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EAN : 9791092444452
152 pages
l'Atelier contemporain (19/08/2016)
4.25/5   4 notes
Résumé :
(BEAU LIVRE)

Recueil complet des essais du poète Yves Bonnefoy sur le peintre Alexandre Hollan : 30 ans de réflexions. Le livre est largement illustré, dans une présentation réalisée par l'artiste lui-même.

Jérôme Thélot :
Le présent volume rassemble tous les essais qu’Yves Bonnefoy a consacrés à l’œuvre d’Alexandre Hollan et les donne à lire dans l’ordre chronologique où ils ont paru. Ces essais diffèrent les uns des autres par ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Ce livre magnifique regroupe neuf essais d'Yves Bonnefoy sur la peinture d'Alexandre Hollan. L'ouvrage s'apparente à un catalogue d'exposition dans lequel le poète tente de transmettre l'indicible que le peintre nous donne à voir en image. L'exercice difficile et nécessaire est réalisé ici avec élégance. Les oeuvres d'Alexandre Hollan ne sont pas facilement accessibles au novice, mais Bonnefoy réussit à dire le silence méditatif à l'origine du geste créateur du peintre. Evidemment, les deux artistes nous parlent d'arbres, sujet de prédilection d'Alexandre Hollan, mais surtout Yves Bonnefoy nous parle de l'essence de l'être et des choses en des mots compréhensibles par la majorité. Alexandre Hollan nous montre le silence et surtout la présence au monde lorsque le langage cesse d'analyser, lorsque l'esprit cesse de nommer ce qu'il voit pour se le représenter. Ses tableaux ne présentent presque aucune forme définie, les arbres que l'on perçoit sont visuellement flous, fruit d'une observation englobante qui ne s'attache pas tant aux détails mais se rapproche bien d'avantage d'une méditation en présence de l'arbre indépendamment de son contexte.
Je n'ai jamais vu de mes yeux de peintures d'Alexandre Hollan, mais les reproductions proposées dans ce livre édité par L'Atelier contemporain m'ont apporté quasi instantanément une certaine sérénité, elles m'ont plongé dans un silence intérieur, méditatif, inespéré au moment où j'ai ouvert le livre – j'étais alors dans un état d'agitation certain. Les textes d'Yves Bonnefoy ensuite m'ont permis de comprendre cette sensation.
Cette lecture et ce regard, qui par l'intermédiaire des arbres, me parlent de silence, me permet notamment de faire le lien avec un autre livre de L'Atelier contemporain, Tant de silences, un recueil de poèmes de Christophe Fourvel, que j'avais beaucoup aimé. le travail d'Alexandre Hollan explicité par Yves Bonnefoy me semble plus expressif encore que les textes de Christophe Fourvel dans cette transmission du silence, et de la présence au monde surtout.

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Tout d'abord merci à Masse Critique Babelio pour m'avoir offert ce beau livre.
Il est un recueil de textes du poète Yves Bonnefoy en lien avec les oeuvres du peintre Alexandre Hollan.
Ne connaissant ni l'auteur ni le peintre avant cette lecture, j'en ressors satisfaite d'avoir fait une belle découverte !
Les mots d'Yves Bonnefoy percutent, les toiles de Hollan intriguent...nous sommes ici plongés dans un univers particulier que l'on aime ou que l'on déteste. Les poèmes ne sont pas de lecture aisée, les peintures (représentant uniquement des arbres) étranges ou magnifiques.
C'est évidemment une oeuvre pour un public passionné averti, je n'ai pas de compétences pour une critique plus affûtée hélas!
Un extrait résume plutôt bien mon sentiment:
"Dans cette fois des études d'arbres Hollan affronte cet être-là se faisant présence, il peint des surgissements, des rencontres, il parle avec l'olivier ou le chêne, et ceux-ci ne sont plus des hasards de son environnement mes des compagnons de sa vie...(..).
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Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
On sait beaucoup de l’œil et peu du regard. On sait comment l’impression optique est transmise au cerveau, synthétisée, on comprend même pourquoi, par la voie de complémentarités, de nuances, la couleur se fait agrément si ce n’est même beauté – mais comment expliquer de quelle façon notre regard traverse la couleur, la forme, pour appréhender dans la chose ce qui fait qu’étant cela elle est aussi, et d’abord, ce qui est là, devant nous ; ce qui fait que dans l’apparence peut se lever la présence ? Pourtant c’est bien ce qui a lieu, quelquefois. À la pensée qui analyse, mais de ce fait même se perd dans la réalité de matière, indéfiniment fragmentable, s’est substitué alors l’acte de sympathie qui fait que le monde à nouveau respire, et nous en lui.
