J‘eus le vertige et je pleurai, car mes yeux avaient vu cet objet secret et conjectural, dont les hommes usurpent le nom, mais qu‘aucun homme n‘a regardé : l‘inconcevable univers.
Je me sentis perdu. Le sable me brisait la bouche, mais je criai : "Un sable rêvé ne peut pas me tuer et il n'y a pas de rêves qui soient dans d'autres rêves."
Personne n'est quelqu'un, un seul homme immortel est tous les hommes.
Villari essayait de vivre uniquement dans le présent, sans retours en arrière ni anticipations ; les premiers lui importaient moins que les dernières. Il crut percevoir obscurément que le passé est la substance dont le temps est fait ; c'est pourquoi celui-ci se transforme aussitôt en passé.
La gloire soit à Celui qui ne meurt pas.
Ce que nous perdons le temps ne le refait pas, l'éternité le garde pour la gloire et aussi pour le feu.
Dormir est se distraire de l'univers.
Quand s'approche la fin, il ne reste plus d'images du souvenir ; il ne reste plus que des mots. Il n'est pas étrange que le temps ait confondu ceux qui une fois me désignèrent avec ceux qui furent symboles du sort de l’homme qui m'accompagna tant de siècles. J'ai été Homère; bientôt, je serai Personne, comme Ulysse ; bientôt, je serai
tout le monde : je serai mort.
La fin de l'histoire ne peut être rapportée qu'en métaphore, car elle se passe au royaume des cieux, où le temps n'existe pas. Peut-être y aurait-il lieu de dire qu'Aurélien s'entretient avec Dieu et que celui-ci porte si peu d'intérêt aux différends en matière de religion qu'il le prit pour Jean de Pannonie. Mais cela ferait croire à de la confusion dans l'esprit divin. Il est plus correct de dire qu'au paradis Aurélien apprit que pour l'insondable divinité lui et Jean de Pannonie ( l'orthodoxe et l'hérétique, celui qui haïssait et celui qui était haï, l'accusateur et la victime) n'étaient qu'une même personne.
La mort (ou son allusion) rend les hommes précieux et pathétiques. Ils émeuvent par leur condition de fantômes ; chaque acte qu'ils accomplissent peut être le dernier ; aucun visage qui ne soit à l'instant de se dissiper comme un visage de songe. Tout, chez les mortels, a la valeur de l'irrécupérable et de l'aléatoire.