Des vers de terre et des hommes : Découvrir nos écosystèmes fonctionnant à l'énergie solaire

Élément important incontestable de nos sols, on ne sait pourtant rien sur nos vers de terre qui peuplent nos jardins. Les croyances populaires et notre vision sur ces animaux nous font penser qu'ils ne servent à rien et que leur utilité sur la Terre est moindre que la nôtre. Hors, c'est bien tout le contraire que cet ouvrage nous démontre.

Marcel Bouché est l'un des spécialistes mondiaux de ces animaux et il défend avec conviction leurs nombreuses utilités dans la nature. Il met aussi en avant leurs incroyables évolution à travers les âges et leur nombreuses caractéristiques (plexus écosystémique). Première leçon: on ne dit pas «lombric» mais «lombricien» par tout ce que l'on entend par «vers de terre». Loin de mettre l'Homme au milieu de tout, l'auteur met ces lombriciens au milieu du Vivant au même rang que les plantes et les micro-organismses. Dès lors, notre perception des sols changent nous comprenons alors vite notre ignorance.

Pour comprendre ces animaux, la première partie est chargée de nous décrire leur origines. Marcel Bouché retrace l'histoire complexe de ses animaux venu de la nuits des temps. Puis, l'auteur nous apporte des éléments sur leur biologie et leur fonctionnement. A ce moment dans notre lecture, nous commençons à comprendre la complexité de ses animaux (nourriture, profondeur dans les sols, intelligence (oui oui), relation avec leur écosystème…). Enfin, après avoir fait connaissance avec eux, nous comprenons leur nombreux rôles dans les sols . Mais ses premières pages sont aussi excellentes. Son entrée en matière entre ce que la culture populaire laisse paraître et les faits scientifiques sur les lombriciens est bien écrit. Ce crescendo dans la plongé du livre est bien réglé.

Marcel Bouché met en avant ses convictions en faveur de ses animaux dénigrés. Des études internationales tronquées jusqu'à l'absence d'études de terrain qu'il manque pour fonder une connaissance de base, l'agronome ne manque pas de d'expliquer son point de vue et tout son argumentaire et son expérience en faveur des lombriciens. L'Homme est reléguer au rang d'espèce qui ne comprend pas la moitié des choses qui se passe sous ses pieds. En ayant lu le premier tiers du livre qui nous appris tant de choses, nous suivons alors son point de vue. Ses arguments sont référencés, explicites et vécu et tombent comme un couperet : nous ne pouvons que apprendre sur ces vers de terre si essentiels.

Le travail de Marcel Bouché dépasse celui de l'agronomie. Les champs sont vastes. Géologie, biologie, chimie, jardinier, inventeur, laborantin… l'investigation de l'auteur a été total et nous démontre à chaque page que notre regard vis à vis de la «nature» est relativement tronqué faute de données vérifiées sur le terrain.

Cependant, en tant qu'ouvrage scientifique qui se veut complet, il peut paraître lassant de lire parfois un jargon scientifique compliqué au premier abord. Ce défaut est toutefois excusable pour, comme je l'ai dis, un ouvrage qui se veut complet. Il ne dois pas arrêter le lecteur curieux et en attente de connaissance sur ces habitants de nos sols. Ce livre est destiné à la vulgarisation sur un thème méconnu et il est nécessaire d'en savoir les bases et de sortir de sa zone de confort, comme tout les livres de vulgarisation d'ailleurs.

C'est un livre qui m'a fait changer le regard sur notre relation à notre environnement, très méconnue, romantisé et faussé (cycle de l'azote).

Une réflexion m'a interpellé: «toute nos civilisations et notre existence s'est fondée sur les lombriciens. Grâce à leur travail acharné depuis des millénaires, nos ancêtres ont pu cultiver un sol fertile et fonder notre civilisation. Nous leur devons au moins cette reconnaissance». Cette simple pensé me marque encore et fait régir sur la considération que l'on porte aux vers de terre mais à la terre aussi.

Ecrit après avoir approfondi le sujet pendant des dizaines d'années, "Des vers de terre et des hommes" est la synthèse de tout ce que Marcel B. Bouché a appris des "lombriciens" (car c'est ainsi que les spécialistes les nomment).
C'est aussi une initiation au fonctionnement des écosystèmes terrestres, ainsi que le sous-titre le précise.
C'est enfin, et ce n'est pas le moins intéressant, des réflexions sur l'incapacité de l'homme, jusqu'à maintenant, à faire la synthèse du fonctionnement des écosystèmes compte tenu notamment de leur diversité et de leur complexité. L'auteur dénonce le manque de rigueur de beaucoup de recherches qui privilégient la production de théories basées sur des expériences de laboratoire non représentatives et rechignent à les soumettre à des vérifications sur le terrain. Il appelle aussi de ses voeux une synthèse des nombreuses connaissances hyperspécialisées dont nous disposons néanmoins : nous invoquons l'écologie dans tout ce que nous faisons, mais nous ne savons pas vraiment comment sera assurée la nourriture de l'humanité lorsque le pétrole sera trop cher pour continuer à faire fonctionner les tracteurs qui ont stérilisé nos champs.
J'ai lu ce livre foisonnant avec grand intérêt -- et sans trop de difficulté, l'auteur ne manquant ni de nous préciser fréquemment où nous en sommes dans le cheminement de son discours, ni à quelle page il a déjà évoqué tel ou tel aspect. (Je précise cependant avoir été un lycéen passionné par les "Sciences Naturelles", puis avoir suivi une formation scientifique et avoir enfin beaucoup observé en plantant et cultivant un jardin sur un ancien champ de maïs défoncé par des engins de travaux publics).