L’art, à son plus haut, est cette transmutation par laquelle la vue, à son plus simple, se fait ce qui rend la vie. Et Hollan est un de ces quelques justes grâce auxquels, dans une peinture aujourd’hui dangereusement détournée de l’être sensible, un peu de l’absolu traverse encore les branches, brille encore dans l’eau des sources. Car regarder, pour lui, c’est rejoindre ce point, à l’intérieur de ce qu’il regarde, d’où l’être propre de cet objet, de cette existence s’élance, s’unit à sa figure visible, la doue de rayonnement : c’est percevoir ce qui est trempé de l’eau d’avant la lumière, comme c’est le cas dans les souvenirs d’enfance ou les lieux que l’on imagine à la lecture des grands poèmes, ainsi chez Wordsworth ou Nerval.
D’où ces noirs et gris admirables dont Hollan fait ces grandes figures d’arbres qu’il passe des étés à approfondir, comme par un acte d’oraison qui n’aurait besoin pour connaître et signifier le divin que de l’infinie chose quelconque. Et dans ses natures mortes ces rougeoiements qui sont plus de la vibration que de la couleur – on les entend, sons fondamentaux, là où encore la vue hésite, c’est le « Si tu veux voir, écoute » de la tradition mystique, cet irremplaçable amont de la vraie peinture. Hollan, à sa façon, est peintre d’icônes. Il cherche par quelle voie dans l’image notre rapport à la transcendance – ou l’immanence, comme on voudra – peut reprendre, malgré les mots qui ne savent plus ; par quel silence des formes l’apparence transfigurée peut poser à nouveau, pour un jour, sa main méditante sur notre épaule. [1989]
(…)
Chez Hollan l’approche de la réalité hors langage a lieu dans des peintures où il descend jusqu’au vertige dans l’abîme de la couleur sur des chaudrons rouillés, des brocs, des fruits posés auprès de ceux-ci sur un fond délivré des dimensions de l’espace. Et ainsi la nature morte — il préfère dire « vie silencieuse » — exerce-t-elle à nouveau, comme chez Chardin, sa fonction de résurrection. Car ce que rejoint ce travail qui transgresse si fort, par la grâce des yeux, les pouvoirs d’observation du simple langage, c’est évidemment l’unité que méconnaît la pensée analytique, c’est la coïncidence avec soi que cette unité assure à la chose : et peut alors avoir lieu le second pas. Dans cette fois des études d’arbres Hollan affronte cet être-là se faisant présence, il peint des surgissements, des rencontres, il parle avec l’olivier ou le chêne, et ceux-ce ne sont plus des hasards de son environnement mais des compagnons de sa vie, laquelle se confond de ce fait avec sa recherche de peintre, au meilleur de son devenir. Le passage de la perception d’infini à l’attestation d’absolu a décidé d’une vie. Exactement ce que la poésie permet d’espérer, qui est dans les mots la même visée que celle qui entraîne Hollan dans les profondeurs du visible.
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Je vais tenter maintenant d’analyser ce travail. Et comme Alexandre Hollan y a réfléchi
lui-même, avec beaucoup de justesse, et en a décrit les quelques grandes façons, ce sera assez
constamment en l’écoutant nous parler de ces dernières. Si elles sont simples en tant que
techniques de dessinateur ou de peintre, on doit d’ailleurs constater qu’elles ne prennent
pour lui leur sens qu’à un niveau bien plus intérieur que le simple rapport au médium ou au
support: plutôt s’apparentent-elles aux méthodes que les écoles de spiritualité ont élaborées
en Orient, parfois non sans relation avec la création artistique: pensons aux peintres zen, à
leur méditation des pinceaux, des encres, du trait.
Une des techniques de Hollan, la plus fondamentale peut-être, porte sur le rapport à
l’espace. Ce que j’appelle espace – mais ce n’est pas toujours dans ce sens que Hollan retient
le mot –, c’est ce dont nous a dotés le langage, ce que d’abord il a structuré: un champ où
les objets se situent les uns à côté des autres par le truchement de leur apparence extérieure,
précisée par voie de géométrie, ce qui fait que la perspective, celle que la Renaissance a élaborée et érigée en système, en est l’expression la plus complète, cependant que la représentation mimétique, cette approche du monde par le dehors, en est la conséquence obligée. De
l’espace ainsi entendu, l’expérience d’un lieu est l’antagoniste, puisqu’être en un lieu, vivre
ainsi, c’est avoir avec quelques êtres ou choses des rapports personnels, donc intérieurs, non
représentables, avec un centre ici, un point où l’on est, par opposition au «là-bas» du point
de fuite; et le simple fait, pour Hollan, d’avoir fait élection d’un lieu tend à le délivrer de
l’espace.
