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Françoise Rosset (Autre)
EAN : 9782070374618
147 pages
Gallimard (22/04/1983)
4/5   657 notes
Résumé :
"Ce livre comporte treize nouvelles. Ce nombre est le fruit du hasard ou de la fatalité - ici les deux mots sont strictement synonymes - et n'a rien de magique. J'ai voulu rester fidèle, dans ces exercices d'aveugle, à l'exemple de Wells, en conjuguant avec un style simple, parfois presque oral, un argument impossible. Le lecteur curieux peut ajouter les noms de Swift et d'Edgar Allan Poe. J'écris pour moi, pour mes amis et pour adoucir le cours du temps." Jorge Lui... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (43) Voir plus Ajouter une critique
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sur 657 notes
« Le livre de sable » est un recueil de nouvelles tardif de Jorge Luis Borges, publié en 1975, soit plusieurs décennies après « Fictions » paru en 1944 et « L'Aleph » paru en 1949. On y retrouve l'inclination du génie argentin pour une pensée spéculative qui donne le vertige, et visite à nouveau ses thèmes de prédilection : l'infini, l'éternité, l'identité, la dualité, la frontière ténue qui sépare le rêve de la réalité.

Le recueil comporte treize nouvelles, autant de manières d'explorer les obsessions borgésiennes. La quatrième de couverture est d'une franchise déconcertante. Borges y indique : « Je n'écris pas pour une petite élite dont je n'ai cure, ni pour cette entité platonique adulée qu'on surnomme la Masse. Je ne crois pas à ces deux abstractions, chères au démagogue. J'écris pour moi, pour mes amis et pour adoucir le cours du temps ».

Né en 1899, l'écrivain argentin, âgé de 76 ans et quasiment aveugle lors de la publication de ce recueil est au crépuscule de son existence. Cette volonté « d'adoucir le cours du temps » teinte « Le livre de sable » d'une douce mélancolie et conduit son auteur à aborder le thème du temps qui passe et de sa propre finitude. Les nouvelles qui composent le recueil sont ainsi de facture plus classique que celles qui composent « Fictions ». S'il ne renonce pas à aborder les questions métaphysiques qui hantent son oeuvre, Borges se fait davantage conteur, et nous confie les émotions qui troublent ses narrateurs successifs, au cours des treize nouvelles qui composent le recueil.

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Dans la nouvelle qui donne son titre au recueil, le narrateur fait la rencontre d'un vendeur de Bibles qui souhaite lui vendre un « livre sacré », qui se présente sous la forme d'un volume in-octavo, relié en toile, écrit dans une langue inconnue. Les pages sont numérotées en chiffres arabes, mais d'une manière qui semble totalement aléatoire. La caractéristique essentielle de ce livre est qu'il est infini : « Cela n'est pas possible et pourtant cela est. le nombre de pages de ce livre est exactement infini. Aucune n'est la première, aucune n'est la dernière. Je ne sais pourquoi elles sont numérotées de cette façon arbitraire. Peut-être pour laisser entendre que les composants d'une série infinie peuvent être numérotés dans n'importe quel ordre ».

En échange du montant de sa retraite et de sa bible de Wyclif en caractères gothiques, le narrateur fait l'acquisition du livre « infini ». Très vite, le bonheur de posséder un tel objet cède à la crainte que l'on ne lui dérobe. le nouveau propriétaire en devient paranoïaque, et prisonnier du livre qu'il ne cesse d'examiner. Il comprend enfin que « Le livre de sable » est en réalité monstrueux et qu'il risque de le transformer lui aussi en monstre, et va entreprendre de se séparer de cet objet qui contient un nombre « exactement infini » de pages.

Si l'on retrouve dans cette nouvelle une audacieuse exploration du thème de l'infini cher à l'auteur, l'originalité du conte réside dans sa fin, ce moment où le narrateur prend conscience de la monstruosité de l'objet qu'il vient d'acquérir. Ce texte peut se lire comme une forme de confession dans laquelle Borges lui-même réalise à l'aube de la vieillesse le caractère absolument « monstrueux » de son obsession pour l'infini. La douce mélancolie qui irrigue « Le livre de sable » donne à la nouvelle la couleur de la sagesse.

