LA GRANDE ÉPREUVE est commencée. Chaque soir, nous écoutons avec passion les comptes rendus à la radio et à la télévision, avant d'avoir, le lendemain, de plus amples détails dans Sport-Flash, le journal spécialement édité pour le tour.
L'étape-prologue, courue sur douze kilomètres contre la montre sur un terrain sinueux mais plat, au bord de la Seine, est revenue au Hollandais Stevens, comme tout le monde s'y attendait. C'est donc lui qui a endossé le premier le maillot jaune. Il a réussi à grignoter cinquante-huit secondes sur son suivant immédiat, Rodolfi, et une minute vingt-cinq sur Baba qui, en se classant treizième, s'est comporté honorablement.
La seconde étape a vu la victoire du rapide Martin, un Français fougueux qui fait souvent parler de lui aux étapes au finish. Aubanel s'est classé derrière, avec le même temps que le peloton. Quand nous lui avons téléphoné, le soir, à Rennes, il nous a répondu, de sa voix chantante du Midi :
« Tout va bien; cette étape a été une promenade... mais ça ne va pas durer. Merci pour votre coup de fil. Continuez de m'appeler, chaque soir. Vous entretenez mon courage. »
Baba ne se trompait pas en disant que tout allait changer. Le jour suivant, Rodolfi, qu'Aubanel appelait le patron ou le « vieux », sans qu'il y eût rien de péjoratif dans cet adjectif, avait décidé de secouer la torpeur de la troupe, torpeur qui profitait aux coureurs médiocres mais déplaisait aux ambitieux et aux cracks.
Dès le départ, Rodolfi déclencha les hostilités en donnant à ses hommes la consigne de le suivre dans une échappée de longue haleine et de freiner ensuite le peloton pour lui permettre, à lui, de foncer vers le but et d'arriver en vainqueur aux Sables-d'Olonne. Le coup réussit... et même si bien que non seulement l'Italien remporta l'étape mais qu'il revêtit le maillot jaune. Hélas! en jouant le rôle de « gregario », Aubanel, lui, ne put tirer son épingle du jeu. Impuissant à contenir une attaque du peloton, après avoir laissé Rodolfi voler seul en avant, il se laissa déborder par le gros de la troupe et même lâcher dans les derniers kilomètres, pour se classer quarante-deuxième avec quatre minutes de retard sur son leader.
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