserner les enfants. La notion de protection, on l’a vu, a commencé à se développer en même temps qu’on se souciait de préserver “l’enfant” des travaux industriels puis agricoles pénibles et de relever l’âge à partir duquel il pouvait travailler. Moins il pouvait travailler jeune, plus “l’enfant” était perçu comme incapable par nature, parce qu’enfant et immature, de subvenir seul à ses besoins et même, progressivement, de faire face aux situations les plus simples de la vie quotidienne.
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pouvoir choisir à sa guise un lieu de vie qui nous soit propre est condition première à toute libération, autant pour les femmes que pour la jeunesse
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Il ne tient qu’à nous de prendre le large et sentir dans notre vie souffler le vent des possibles… et écarquiller nos grands yeux sur l’infini
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il n’est possible de vivre « librement » qu’à la condition de ne pas dépendre d’une autre personne pour sa survie matérielle
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Apprendre librement au lieu d’apprendre sous la contrainte dans des « prisons à mi-temps »
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