Ainsi, le véritable enjeu du texte n'est sans doute pas d'explorer une fois encore le vertige de l'infini, mais de confesser à quel point certaines des obsessions qui traversent l'oeuvre de l'écrivain argentin sont au fond aussi vaines qu'absurdes.

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Dans la première nouvelle du recueil, « L'autre », le narrateur est Jorge Luis Borges, en personne, qui s'assoit sur un banc faisant face au fleuve Charles, à dix heures du matin. Il est âgé de soixante-dix ans et constate que la personne assise à ses cotés sur le banc est un autre lui-même, nettement plus jeune, d'à peine vingt ans.

Cet « autre » Borges n'est de prime abord pas totalement convaincu par l'identité de son interlocuteur. Même lorsque son aîné lui narre des détails sur sa vie qu'il est le seul à pouvoir connaître, il reste perplexe et craint que cette rencontre ne soit qu'un rêve. Il se laisse malgré tout peu à peu convaincre et permet à son aîné de lui narrer les grandes lignes des cinquante années à venir. La nouvelle se termine par une explication « rationnelle » toute borgésienne de l'évènement « surnaturel » de la rencontre entre un Borges âgé de soixante-dix ans et un autre Borges de vingt ans.

Le texte explore comme d'autres l'ont fait avant lui, l'identité, la dualité, la frontière ténue qui sépare le rêve de la réalité, ainsi que la conception du temps chère à Héraclite qui soutenait « qu'on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve ».

L'originalité de la nouvelle tient à cette forme de prise de conscience douce-amère du temps qui passe d'un Borges vieillissant qui explique à son alter ego, que lorsqu'il aura son âge il aura presque complètement perdu la vue : « Tu ne verras que du jaune, des ombres, et des lumières. Ne t'inquiète pas. La cécité progressive n'est pas une chose tragique. C'est comme un soir d'été qui tombe lentement. »

Si ce texte teinté de nostalgie, revient sur les obsessions récurrentes de l'auteur, sa force de percussion tient, une fois n'est pas coutume, non pas à un tour de prestidigitation vertigineux dont Borges est si friand, mais au regard poétique que pose un homme âgé sur un jeune homme qui est, comme l'avait deviné Héraclite, un autre que lui.

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Recelant les thèmes spéculatifs chers à son auteur, « Le livre de sable » frappe par la poésie nostalgique du regard que porte Borges au crépuscule de son existence, sur le temps qui passe, qui s'écoule inexorablement tel un fleuve dans lequel il est impossible de se baigner deux fois.
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Borges active en nous une zone profonde dans notre cerveau et la laisse palpitante après. Lorsqu'on s'attaque à un livre de Borges, on sait d'emblée à quoi l'on s'attend : à l'inattendu. A l'indicible. C'est le monde enfuit dans le notre et qu'on ne retrouve que si l'on sonde les lieux insolites auxquels on ne fait pas attention, on ne visite pas, trop éblouit par les lieux communs.

Après Fictions, j'ai lu le livre de sable. le livre de Sable ou le livre de Borges car les deux sont fugaces et insaisissables, brillants et infinis. On sent l'influence des Mille et une nuits, de ces lectures d'encyclopédies, mais aussi des sagas scandinaves. Dans ces nouvelles, on raconte des faits mais l'on ne peut savoir si cela a vraiment eu lieu, ou c'est un rêve ou issu de l'imaginaire. le fantastique, l'imaginaire, le magique, le réalisme tous s'y mêlent.

Chacune des treize nouvelles a un caractère différent et peut être la source de longue analyse, ou d'inspiration à des romans volumineux.

