AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9791026214366
162 pages
Librinova (29/11/2017)
4.07/5   14 notes
Résumé :
Suite à la mort de sa grand-mère, Léa, jeune femme d'une vingtaine d'années, se penche avec sa mère sur le passé tumultueux d'Emilien, leur aïeul, après avoir retrouvé des cahiers et des objets lui ayant appartenu. Entre ces matériaux divers et les souvenirs qu'elles évoquent, les deux femmes reconstruisent pierre après pierre la vie de cet homme, leur père et grand-père, né en 1899  d'une fille-mère : ses années de déportation, ses rapports avec ses proches, mais a... >Voir plus
Que lire après De la poussière et du ventVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
4,07

sur 14 notes
5
3 avis
4
4 avis
3
2 avis
2
0 avis
1
0 avis
Attention, livre coup de coeur ! le coup de coeur qui fait pleurer, qui emporte dans un tourbillon d'émotions fortes avant de nous amener sur une rive où ce tourbillon a trouvé un exutoire inattendu... j'ai mis en commentaire Amazon (on a droit aux liens Amazon sur Babelio ? https://www.amazon.fr/poussiere-du-vent-Cathy-BORIE-ebook/dp/B077T7V87X/) tout ce qui m'a fait pleurer dans ce livre, pleurer des larmes que je souhaite à tout le monde. Ici, sur Babelio, je voudrais revenir sur son thème majeur : celui du discours des descendants des camps de la mort, dont Cathy Borie fait partie (son grand-père a été déporté, prisonnier politique à Neuengamme).

Nous y voilà. Cette thématique, c'est celle de notre début de siècle. Les survivants des camps ne peuvent pas survivre au-delà de l'horizon temporel qui nous est imparti à tous ; certains peuvent encore faire entendre leurs voix, mais ils ont maintenant engendré une, deux, trois générations qui sont devenues adultes et ont dû grandir et se construire avec la souffrance de leurs ancêtres. Aujourd'hui, l'injustice suprême est que cette souffrance ne s'éteint pas avec ceux qui l'ont vécue dans leur chair, mais elle a été transmise à leurs descendants, qui l'expriment par des symptômes différents de ceux qui ont été directement traumatisés, mais qui n'en sont pas moins réels.

Cette thématique, la transmission intergénérationnelle des traumatismes, a déjà donné lieu à des théories psychologiques passionnantes et importantes (je pense notamment aux travaux de Torok et Abraham sur la transmission intergénérationnelle des secrets de famille, ou à ceux d'Anne-Lise Stern sur ce qu'elle a appelé le savoir-déporté) ; et si le courant de la psychogénéalogie (je pense notamment à Anne Ancelin-Schützenberger) est de plus en plus à la mode, ce n'est certainement pas un hasard de calendrier. Mais c'est aussi la littérature qui a maintenant vocation à nous donner à ressentir dans notre propre chair ce que c'est qu'être le descendant de quelqu'un qui est allé au bout de l'horreur.

Il y a quelques années, le livre de Fabrice Humbert, L'origine de la violence, a déjà traité de ce sujet. Un livre brillant et bouleversant, qui met en lien la violence irrépressible que le narrateur ressent avec l'histoire de son grand-père biologique, mort en déportation, dont il découvre l'existence de manière fortuite. Aujourd'hui, c'est au tour du livre de Cathy Borie d'évoquer ce thème. Elle le fait d'une manière très différente : à la troisième personne, même si, elle l'a dit en lançant le livre, elle a écrit "d'après l'histoire de sa famille" ; et elle explore moins les mécanismes de la transmission, mais laisse une place beaucoup plus grande à l'exploration des émotions.

Et elle le fait aussi en donnant corps à un processus qu'on pourrait appeler résilience intergénérationnelle : dans son cas, l'ancêtre déporté a survécu, et il a trouvé une façon de protéger en partie ses descendants. Les théories de la transmission du traumatisme, qui peuvent mener les descendants des déportés à un destin psychiatrique, sont, schématiquement, les suivants : la première génération est traumatisée et si elle survit, elle se tait ; la deuxième grandit dans les non-dits et l'angoisse, ce qui peut provoquer névroses et dépressions ; la suivante grandit également au milieu des non-dits et de l'angoisse, mais ils sont d'une nature différente car cette fois, leurs parents ne connaissent de toute façon pas les mots qui pourraient lever les non-dits. Cela correspond donc à une case blanche, un trou dans le psychisme, qui peut s'avérer plus pathogène que celui du non-dit "classique".

