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Critique de Arimbo



Le hasard des lectures sur Babelio m'a fait découvrir une superbe analyse de ce roman. Et celle-ci m'a ramené soudainement au souvenir de la première lecture de ce livre, le roman qui m'a fait passer de la Bibliothèque Verte et des Bob Morane à une autre littérature qui ne m'a plus quitté depuis. Je n'avais certes pas tout compris, j'étais notamment trop jeune pour saisir les méandres des tourments amoureux.

Je suis revenu à ce roman, avec la crainte que le souvenir magique d'il y a plus de 60 ans ne laisse place à la déception.
J'ai retrouvé les sensations puissantes et troubles d'autrefois. Et mieux saisi toute la richesse et la complexité de ce roman fort, semeur d'énigmes, qui parle de la terre et de l'amour.

Il parle, il faut le dire, d'un monde rural qui n'est plus, où l'on fauche les blés à la faux, où l'on vanne dans de grands paniers, où l'on écrase les grains à la meule de pierre entraînée par un cheval, etc..Un monde sans mécanisation, sans engrais chimiques , sans obsession du rendement, et, bien sur, sans radio, ni télé, ni internet, ni smartphone.
Et puis aussi, un temps où le propriétaire était respecté comme un seigneur, avait le pouvoir sur ses métayers, au point que ces derniers le consultent sur le choix de la fille à marier à leur fils, où la femme est soumise à son mari.

Pascal Dérivat, qui a fait de « bonnes études », sans doute d'agronomie, vit au Mas Théotime, hérité de son grand-oncle, sur une terre provençale, qu'il cultive avec des métayers, les Alibert, le « vieil Alibert » dont on ne saura jamais le prénom, sa femme Marthe et ses deux enfants, Françoise et Jean.
Leur vie rude s'écoule lentement au rythme des saisons, avec une parole rare, une vie un peu agrémentée par le loisir de l'herborisation auquel Pascal s'adonne, une vie perturbée seulement par le voisin et cousin Clodius, un homme malveillant, un peu dément, qui néglige son domaine, et leur fait de multiples tracasseries.

Mais voilà que s'invite chez lui, Geneviève, une cousine avec laquelle il a eu des rapports compliqués dans son enfance, faits d'amour et de détestation.
La vie calme de Pascal et de ses métayers va être bouleversée par cette femme étrange et fantasque, aux pouvoirs parfois mystérieux comme celui de parler à une harde de sangliers, un moment qui m'avait tant impressionné lors de ma lecture de jeunesse.

La présence de Geneviève sera le moteur de l'histoire, à la fois celle des tourments amoureux, merveilleusement décrits, et celle des événements dramatiques qui se produiront sur le domaine, je ne les dévoilerai pas, je laisse au futur lecteur le plaisir de la découverte.

Mais l'intrigue ne serait rien sans la façon dont l'auteur la situe dans cette terre de Provence, soumise au rythme des saisons, où la nature n'est pas aimable, mais puissante, bénéfique ou maléfique, où les arbres, les champs, les monts, les bâtisses, les animaux et les hommes sont chargés de mystères, voire de sortilèges.
Bosco nous fait ressentir ce lien charnel avec cette nature, qui se manifeste au diapason des sentiments et des évènements, tel cette chaleur ensoleillée qui accompagne l'éclosion du sentiment amoureux, ou cet orage contemporain des événements dramatiques, orage qui ne cesse de menacer et qui finira par éclater.
Il nous fait aussi ressentir les méandres des sentiments amoureux, la difficile frontière entre l'affection et la passion, l'amour platonique et la sensualité.

Un autre aspect que je n'avais pas saisi autrefois, c'est la puissance des bâtisses et leur rôle symbolique dans l'histoire. Avant tout le mas Théotime, un être vivant, véritable personnage du roman, une demeure immense aux multiples recoins, Et un refuge quasi maternel pour Pascal qui s'y cache dans une chambre située sous les toits, le lieu où se cristallisera la relation amoureuse entre Pascal et Geneviève, le lieu aussi où Pascal cachera l'assassin de Clodius, le lieu où tout se noue et se dénoue. Et autant Théotime est accordé au tempérament de Pascal, autant la petite demeure de Micolombe, dont Pascal fait don à Geneviève, est accordée à l'exaltation de cette dernière. D'ailleurs Pascal ne dit-il pas « on s'exalte à Micolombe » alors que dans le mas Théotime « L'âme se contient ».
Et puis, il y a cette chapelle Saint-Jean, lieu mystérieux et mystique, pleine de signes telle cette croix plantée dans une rose en forme de coeur, qui troublera d'abord Geneviève puis plus tard Françoise. Et La Jassine, cette maison délabrée et maléfique du cousin Clodius, que les Alibert laveront et en quelque sorte purifieront avant que le fils Jean puisse l'occuper.

Enfin, la magie de ce livre, que j'ai retrouvée intacte, tient aussi à tous ces éléments mystérieux, non expliqués de prime abord, et dont on devine parfois le sens, ainsi l'image laissée à la Chapelle Saint-Jean préfigure-t-elle sans doute, le destin futur de Geneviève qui entrera au Couvent des Visitandines puis partira en Orient. Mais que signifient ces motifs sur les bannières de mariage? Et cette terre inculte que Pascal parcourt et qu'il fait découvrir à Françoise? Et cette source étrange près de Théotime, et aussi ce bois rempli d'oiseaux où va se réfugier Pascal? C'est beaucoup plus riche et complexe que je m'imaginais, et je pense ne pas avoir tout saisi, mais c'est ce qui fait toute la poésie de ce livre.

Pour terminer, il y a l'écriture si belle, si lente, méditative, comme accordée à la vie dans ce coin de Provence, et aux sentiments de celles et ceux qui y vivent.

Une très belle redécouverte de ce roman, je m'aperçois que c'est le seul roman de Bosco que j'ai jamais lu, et qui m'invite à en lire au moins un autre, je pense à Malicroix.
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