L'histoire de ce livre de sable (dernière nouvelle du recueil) m'a fait penser au Facebook . Un livre sans début et sans fin, les pages sont en désordre, les images disparaissent une fois le livre fermé et l'on ne peut les trouver en cherchant sur les mêmes pages, on y trouve un peu de tout, il est infini ; le livre a emprisonné le narrateur dans son monde et l'a éloigné du réel. de même le Facebook, il est infini et les images ou publications cèdent leur place à d'autres, on y trouve tous les domaines imaginables, et si l'on cède à sa tentation on cède et on s'éloigne de la vie réelle.
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Jim Morrison disait : « il y a le connu et il y a l'inconnu, entre les deux, il y a les Doors »…
On pourrait bien appliquer cette belle phrase de Morrison à Jorge Luis Borges, tant il est vrai que son oeuvre est comme une porte entre deux mondes, entre le rationnel et l'irrationnel, entre le rêve et le réel, entre le fantastique et le concret, entre le vrai et le faux.
Passerelle étrange que l'on emprunte à pas prudent - du moins au départ - presque inquiet de passer à côté de quelque chose d'essentiel que l'on aurait omis d'appréhender. L'érudition, la culture encyclopédique, le savoir du maître sont tels qu'ils peuvent faire craindre au lecteur de ne pas saisir toutes les variations esthétiques, les symboles, les recherches et les perspectives disséminés au détour d'ouvrages singuliers et troublants tels « L'Aleph » ou « Fictions ».
Le lecteur qui pénètre l'univers original de Borges, doit finalement se résoudre à comprendre que, justement, il ne comprendra peut-être pas tout à l'oeuvre insolite, curieuse, magique de l'écrivain argentin.
Ce fait entendu, il ne reste plus qu'à se laisser aller, à franchir ce pont entre deux rives bâti savamment par l'auteur et menant à une réalité détournée, une fenêtre ouverte sur l'absolu.
Ouverture vers un ailleurs que le lecteur peut alors expliciter à l'envie tant l'auteur laisse le champ libre à toutes les interprétations, toutes les interrogations, toutes les observations.
Un jeu de l'esprit où Borges laisse le lecteur percevoir avant tout sa propre réalité, lui laisse inaugurer son propre imaginaire et élaborer sa propre part de rêve.
L'écrivain est là pour semer des indices, nous mettre sur la voie pour mieux se retirer, laissant alors au lecteur le pouvoir d'apposer son propre mot de la fin sur des histoires qui s'entrelacent à l'infini.
Avec une joie presque enfantine Borges s'amuse à nous perdre dans des histoires où la réalité repose toujours sur un terreau bien ferme, sur des faits tangibles, sur des évènements souvent autobiographiques ; une réalité stable qui sensiblement glisse et glisse encore, devient malléable, volatile, changeante puis si inconsistante qu'à l'instar d'Alice au travers du miroir, l'on bascule alors vers un autre univers, fantastique, démesuré, hyperbolique…borgésien.

Les treize contes fantastiques qui composent le « Livre de sable » sont des portes ouvertes sur cet ailleurs.
Ecrits entre 1970 et 1975, ils abordent des thèmes variés, puisent dans les anecdotes historiques ou la mythologie, s'inscrivent également dans la référence et dans l'hommage à de grands noms de la littérature :
Thème du double cher à Stevenson dans la nouvelle « L'Autre » ; récit fantasmagorique et sombre comme chez Edgar Allan Poe ou Lovecraft dans « There are more things »…
C'est une bibliothèque aux nombre infini d'ouvrages, c'est un livre sans fin, c'est un poème comportant un seul mot, un amour vécu de façon étrange ou bien un disque qui ne comporte qu'une seule face…
C'est un recueil nuancé et extravagant dans lequel, comme dans un labyrinthe, l'on déambule au gré de nouvelles souvent brèves et condensées à l'extrême.
L'écriture y est sobre, mûrie, maîtrisée, sans emphase ni effet de style, dans un dessein de brièveté soulignant l'aspect étrange et l'instabilité du réel.
Comme le livre de sable, les contes de Borges s'écoulent à l'infini avec cette farouche volonté que « les rêves qu'ils contiennent continuent à se propager dans l'hospitalière imagination de ceux qui, en cet instant les referment ».
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Vous avez dit Argentine ?
Je dis Borges.
Et naturellement le livre de sable (le sable, symbole du temps qui s'écoule).
Dans les treize nouvelles de cet ensemble, l'auteur met en scène deux personnes, et en premier l'affrontement entre un Borges vieillissant, un peu aveugle, et le Borges de vingt ans.
Ce dernier ne croit pas à ce qui lui arrive, se voir dans cinquante ans, car « la peur élémentaire de l'impossible qui apparaît pourtant comme certain l'effrayait. » Se voir, ayant perdu les illusions de la jeunesse, lié à ce double que le destin lui destine, c'est un peu dur à avaler.
Je viens de dire rencontre de deux personnes, mais dans la nouvelle « le Congrès », il s'agit de la rencontre de tous les représentants de toutes les nations, un peu comme une compilation de l'humanité, un peu comme le désir de réunir tous les livres dans une bibliothèque idéale, un peu comme le désir de représenter tous les archétypes de tous les penseurs. Un cosmos, une somme, qui peut se transformer en rien, par la mise à feu de tous les livres, qui procure une jouissance inattendue de tous les membres à les voir détruire.