La clé est bien sûr dans la possibilité de réintroduire la parole, des mots... mais dire l'indicible est une telle contradiction dans les termes qu'elle ne peut pas toujours être levée. Cela a été possible dans la famille de Cathy Borie : je ne lève qu'un tout petit coin du voile si je dis que le grand-père déporté a laissé sa fille écouter ses conversations avec ses amis survivants des camps, si bien qu'elle a pu recouvrir de quelques mots les cauchemars qu'elle l'entendait faire la nuit. Dès lors, il a pu transmettre suffisamment de son expérience et à partir de là, malgré les larmes et la douleur, une forme de résilience a pu se transmettre aussi, que Cathy Borie décrit, et qui aboutit à un final très inattendu mais porteur d'espoir pour les lendemains.

Il faut lire de la poussière et du vent : parce qu'au travers de cette histoire particulière et particulièrement touchante, c'est un pan majeur de notre histoire qui s'écrit. Ce livre est auto-édité chez Librinova, mais Cathy Borie n'est pas une auteure auto-éditée comme les autres : elle a déjà publié plusieurs  livres, dont l'un (La nuit des éventails) est paru il y a deux ans aux éditions La Rémanence, qui pourraient de nouveau la publier. Mais en 2017, elle a gagné un concours littéraire (DraftQuest/Librinova) pour Dans la chair des anges, dont j'ai déjà eu l'occasion de dire ici tout le bien que j'en ai pensé. Cela lui a ouvert les portes d'un contrat d'agent littéraire chez Librinova, pour trouver une plus grosse maison d'édition. En attendant - si je puis dire -, elle auto-édite ce qu'elle écrit. C'est donc une auteure déjà reconnue, sur le chemin d'une reconnaissance plus large. Profitez-en : lisez-la pour vibrer, apprendre, mieux comprendre les maux de notre société... et pouvoir en parler avant tout le monde !
Commenter  J’apprécie          363
Que reste t 'il de nous une fois notre route achevée? Quels souvenirs laisseront nous ? ...
Clarisse et Lea , sa fille, rangent le grenier de la maison de Mina . Leur mère et grand-mère les a quittées il y a peu il est grand temps. Entre vieilles photographies, lettres, babioles diverses et variées se cachent des cahiers , ce sont ceux où Mina a tenté de mettre en mots ses pensés, son mal-être; ses joies, ses souvenirs d'enfance ... et puis posé là comme par inadvertance une "plaque de métal terni et cinq chiffres gravés 31799" c'est la plaque de déporté à Neuengamme d' Emilien. Emilien en est revenu marqué à jamais .
Cathy Borie se penche sur la vie d'une famille "ordinaire". le père, résistant, a été déporté, la mère à élevé seule ses deux enfants. Au retour du père, les cicatrices ont eu du mal à cicatriser ,le père s'est muré dans le silence, le couple s'est enfermé dans une vie sans vie, les enfants ont fait avec quite à en souffrir toujours et encore.
Cathy Borie trouve les mots justes pour exprimer l'indicible. Son immense talent s'exprime une fois encore tant la plume se fait la plus légère possible pour décrire l'innommable. Emilien est brisé mais fait face, la vie autour de lui continue pas toujours facile. L'émotion est palpable, l'empathie omniprésente .
Si J'ai été très touchée par Emilien, j'ai été un peu déstabilisée par la construction du récit. Laisser la parole à Emilien et à Mina aurait largement suffi au discours narratif ce n'est bien sur que mon modeste avis .
Merci aux éditions Avallon pour ce partage enrichissant.
Commenter  J’apprécie          250
J'ai rencontré Cathy Borie sur les réseaux sociaux littéraires que je fréquente et accepté de lire et de donner mon ressenti sur deux de ses romans.
Je commence par de la poussière et du vent, un roman dont le sujet me tente d'emblée ; il s'agit d'un pan d'histoire vu à travers l'univers familial quand la sphère privée subit les évènements et révèle ainsi des points de vue intéressants et originaux.

