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Citations sur Le Voyage d'Octavio (110)

Les jeunes filles apprirent à écrire sous la dictée des garçons à compter les fruits d'un arbre en un seul coup d’œil. Parfois, les enfants manquaient pour aller vaquer aux foins ou à la garde des troupeaux. Octavio pardonnait ces absences, séduit par l'idée de les imaginer instruits par la nature.
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A partir de ce jour, le voyage d'Octavio ne fut plus celui du mendiant. Son errance prit une pureté telle qu'elle semblait inviter tout homme à le suivre aveuglément.
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En ce temps-là, à Maracaibo, à l'ouest du Venezuela, il faisait si chaud qu'on faisait cuire des œufs sur le capot des voitures. Sur les places, des hommes en cravate s'endormaient sur des bancs, tandis que les femmes debout, lasses et essoufflées, cherchaient l'ombre des poteaux électriques. A certaines heures, il y avait une telle épaisseur dans l'air que les mouches se laissaient écraser au lieu de s'envoler. Les commerces, les écoles, les bazars, les loteries, tout fermait peu avant midi pour ne rouvrir que vers quatre heures quand l'ombre s'élargissait.
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A cette heure déjà, le soleil faiblissait sur Saint-Paul-du-Limon. L’ombre s’épaississait. Des milliers de petites maisons en brique s’étendaient sur la colline, entassées les unes sur les autres, dans un ordre sans discipline. Des cuisines à ciel ouvert, des terrasses vides, des hamacs tirés entre deux palmiers. Le soleil chauffait les murs. Sur les tôles, on distinguait encore les reflets tremblants d’un mirage. Un homme se tenait au loin à sa fenêtre, torse nu. Des femmes finissaient une cigarette, à la hâte, sous un porche. Des enfants lançaient des pierres sur un arbre, pour faire tomber une mangue. C’était peut-être là le premier paysage du monde.
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On porta la statue en grande procession, de part en part de la scène, jusqu’au bord de la fosse. Les orchidées, les chansons, le citronnier, tout ce qu’un siècle laborieux y avait mis d’oubli semblaient s’animer alors. On ne fêtait pas une victoire, on ne consacrait pas un roi. On célébrait aujourd’hui la naissance d’une ville, une histoire qui ne figure pas dans les livres, qui se dresse sur la tradition, et dont les invisibles interprètes méritent d’être honorés.

Temistocles Jerez ne chercha plus. Il fut peut-être le seul à comprendre que, sous le bois de la statue, le cœur d’Octavio battait encore.
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Tandis qu'il habillait la matière, il avait le silence pour vêtement.
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Après une courte sieste, le charpentier se levait, le menuisier reprenait sa brouette, les maçons réveillaient les manœuvres endormis, et tout ce peuple muet se remettait à cingler comme une enclume sous le marteau du labeur. Octavio éprouvait un profond saisissement devant ce spectacle. Chacun y était aussi autonome et aussi nécessaire qu'un mot dans la musique d'une phrase.
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Tout n'était que musique et vacarme, brume et soleil. Les rigoles d'irrigation devenaient des ruisseaux de fange où les porcs faisaient de longues siestes et que les pluies tropicales, tombant à rompre, ne parvenaient pas à nettoyer. On entendait au loin les mangues s'écraser sur le sol et les coqs se battre dans les gallodromes. Le vent trainait la rumeur des boeufs, leurs sabots soulevant la poussière, et les places servaient de forum, de foire et de promenade. Sous des tendelets en feuilles de cocotier, des commerçants se réunissaient pour créer les premiers marchés. On écoutait le halètement des bêtes remontant la pente chargées de girofles et de piments verts, d'encres et de perles, l'échine courbée sous les cages de perroquets....
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Personne n’apprend à dire qu’il ne sait ni lire ni écrire. Cela ne s’apprend pas. Cela se tient dans une profondeur qui n’a pas de structure, pas de jour. C’est une religion qui n’exige pas d’aveu. Cependant, Don Octavio avait toujours gardé ce secret, creusé dans son poing, feignant une invalidité qui lui épargnait la honte. Il n’échangeait avec les êtres que des mots simples, taillés par l’usage et la nécessité. Il avait traversé l’humanité en comptant sur ses doigts, devinant certains mots par la somme de leurs lettres, lisant ailleurs, les yeux et les mains, la pantomime des autres, étranger à la jalouse relation des sons et des lettres. Il parlait peu, ou presque pas. Par mimétisme, il répétait ce qu’il entendait, parfois sans comprendre, supprimant des syllabes, prononçant à l’ouïe, et souvent les paroles déposées sur ses lèvres étaient comme des aumônes enfermées dans ses mains. De ce monde, il ne prenait que l'oxygène : au monde, il ne donnait que son silence.
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– Je ne me suis jamais mariée. D’être tant écoutée, on finit par juger les hommes à leur silence. Et comme aucun homme ne sait longtemps se taire…
Ainsi, elle avait traversé la vie comme on traverse un désert, sans cortège, pleine d’aplomb et de dignité, avec ce sang-froid qu’on distingue chez certaines femmes que trop d’hommes ont regardées.
Octavio écoutait, le regard dans le vague, le cœur livré. Il lui posait parfois une question courte et son visage se refermait aussitôt. Dans la voix de cette femme, tout avait pour lui un écho différent, une résonance qui lui était encore étrangère. Elle répondait avec des airs enjoués, prenant un plaisir à s’offrir cette folie de marcher bras dessus bras dessous, avec un inconnu, illettré, sur les trottoirs du centre-ville. C’était pour elle une façon de défier le monde, sans pour autant le refuser. Et bien que tous deux eussent dépassé l’âge des ardeurs, ils sentaient confusément chez l’autre renaître l’étincelle des premières émotions. Ensemble dans cette ivresse, tous deux s’y noyaient à leur manière. L’un remplissait son imagination, l’autre dépeuplait son vide.
Octavio se laissa conduire jusqu’à la place Bolívar, pleine d’enfants et d’écureuils noirs. Venezuela annonça que son café n’était pas loin, mais lorsqu’ils arrivèrent, le rideau était baissé. Elle précipita les choses et s’exclama tout à coup :
– Et si nous le prenions chez moi ?
Octavio fit un geste indéchiffrable, empreint à la fois de gratitude et de refus. Ne sachant comment répondre, il approuva à grands traits.
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