Tout ou rien, cela semble égal, puisque le temps, réel ou rêvé, présent ou passé, infini et à la fois n'existant qu'au présent, rend futile la prétention même de le penser .Saint Augustin le premier a affirmé l'impossibilité de penser le temps, puisqu'il passe au moment où on le pense.
Dans un labyrinthe de pensées, de citations, Borges émet l'hypothèse que tout cela ne soit qu'un rêve, ou une utopie. Et justement, une des dernières rencontres a lieu entre l'auteur et un homme de quatre siècles plus vieux. Il décrit avec humour empreint de tristesse un monde où les livres n'ont plus de fonction vitale, ni l'argent, ni la publicité, ni le vol, puisque la possession n'existe plus, donc plus d'héritages, plus de gouvernement, plus de politique, et surtout plus de ces espèces d'invalides que l'on transporte dans de longs et bruyants véhicules, les anciens et inutiles hommes politiques ; finie aussi la peur de la mort liée aux précédents, mais, chut…

Utopie qui contrecarre, je l'espère sciemment, les mauvais augures de l'apocalypse et reste pourtant, comme la précédente, un miroir de l'imagination.

La mélancolie, liée au vieillissement et à la cécité grandissante de Borges, est liée au concept d'infini. Un livre infini, c'est un cauchemar, voilà sans doute pourquoi l'auteur nous convie à des unicités : celle des mots, car tous les mots rassemblés, avec but de former le poème absolu, l'ode après quoi plus rien ne peut être écrit consiste en un mot. Un mot, et tout est dit. le rêve de tout écrivain.
Comme Borges le note dans son épilogue, nous sommes loin de la Bibliothèque de Babel, écrit en 1941, imaginant un nombre infini de livres, par l'invention de « littératures séculaires » ne comportant qu'un seul mot. Mélancolie, donc :

« La vieillesse des hommes et le crépuscule, les rêves et la vie, le temps qui passe et l'eau. »

LC Thématique décembre : littérature étrangère
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Un livre infini. Voila qui devrait parler à toute personne sur Babelio ! C'est lui, le livre de sable. On peut l'ouvrir autant de fois qu'on veut, le feuilleter, on ne retombera jamais sur la même page. Il n'a ni fin ni début, il est écrit dans une langue inconnue, orné de dessins mystérieux. Si on en devient le propriétaire, il peut vous fasciner au point de vous rendre fou. On peut rester là, à tourner des pages encore et encore, jusqu'à en oublier de manger, de dormir, jusqu'à en oublier son nom…

Il y a d'autres nouvelles dans ce recueil évidemment, mais aucune aussi forte que celle qui lui donne son nom, aucune d'aussi troublante. Quel est donc ce livre dans lequel on peut s'égarer ? Faut-il y voire une métaphore de la littérature ? Non. Borges n'est pas homme à utiliser de tels procédés. Rien ne se cache derrière le mystère, que le mystère lui-même. Combien de fois un film, une série, un film, nous entraine-t-il grâce au frisson de l'inconnu, au désir de comprendre, de savoir ! Et combien de fois ce désir ne débouche-t-il pas sur une déception…

Rien de tel ici. le mystère restera entier. le dernier propriétaire abandonnera le livre là où il est sûr de ne pas pouvoir le retrouver : dans une immense bibliothèque, sur un rayon au hasard.
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Citations et extraits (123) Voir plus Ajouter une citation
Utopie d'un homme qui est fatigué.