Nous voilà plongés dans l'intimité d'une famille qui pourrait être la nôtre, sur quatre générations. Les arrière-grands-parents ont connu les deux guerres mondiales, l'arrière-grand-père surtout a connu la déportation d'où il est revenu marqué à jamais dans sa chair et dans son âme. À l'autre bout de la généalogie, une jeune artiste peint des toiles tourmentées qui rappellent l'univers des camps de concentration.
Roman historique, roman familial, mais aussi roman sur la transmission, sur les séquelles invisibles de l'indicible. Au-delà de tout ce qui a été dit ou écrit sur les camps, quelle est la part de la mémoire des corps et des inconscients des rescapés ? Est-il possible que « la peur viscérale » se transmette une fois la normalité revenue ?
La trame narrative est organisée autour de retours en arrière à partir du décès de la grand-mère et de la découverte de souvenirs lors du rangement de sa maison. Il y a surtout un carnet, objet de tout un chapitre à la première personne, puis la narration reprend un fil omniscient. le lecteur est en terrain connu : la vie, la mort, les couples, les non-dits, les secrets de famille, etc. Il s'agit de redonner vie à ces aïeux méconnus dans une chronologie un peu bousculée : que sait-on de ses parents, de ses grands-parents ? Entre le peu qui a été dit, ce que l'on a compris ou cru comprendre, les rumeurs propagées, les jugements hâtifs... comment faire la part des infidélités, des querelles ?
Les personnages sont très travaillés dans le respect et la réalité des époques au cours desquelles ils ont vécu ; ils sont attachants. Il y a un vrai travail documentaire en amont sur la vie quotidienne des générations qui nous ont précédé. La reconstruction du passé à partir de quelques éléments est intéressante dans la mesure où la temporalité revêt ici une forme de circularité dans la répétition ou la transmission des ressentis. Les figures mythiques des grandes personnalités familiales écrasent le jeune personnage, très discret et pourtant noeud thématique, qui sert d'écrin au roman ; l'artiste s'efface derrière son oeuvre mais crée ce « lien » profond et particulier.
L'écriture est belle, soutenue. le rapport à la mort n'est jamais mortifère ; ainsi, j'ai particulièrement apprécié les passages qui évoquent les cimetières, moment de recueillement poétiques et chargés d'émotion.

Si je devais formuler un petit bémol, je dirais que les deux interludes, assez rapprochés, sous forme de courts dialogues explicatifs, sortes de voix off dans le récit, déséquilibrent l'ensemble général. Présents uniquement dans le premier tiers du livre, on ne peut donc pas dire qu'ils aient un rôle réel et s'ils sont très accessoires, que font-ils là ?

Ce roman m'a beaucoup plu, émue.
Je recommande.
Commenter  J’apprécie          112
À la mort de sa grand-mère, Léa découvre dans les affaires de celle-ci, un bracelet de déporté et des carnets ayant appartenu à Émilien, son arrière-grand-père. Avec sa mère, la jeune fille reconstitue l'histoire familiale.


Cathy Borie raconte le couple formé par Julienne et Émilien. Elle relate l'enfance et la jeunesse de Mina, leur fille, avec la perception de cette dernière. Les évènements survenus quand Mina avait huit ans sont retranscrits tels que cette petite fille les a ressentis. Les faits qu'elle a vécus pendant son adolescence sont narrés avec la vision d'une jeune fille. Cela renforce l'authenticité des propos.


Les carnets d'Emilien tentent de parler de l'indicible. Cet homme a été enfermé comme opposant politique, dans les camps. Ses écrits sont la mémoire des humiliations et des tortures subies. C'est aussi la perte de l'espoir quand les hommes ne sont plus considérés comme des personnes, qui peut conduire à l'irréparable. Mais c'est, aussi, cette solidarité qui peut se manifester, pour sauver quelques vies.


À la Libération, Émilien n'est plus le même. Mais il lui est impossible de raconter l'horreur. Cependant, il ne veut pas que l'on oublie.


À travers la vie des descendants de cet homme, Cathy Borie démontre que la vie des ancêtres a une incidence sur les générations suivantes. Ce qui n'est pas dit se répercute sur celles-ci. le poids du passé, s'il n'est pas exprimé, peut influer sur leur destin.


Je lis beaucoup de livres sur la Deuxième Guerre mondiale, et pourtant, ce livre m'a apporté des éléments que je ne connaissais pas, en particulier un événement qui est arrivé à la libération d'Emilien. de plus, les camps, racontés par lui, donnent l'impression de vivre les souffrances des déportés de l'intérieur.


La suite sur mon blog


http://www.valmyvoyoulit.com/archives/2018/09/01/36670459.html
Lien : http://www.valmyvoyoulit.com..
Commenter  J’apprécie          171
Merci beaucoup aux Editions D'Avallon de m'avoir proposé ce Sp.
A la suite de la chronique de Marceline Bodier, fort élogieuse j'avais très envie de lire ce livre.
Je n'ai pas été déçue, c'est un très bon livre, je n'ai pas été jusqu'au coup de coeur comme Marceline, mais ce livre m'a touchée par sa sobriété, son absence de pathos pour aborder les descriptions des camps, ce qui n'est absolument pas facile. le style est fluide, et la composition bien faite.
C'est le premier livre de Cathy Borie que je lis, mais certainement pas le dernier.
L'histoire nous présente une famille sur 4 générations, à la mort de sa grand mère Mina, Léa jeune femme de 20 ans va avec sa mère Clarisse retrouver, des souvenirs, des cahiers ayant appartenus au père de sa grand mère: Emilien, déporté pendant 3 ans dans un camp lors de la seconde guerre mondiale. le thème que l'auteur veut exposer par rapport aux secrets de famille, c'est la transmission de ces terribles moments vécus dans les camps qui bien souvent ne pourront pas être racontés par la personne elle-même car trop traumatisants. Autre interrogation, ces souvenirs peuvent ils au fil des générations, se retrouver comme éléments de traumatismes. Une lecture très forte qui nous rappelle la nécessité de ne rien oublier, et une plume très juste.
Commenter  J’apprécie          101

Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Mina sans doute avait transmis à ses filles des toiles d'araignée si fines qu'elles s'accrochaient imperceptiblement à leurs rêves, et chacune à leur façon elles eurent à se débattre pour les chasser, agitant les mains et secouant leurs cheveux, ou fermant les yeux pour ne plus les voir, pour rejeter cette peur qui ne leur appartenait pas mais qui les étreignait de ses fils subtils et soyeux.
Commenter  J’apprécie          270
Il suffisait de savoir que sa vie s'achevait là . Ces instants mis bout à bout , ou même jetés en vrac comme les grains de sable de la plage dans un seau d'enfant . Sans début ni fin , ou au contraire bien rangés dans la succession du temps , une chronologie imaginée ou réelle . Peu importait . Plus rien n'importait . Pour lui , en tout cas . À quoi avaient servi ses luttes et ses souffrances ? Quelles conséquences auraient ses écarts et ses fautes , ses tromperies et ses mensonges , sa désinvolture et son talent musical ? Que resterait - il de ses combats et de ses lâchetés , de ses blessures et de sa résilience ? De simples mots dans des lettres ou des revues , des images erronées dans la tête de ses descendants , des remords et des rancœurs , de l'amertume , des regrets , de l'admiration , de l'affection à retardement , des histoires racontées aux petits - enfants , des témoignages dans des livres officiels , des papiers déchirés ou usés qui tombent en lambeaux dans des tiroirs oubliés , un numéro , 31799 . De la poussière et du vent .
Commenter  J’apprécie          60
Et cependant, il tenait. Comme le funambule qui avance sur son fil, un pas après l'autre, concentré sur ce seul pas, Emilien mettait toute son énergie, le peu qui restait dans son corps ravagé, dans le seul moment présent, avec comme but : tenir. Tenir jusqu'à la minute d'après. Puis jusqu'à l'heure suivante. Atteindre le soir. La fin de la journée. Tenir jusqu'à la fin de l'appel. Arriver entier au moment du coucher. Résister à la nuit froide. Ne pas riposter aux coups de goumi - la très célèbre matraque en caoutchouc - sous peine d'y laisser sa peau. Se rendre transparent. Inexistant. Absent. Oublier la faim. Et ça, ô combien c'était difficile ! Combien étaient morts de faim autour de lui depuis son arrivée ? Il préférait ne pas compter. Ne pas observer les rescapés avec leurs yeux hagards au fond de leurs orbites creuses, leur teint blafard et leur torse bombé : il savait qu'il leur ressemblait, et qu'eux voyaient exactement la même image fantomatique effrayante. S'habituer à la mort. Il y avait tant de façons de mourir ici ! Assommés. Noyés. Pendus. Fusillés. Gazés. Malades. Les dents en or arrachées. Les cadavres brûlés au four crématoire.
Certains mourraient parce qu'ils le voulaient. Parce qu'ils ne supportaient plus...
Commenter  J’apprécie          20
Ecrire, la seule preuve qu'il était encore humain, qu'il possédait une conscience et des émotions. Mais même cela lui fut ôté.
Commenter  J’apprécie          52

Videos de Cathy Borie (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Cathy Borie
Ana raconte l’histoire de la violence faite aux femmes, du consentement trahi, de la honte et de l’humiliation, mais aussi de l’espoir, du courage, de l’amour ou comment à travers le tragique il est possible de se transformer. Dans les violences de la vie, Ana trouve l’amour. Un roman poignant d’une grande beauté.
Ana Cathy Borie ISBN 978-2-37622-234-7 Éditions L'Échelle du temps
autres livres classés : transmissionVoir plus


Lecteurs (39) Voir plus



Quiz Voir plus

Freud et les autres...

Combien y a-t-il de leçons sur la psychanalyse selon Freud ?

3
4
5
6

10 questions
433 lecteurs ont répondu
Thèmes : psychologie , psychanalyse , sciences humainesCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..