Mort d'un clone

Métro-boulot-dodo. Explosion. Après des années de routine, d'écrasement domestique par Madame, et ses enfants, le clone (comme lui, des milliers d'autres hommes vivent dans la même routine et sont souvent physiquement interchangeables) Martial Bonneteau entre en rébellion. Et ça lui fait un bien fou. Un exemple à suivre ? En tout cas, à suivre son aspiration profonde et longtemps occultée, il vit-jouit-rit.
Un bon roman du bon auteur Pierre Bordage, ni SF ni fantasy et qui est tout aussi réussi que ceux-là. L'écriture, le rythme, l'intrigue, tout y est, même si certains passages semblent un peu tirés par les cheveux (mais bon, ça fait partie du jeu). Et peut-être des petites idées à garder dans un coin de la tête pour ne pas finir enterrer sous la routine, simple passager dans le RER, sans même voir le paysage.

J'ai eu le plaisir de découvrir cet auteur grâce à Babélio et son opération Masse Critiques. Merci à eux et aux éditions du Diable Vauvert.
Le roman démarre par une histoire tout à fait banal. Un homme quasi-quinquagénaire avec sa vie, sa monotonie, son Métro/Boulot/Dodo quotidien, sa femme dominatrice et castratrice, trois enfants, un travail qui ne l'emballe pas plus que ça (à Cobal-on-emballe) et puis il y a la petite goutte qui fait débordé le vase intérieure de Martial Bonneteau. Cette petite goutte, qui un matin va tout déclencher et qui lui permettra de connaître autre chose.
Pierre Bordage promet un bel espoir pour tout ceux qui n'ont pas forcément eu leur Rolex à 50 ans (voir M. Jacques Ségala) mais qui ont acquis suffisamment de sagesse intérieur pour subir cette petite mort d'une vie pleine d'ennuis et acquérir cette résurrection pour une renaissance de son moi.
Certes, certaines scènes peuvent choquées les lecteurs par cette forte présence de sexualité, mais la concentration d'évènements oblige à bouleverser certains codes.
J'ai vraiment passé un excellent moment à lire ce roman avec sa grande richesse de vocabulaire, de métaphores, de néologismes, de définitions (apportant une pointe d'humour ironique sur notre quotidien) et sa chronologie logique offrant une histoire basculant quelquefois vers l'irréel mais qui reste sensée.
Ce livre n'est toutefois pas à mettre en toutes les mains, il reste un roman pour adultes avertis.

Pierre Bordage nous offre avec humour une belle crise de la quarantaine

Qu'est-ce qu'une crise de la quarantaine sinon soit un retour en enfance ou soit un changement de vie ? C'est un bilan de première moitié de sa vie, avec ce que l'on a envie de garder et ce que l'on a envie de changer. Pour Martial Bonneteau, le bilan n'est pas génial car il se qualifie comme un clone, c'est à dire quelqu'un de pas de tout original, de complètement formaté. Il a trouvé un travail de bureau où il arrive et repart à l'heure depuis plus de 15 ans. Il s'est marié à une femme laide et bête parce qu'il fallait se marier. Il a enfin eu trois enfants parce qu'il en fallait aussi.

Au début du livre, on suit donc ce quadragénaire impuissant et non respecté par sa famille ou ses collègues. L'auteur lui rend symboliquement et physiquement son érection et voilà notre gentil clone qui commence à réfléchir par lui même et à prendre sa vie en main. Il va aussi en profiter pour prendre en main la vie de sa fille, devenant par la même occasion un père à part entière. Enfin, il tuera son clone symboliquement pour devenir un homme un part entière.


La crise ne touche pas seulement notre héros mais aussi son entourage.

Il aura suffi que Marial Bonneteau change une seule de ses habitudes pour provoquer une réaction violente de ses pairs. Il arrive en retard pour la première fois depuis 15 ans ? Son patron est tout prêt de le menacer car on doit d'abord penser à l'entreprise et non à soi en profitant d'une belle matinée. Il arrive à l'improviste chez lui ? Non content de découvrir qu'il est cocu, il se fait remonter les bretelles parce qu'il n'a pas prévenu ! Enfin, lorsqu'il prétend vivre sa vie, ses proches le traitent de fou et l'envoie en thérapie.

La réaction de ces gens est tout d'abord très drôle car tout paraît excessif. Et puis, on regarde chez soi, on observe sa propre bulle et on voit que la réalité est à peine imagée. Dans notre société actuelle, on a du mal avec les comportements marginaux. On a du mal avec les libre-pensants.

Car la leçon de ce livre est simple : être différent veut dire que l'on peut vivre pleinement sa vie, voire d'être heureux. Mais être différent veut dire subir l'oeil critique de la société. Etre soi-même, c'est tout simplement se mettre en danger. Est-ce que cela vaut le coup ? Et bien c'est à vous de le décider.

Lien : http://labibliodekoko.blogsp..

Culte, un Bordage qui monte à l'abordage et démystifie résistances et névroses.

Voilà.