«Qu'est-il advenu des gouvernements ? demandais-je.
_ La tradition veut qu'ils soient tombés petit à petit en désuétude. Ils procédaient à des élections, ils déclaraient des guerres, ils établissaient des impôts, ils confisquaient des fortunes, ils ordonnaient des arrestations et prétendaient imposer la censure mais personne au monde ne s'en souciait. La presse cessa de publier leurs discours et leurs photographies. Les hommes politiques durent rechercher des métiers honnêtes ; certains devinrent de bons comédiens ou de bons guérisseurs. La réalité a du être sans doute plus complexe que le résumé que j'en donne. »
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Que sont devenus les gouvernements ? demandais-je.
-La tradition veut qu'ils soient tombés petit à petit en désuétude. Ils procédaient à des élections, ils déclaraient des guerres, ils établissaient des impôts, ils confisquaient des fortunes, ils ordonnaient des arrestations et prétendaient imposer la censure mais personne au monde ne s'en souciait. La presse cessa de publier leurs discours et leurs photographies.
Les hommes politiques durent se mettre à exercer des métiers honnêtes.
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Nos routes se croisaient. Cet après-midi là, Ulrica continuerait son voyage vers Londres et moi, je m'en irais vers Edimbourg.
"Dans Oxford Street, me dit-elle, je mettrai mes pas dans les pas de De Quincey, à la recherche d'Ann, perdue dans la foule de Londres.
- De Quincey, répondis-je, a cessé de la chercher. Moi, à longueur de journée, je la cherche encore.
- Il se peut, dit-elle à voix basse, que tu l'aies trouvée."
Je compris qu'une chose inespérée ne m'était pas interdite et je posai mes lèvres sur sa bouche et sur ses yeux. Elle m'écarta avec une douce fermeté, puis elle déclara :
"Je serai tienne dans l'auberge de Thorgate. Je te demande d'ici là de ne pas me toucher. Il vaut mieux qu'il en soit ainsi."
Pour un célibataire d'un certain âge, l'amour offert est un don auquel on ne s'attend plus. Le miracle a le droit d'imposer des conditions. Je pensai à mes exploits de jeunesse à Popayan et à une jeune fille du Texas, blonde et svelte comme Ulrica, qui m'avait refusé son amour.
Je ne commis pas l'erreur de lui demander si elle m'aimait. Je compris que je n'étais pas le premier et que je ne serais pas le dernier. Cette aventure, peut-être l'ultime pour moi, n'en serait qu'une parmi bien d'autres pour cette resplendissante et fière disciple d'Ibsen.
Nous reprîmes notre chemin, main dans la main.
"Tout ceci est comme un rêve, dis-je, et je ne rêve jamais.
- Comme ce roi, répondit Ulrica, qui ne put rêver que lorsqu'un magicien le fit s'endormir dans une porcherie."
Puis elle ajouta :
"Ecoute bien : un oiseau va chanter."
Peu de temps après, nous entendîmes son chant.
"Dans ce pays, dis-je, on prétend que lorsqu'une personne va mourir elle prévoit l'avenir.
- Et moi je vais mourir", annonça-t-elle.
Je la regardai, stupéfait.

Extrait de "Ulrica"
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Le congrès