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Deux tentations assaillent l’esprit, depuis la Grèce. Soit faire confiance au langage, ne
s’attacher aux faits du monde et de la vie que par le truchement de ses notions, aussi rationnellement articulées que possible, ne retenir de l’expérience vécue que ce que ce discours
organise, éclaire; soit ressentir que le filet ainsi jeté sur le lieu où l’humanité se cherche, et
semble d’ailleurs se perdre, n’en retient que des aspects, dont la valorisation nous détourne
de reconnaître le vrai réel : cette unité au-delà de toute figure, où l’existence particulière à la
fois se dissipe et s’illimite.
La première de ces deux tentations a conduit en art à la prédominance de la mimésis,
de la représentation qui se veut fidèle à une figure d’objet qui n’est en fait que ce qu’a décidé
de celui-ci le langage. Cet art de l’imitation supposée voie de la vérité a été la loi du monde
gréco-romain, puis a repris à la Renaissance, au second grand moment du projet d’organisation du monde par une parole laïque. Et quoi qu’on puisse en penser, il est encore aujourd’hui
la référence majeure, dans la mesure où la plupart des expérimentations que l’on dénomme
artistiques ne sont que des réactions de l’être parlant aux expansions, aux explorations – et aux
contradictions, aux remous – qui se marquant dans le langage.
Et a seconde grande pensée, c’est celle qui, éprise d’un absolu pressenti au-delà des
mots, fut cause, en Occident, de l’art de l’antiquité tardive et du moyen âge. À l’époque
romane, par exemple, les peintres, les sculpteurs ont dit avec force leur intuition d’une réalité foncièrement transcendante à la phrase humaine, estimée incapable du regard synthétique associable au Verbe divin ; et cela les a délivrés de tout respect pour la représentation
prétendue exacte: le concept devant s’effacer dans ces grandes trouées que font les symboles
dans le voile des apparences. Époques, ces temps des Vierges noires ou de Tournus, où la
mimésis n’a certes pas entièrement disparu, parce que la cohérence dans les notions est le
grand intermédiaire au sein de la société simplement humaine; mais où déchirer le voile prime toujours sur représenter, et attester l’absolu sur laisser libre cours au récit du monde.
C’est là un besoin qui ne cessera pas de hanter les plus grands artistes, et fera dans les temps
modernes leur ambiguïté, quand elle ne reparaît pas à visage découvert chez un Cézanne ou
un Munch, un Van Gogh, un Giacometti.
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Hollan est arrivé à Paris en 1956, à vingt-trois ans, et c’est à Paris qu’il put rencontrer
enfin dans sa vraie ampleur la peinture de notre époque: mais il ne dévia pas de son intuition. Qui aima-t-il, en effet, sinon tout de suite, du moins assez vite, je l’imagine ? Bram van
Velde, ce dont il ne faut pas s’étonner. Bien que Bram ne paraisse connaître que la couleur, sur un fond neutre qui semble signifier un projet de peinture abstraite, en fait il est hanté
par la lumière du monde, ses couleurs ne l’ont détaché des choses que pour qu’il en pénètre
le mystère, on peut se sentir devant ses gouaches à l’extrême limite d’un regard quittant le
visible pour du ciel. Et Franz Kline, dont Hollan reconnaissait ainsi la grandeur – inégalée
dans son époque aux Etats-Unis, sauf par Hopper – et au plan même où elle se marque: non
dans la production de signes, malgré la violence du trait, mais par la clarté d’au-delà, qui en
foudroie l’enchevêtrement, qui dit que l’absolu ne se laisse prendre par aucun signe. Franz
Kline, Rothko aussi. Et Morandi, bien sûr, qui a fasciné tant des meilleurs dans la peinture
récente, mais dont le débat avec soi-même, si dur, si désespéré, ne ressemble pas, on le verra,
à la pacification, à la délivrance que Hollan demande à la peinture. Morandi fut pour Hollan
comme pour Palézieux un interlocuteur, un ami, plus qu’un maître dans la recherche pourtant commune à eux trois de la vérité spirituelle.
