Le Tondu montra son portefeuille vide, et répéta ce qu'on venait de lui dire au bureau des objets trouvés.
« Ça ne m'étonne pas, fit le gardien. Tu vois, je ne m'étais pas trompé... Et dire qu'en ce moment ton voleur est peut-être en train de délester un autre touriste!
- Oh! s'indigna le Tondu.
- Il n'a pas été pris; rien ne l'empêche de recommencer, au même endroit. Les voleurs de ce genre ont leurs quartiers préférés, ils opèrent souvent dans les mêmes lieux. »
À l'idée que le malfaiteur était revenu là-haut, le Tondu se sentit poussé par une sorte de rage vengeresse. Avec ce qui lui restait d'argent, dans son porte-monnaie, il acheta un ticket et s'élança dans l'escalier.
Le cœur battant, il déboucha sur la première plate-forme. Quelle foule! Deux fois plus compacte que la veille. Comment retrouver son voleur puisqu'il n'avait aucun signalement?
« Je suis stupide, se dit-il, si les agents ne parviennent pas à prendre les pickpockets, ce n'est pas moi qui réussirai. »
Mais le Tondu était tenace. D'ailleurs, que ferait-il de son après-midi puisqu'il n'avait pas d'autre projet? Sans argent, qu'aurait-il pu visiter?
Il se mit à déambuler dans la foule, faisant dix fois le tour de la plate-forme, s'arrêtant à chaque passage devant la marchande de cartes postales et de souvenirs pour observer les clients. Mais il existait deux éventaires sans parler de la boutique d'un marchand de glaces. Son voleur, s'il était un habitué de la Tour, ne devait pas opérer toujours près de la même boutique.
Il essaya de s'imaginer l'allure du pickpocket. À coup sûr, celle d'un touriste, avec guide à la main et appareil photo à l'épaule, pour passer inaperçu. Il devait même changer souvent d'accoutrement, pour ne pas être remarqué des agents de la Tour ou des employés des ascenseurs.
« S'il est revenu, pensa encore le Tondu, il a peut-être changé d'étage. Malheureusement, je n'ai plus assez d'argent pour monter au deuxième. »
Alors, il recommença de tourner en rond, détaillant les visages, s'interrogeant sur ceux qui paraissaient s'intéresser à autre chose qu'au paysage.
Soudain, alors qu'il repassait devant le marchand de glaces, il lui sembla reconnaître un touriste correctement vêtu, un appareil photo suspendu au cou par une courroie, qui semblait attendre quelqu'un. Il l'observa à la dérobée. L'homme ne s'éloignait pas du marchand de glaces. Avait-il donné rendez-vous là à sa femme, à un enfant, monté au second étage?
Patiemment, le Tondu attendit. Tout à coup, il vit le touriste jeter un coup d'œil à la ronde, puis s'approcher du parapet. Pour ne pas le perdre de vue, il se fraya un passage au milieu d'un groupe d'étrangers. Le temps d'un éclair, il vit une main glisser vers une poche. Il bondit. Au même moment, un touriste se retourna en criant :
« Au voleur!... Au voleur!...On vient de me prendre mon portefeuille.
- Je l'ai vu! dit vivement le Tondu.
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