Ce dernier déclina mon offre , en me disant qu'il devait absolument se rendre au Congrès. Je compris tout de suite qu'il ne faisait pas allusion au prétentieux édifice à coupole qui se trouve au bout d'une avenue habitée par des Espagnols, mais bien a quelque chose de plus secret et de plus important. Les gens parlaient du Congrès, certains en s'en moquant ouvertement, d'autres en baissant la voix, d'autres encore avec appréhension ou curiosité ; tous, je crois bien, ignoraient de quoi il s'agissait.
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Il me dit que son livre s'appelait le livre de sable, parce que ni ce livre ni le sable n'ont de commencement ni de fin.
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Vidéo de Jorge Luis Borges
INTRODUCTION : « Le siècle qui commence trouve une Argentine confiante en l'avenir. le positivisme à la mode met une foi illimitée dans les avancées du progrès et de la science, et la croissance de la jeune république autorise une vision optimiste du destin national. La classe dirigeante a bâti son programme sur la base d'une instruction publique et gratuite pour tous, destinée à réaliser l'intégration culturelle de la deuxième génération d'une masse énorme et hétérogène d'immigrants à peine débarqués d'Europe. Cette Argentine, qui est à l'époque une toute jeune nation - sa guerre contre les Indiens n'est terminée que depuis vingt ans -, dépend économiquement de l'Angleterre, est fascinée par la culture française et admire autant l'opéra italien que la technologie allemande. Ce qui ne l'empêchera pas de tâtonner à la recherche de sa propre identité, à la faveur d'un sentiment nationaliste exacerbé dès 1910 […]. L'avant-garde poétique porte le sceau du modernisme, largement diffusé à Buenos Aires par Rubén Darío qui […] marquera d'une empreinte durable la vie culturelle du pays. […] La quête de la modernité inscrite dans le nouveau courant anime déjà ce pays avide de rallier un monde qui ne jure que par Le Louvre, la Sorbonne et Montparnasse. […].  […]  La seconde décennie du siècle […] marque un tournant décisif dans la réalité argentine. […] Hipólito Yrigoyen accède au pouvoir. Avec lui surgit une nouvelle classe sociale, issue de l'immigration et amenée, pour un temps, à prendre la place de la vieille oligarchie qui a dirigé le pays depuis les premiers jours de l'indépendance. […] Cette modernité, qui relie les poètes argentins à l'avant-garde européenne, se concrétise avec le retour au pays de Jorge Luis Borges, en 1921. […] Dans un article polémique paru dans la revue Nosotros (XII, 1921), Borges explique : « Schématiquement, l'ultraïsme aujourd'hui se résume aux principes suivants : 1°) Réduction de la lyrique à son élément fondamental : la métaphore. 2°) Suppression des transitions, des liaisons et des adjectifs inutiles. 3°) Abolition des motifs ornementaux, du confessionnalisme, de la circonstanciation, de l'endoctrinement et d'une recherche d'obscurité. 4°) Synthèse de deux ou plusieurs images en une seule, de façon à en élargir le pouvoir de suggestion. » […] […] les jeunes poètes des années 20 se reconnaissent au besoin qu'ils éprouvent de revendiquer une appartenance et de se trouver des racines. […] Il faut attendre une dizaine d'années encore pour que, dans le calme de l'époque, de jeunes créateurs, avec l'enthousiasme de leurs vingt ans, apportent un élan nouveau et de nouvelles valeurs poétiques. Prenant leurs distances par rapport à l'actualité, ils remettent à l'honneur le paysage et l'abstraction, ainsi qu'un ton empreint de nostalgie et de mélancolie. […] Les années 60 correspondent en Argentine à une période d'apogée culturel. le secteur du livre est en plein essor ; de nouvelles maisons d'édition voient le jour et, conséquence du boom de la littérature sud-américaine, la demande d'auteurs autochtones augmente, ce qui facilite l'émergence de noms nouveaux. […] La génération des années 70, à l'inverse, est marquée au coin de la violence. Plus se multiplient les groupes de combat qui luttent pour l'instauration d'un régime de gauche, plus la riposte des dictatures militaires successives donne lieu à une répression sanglante et sans discrimination qui impose au pays un régime de terreur, torture à l'appui, avec pour résultat quelque trente mille disparus. […] » (Horacio Salas.)
CHAPITRES : 0:00 - Titre
0:06 - Alejandra Pizarnik 2:30 - Santiago Kovadloff 3:26 - Daniel Freidemberg 4:52 - Jorge Boccanera
5:51 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : Horacio Salas, Poésie argentine du XXe siècle, traduction de Nicole Priollaud, Genève, Patiño, 1996.
IMAGES D'ILLUSTRATION : Alejandra Pizarnik : https://universoabierto.org/2021/09/27/alejandra-pizarnik/ Santiago Kovadloff : https://www.lagaceta.com.ar/nota/936394/actualidad/santiago-kovadloff-argentina-pais-donde-fragmentacion-ha-perdurado-desde-siempre.html Daniel Freidemberg : https://sites.google.com/site/10preguntaspara1poeta
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