Peut-être que le plus grand échec des mouvements de révolution sociale ( je fais en particulier référence à la gauche , aux groupes d'écologie radicale et aux organisations qui prétendent parler au nom des personnes opprimées ) est de ne pas avoir su développer une forme politique capable de porter le peuple au-delà des limites du système actuel .
De nos jours , la politique se résume à une course aux mandats électoraux , ou des partis hiérarchisés et bureaucratiques se battent à coup de programmes de " justice sociale " ineptes qu'ils brandissent à chaque campagne pour capter un électorat quelconque . Une fois aux affaires , leurs programmes dégénèrent en autant de compromis . A cet égard , la plupart des partis verts d'Europe n'ont été que marginalement différents des partis parlementaires traditionnels . Les partis socialistes quels que soient le nom qu'ils se sont donnés ne se sont pas montrés non plus bien différents de leurs adversaires capitalistes .
En décrivant le confédéralisme comme une structure qui permet décentralisation, démocratie participative et approche localiste, mais aussi comme un potentiel pour une différentiation toujours plus grande selon de nouveaux axes de développement, j'aimerais souligner que le concept de "tout intégré", qui s'applique à l'interdépendance entre les municipalités, s'applique aussi à chaque municipalité. Comme je l'ai écrit précédemment, la municipalité est la sphère politique la plus immédiate : de la vie familiale et amicale au monde de la municipalité, il n'y a littéralement qu'un pas (de porte). Dans cette arène politique première, où il faudrait concevoir la politique au sens grec de gestion de la polis, ou communauté, l'individu peut se transformer, et de simple individu devenir un citoyen ou une citoyenne active - d'un être privé devenir un être public. Si on a accès à cette sphère politique dans laquelle citoyens et citoyennes peuvent prendre part à l'avenir de la société, on agit à un niveau d'interaction humaine plus fondamental que dans toute autre forme représentative de gouvernance, où la puissance collective se transmute littéralement en un pouvoir incarné par une personne ou un petit groupe.
Les verts (...), Le Parti social-démocrate en Allemagne, le Parti travailliste en Grande-Bretagne, le Nouveau parti démocratique au Canada, le Parti socialiste en France... tous, malgré le caractère émancipateur de leur vision de départ,sont aujourd’hui des partis qu’on peut à peine qualifier de libéraux.
Qu’importe si ces partis furent animés pendant plusieurs générations par des idéaux sociaux, ils les ont balayés d’un revers de main au profit de logiques pragmatiques visant à conquérir, conserver et étendre leur pouvoir dans les corps parlementaires et ministériels de leurs États respectifs.
Ce sont précisément ces objectifs ministériels et parlementaires qu’on appelle aujourd’hui « politique ». Pour l’imaginaire politique moderne,« la politique » est un ensemble de techniques pour prendre le pouvoir dans les corps représentatifs (notamment dans les domaines exécutif et législatif, et non une vocation morale fondée sur la rationalité, la communauté et la liberté.
Une telle politique est radicalement différente de l’art de gouverner et de l’État, ce corps professionnel composé de bureaucrates, d’une police, de militaires, de législateurs, etc. qui existe en tant qu’appareil coercitif dominant un peuple dont il est clairement distinct. L’approche municipaliste libertaire distingue l’art de gouverner, que nous considérons aujourd’hui comme étant « la politique », et le politique.
Le municipalisme libertaire,en réalité, cherche à dessiner les contours institutionnels d’une société à venir, tout en faisant connaître une pratique politique radicalement neuve à mettre en œuvre dès aujourd’hui.
Lecture : Murray Bookchin et la révolution en Aragon, par Floréal Romero
Lecture du livre Agir Ici et Maintenant de Floréal M. Romero -
Partie 1, Chapitre 2, Section 5 :
La révolution en Aragon, le confédéralisme en action.