Au passage j’aimerais demander à Hollan si Mondrian a été important pour lui, non le
Mondrian abstrait et théoricien des années 20, mais le grand peintre du Nuage rouge, puis des
dissociations – vers 1913 – de la figure des arbres. Celui qui va bientôt se vouer à une autre
mise en question du visible a-t-il été sensible à cet intense questionnement des rythmes des
troncs et des branches, dans une lumière qui reste de ce monde; ou a-t-il été rebuté par les
choix intelligibles, les aspirations platoniciennes qu’on sent se former, pour une musique de
l’intellect, dans ces arbres de Mondrian restés ou plutôt devenus forme pure ?
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En somme, voir ou savoir; vouloir voir, simplement, ou imaginer savoir. La fourche
au milieu du tronc où deux besoins ou désirs de l’être parlant se séparent, encore noués l’un
à l’autre – dans ce trait qui surgit de l’encre – comme deux expansions de la même sève. Il
n’est que naturel qu’un artiste se place en ce point de la division des branches maîtresses, ne
voulant se priver d’aucune de ces poussées qui se font rameaux, feuillages, fruits, mouvement du vent dans l’épaisseur légère d’une grande œuvre.
Mais c’est aussi que les arbres, ce sont à la fois des êtres, essaimant leurs aspects sous
notre regard comme le fruit disperse ses graines, et ce que la vie semble avoir prévu pour
que naisse au-delà de ses formes à elle, privées encore de sens, l’idée même du signe, celle
dont voudront les langues pour leurs inscriptions, leurs rites magiques, leurs spéculations
spirituelles. Après que le bruit dans le monde – peut-être, à travers le chêne, celui du vent – a
suggéré la parole, c’est a forme si remarquable de l’arbre qui serait venue en silence se placer
auprès du son se faisant esprit.
Est-ce là rêver, oui, bien sûr. Mais si nativement est forme qui retient à soi, qui semble
valoir par soi, qui appelle à réflexion sur ce qu’elle est, sur ce qu’elle peut, sur sa raison
d’être dans le monde, la branche qui se recourbe ou fait angle, mystérieusement, sur l’arrière-plan des nuages qui s’assemblent ou se séparent! Et semblablement la racine qui se
dégage, déjà le tronc, d’on ne sait où dans l’en deçà du visible! Et même ou surtout peut-être sont suggestion de forme devenant signe ces nœuds de forces qui gonflent de leur puissance
les points saillants de l’écorce. Hâte de l’arbre à pousser, impatience de la vie à être – mais ce
sont déjà les pleins et les déliés, les empâtements, les rameaux de l’encre qui se fait mot sur la
page. Et l’encre aussi a son rythme, ses accidents, ses éclaboussures de nuit dans sa lumière
à elle, celle de cette page où elle se risque.
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Videos de Yves Bonnefoy (31) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Yves Bonnefoy
Les derniers livres d'Yves Bonnefoy (1923-2016) expriment son désir de transmettre le legs de la poésie par-delà la mort. « Lègue-nous de ne pas mourir désespéré », lit-on dans L'heure présente (2011). Quant à L'Écharpe rouge (2016), c'est un « livre de famille » testamentaire en même temps que l'histoire d'une vocation : « Il se trouve que j'étais apte à me vouer à l'emploi disons poétique de la parole… » La Pléiade fut pour Bonnefoy l'occasion de porter sur son oeuvre un regard ordonnateur. Il choisit le titre du volume, Oeuvres poétiques, sans céder sur son désir de faire figurer au sommaire quelques textes brefs que l'on qualifierait spontanément d'essais. Tous les livres ou recueils poétiques, vers, prose, ou vers et prose, sont présents. Bonnefoy ne se reniait pas ; il a souhaité donner dans les appendices quelques textes rares. Il a voulu aussi que soit présente son oeuvre de traducteur, de Shakespeare à Yeats, de Pétrarque à Leopardi. Enfin il a ouvert à ses éditeurs les portes de son atelier.
« Le souvenir est une voix brisée, On l'entend mal, même si on se penche. Et pourtant on écoute, et si longtemps Que parfois la vie passe. Et que la mort Déjà dit non à toute métaphore. » L'heure présente, Yves Bonnefoy
À lire – Yves Bonnefoy, Oeuvres poétiques – Coll. La Pléiade, Gallimard 13 avril 2023.
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